H. Ellis, médecin anglais, né en 1859 et décédé à 80 ans en 1939, a accumulé les observations sur les coutumes et les moeurs, études biologiques, psychologiques, culturelles. Il s'est attaché aux aspects conscients de la sexualité alors que Freud - qu'il a connu - débusquait l'inconscient après Charcot. Beaucoup de faits relevés ont disparu de nos jours mais expliquent certaines idées culturelles et le comportement des personnes âgées nées avant 1935.
L'odorat chapitre I - L'odorat - chapitre II - L'odorat - chapitre III - L'odorat - chapitre IV - L'odorat - chap.V et VI
«
Le caractère primitif de
l'odorat. Le
siège anatomique des centres olfactifs. - La
prédominance de l'odorat chez les mammifères
inférieurs. Son importance moindre chez l'homme. -
L'attention
des sauvages pour les odeurs.
Le premier sens organisé qui relève de
la
sensibilité diffuse de la peau est sans doute le plus
souvent
celui de l'odorat. Au début, la sensibilité
olfactive
n'est pas clairement séparée de la
sensibilité
tactile en général ;
l'épithélium
épaissi et cilié ou les antennes très
mobiles,
qui, chez plusieurs animaux inférieurs, sont sensibles aux
stimuli odorants, sont de la même façon
extrêmement sensibles aux stimuli tactiles. C'est le cas chez
l'escargot, où en même temps la
sensibilité
olfactive paraît être répandue sur le
corps entier
(Emile Yung, Le Sens olfactif de
l'escargot - Helix
pomata - Archives de psychologie, 1903). Le sens de
l'odorat
se spécialise graduellement, et lorsque le goût
commence
aussi à se développer, ils constituent une
espèce de sens chimique. Mais lorsque nous montons
l'échelle zoologique, l'organe de l'odorat augmente
rapidement
en importance. Chez les vertébrés
inférieurs,
lorsqu'ils commençaient à vivre sur la terre
ferme, il
semble que le sens de l'odorat ait été la partie
de
leur équipement sensuel qui se montra la plus utile sous les
conditions nouvelles, et qui se développa avec une
rapidité étonnante. Edinger trouve que, dans le
cerveau
des reptiles, «l'area olffactoria » a une extension
énorme, qui couvre même la plus grande partie du
cortex.
Toutefois, il se peut que Herrick ait raison, lorsqu'il remarque que
l'odorat est prépondérant, mais qu'il n'est pas
cependant justifié d'attribuer une valeur olfactive
exclusive
aux activités cérébrales des
Sauropsides ou
même des Ichtyopsides.
En tout cas, l'odorat est certainement le plus développé des sens chez la plupart des mammifères ; il donne la première information sur les objets à distance qui intéressent ces animaux ; il donne l'information la plus précise sur les objets du voisinage qui leur importent ; c'est par ce sens que la plupart des opérations mentales des animaux doivent débuter, et que leurs impulsions émotionnelles atteignent à la conscience. Chez les singes, ce sens a perdu beaucoup de son importance; chez l'homme il est devenu presque rudimentaire, cédant la place à la suprématie de la vue.
Le professeur G. Elliot Smith, une grande autorité pour l'étude du cerveau, a bien résumé les faits concernant la prédominance de la région olfactive dans le cerveau des mammifères, et ses conclusions méritent d'être citées. Il faut noter d'abord qu'Elliot Smith divise le cerveau en rhinencephalon et néopallium. Le premier mot désigne les régions dont la fonction est olfactive d'une manière prépondérante le bulbe olfactif, son pédoncule, le tuberculum olfactorium, le locus perforatus, le lobe piriforme, le corps paraterminal, et la formation hippocampale tout entière. Le néopallium est la partie dorsale du cerveau, avec les régions frontales, pariétales et occipitales, comprenant toute la partie du cerveau qui est le siège des activités associatives supérieures et qui atteignent leur développement le plus complet chez l'homme.
«
Chez les mammifères
inférieurs, les
régions olfactives forment de beaucoup la partie la plus
importante de l'hémisphère
cérébral, ce
qui n'est pas surprenant si on réfléchit que,
dans le
cerveau primitif, la partie de devant est pour ainsi dire un
appendice essentiel de l'appareil de l'odorat. Lorsque
l'hémisphère cérébral
arrive à
occuper une position tellement dominante dans le cerveau, il est
peut-être tout naturel de trouver que le sens de l'odorat est
la source d'information la plus influente et principale de l'animal.
Peut-être serait-il plus exact de dire que le sens olfactif,
qui transmet à l'animal des informations
générales sur sa proie qu'aucun autre sens ne
pourrait
fournir (si la proie est près ou loin, si elle est
cachée ou exposée), est la plus utile de toutes
les
sources d'information pour le mammifère inférieur
qui
mène une vie terrestre, et que, pour cette raison, ce sens
devient prédominant, tandis que son domaine particulier, le
devant du cerveau, devient la portion dominante du système
nerveux.
Cette prédominance primitive du sens de l'odorat
persiste chez la plupart des mammifères (sauf là
où un mode de vie aquatique intervient comme chez les
Cétacés, les Siréniés, les
Pinnipèdes), même si un large
néopallium se
développe qui recoit et déverse dans le devant du
cerveau des impressions visuelles, auditives, tactiles et autres. Ce
n'est que chez les anthropoïdes, parmi les
mammifères non
aquatiques, que les régions olfactives subissent la
diminution
absolue (et non relative comme chez les Carnivores et les
Ongulés qu'on observe dans le cerveau humain et dans celui
des
autres Simiidæ, des Cercopithecidæ et des
Cebidæ.
Mais toutes les parties du rhinencephalon, qui sont tellement
distinctes chez les mammifères macrosmatiques, peuvent
être reconnues aussi dans le cerveau humain.
Le petit bulbe
olfactif ellipsoïde est pour ainsi dire amarré
à
la plaque crébriforme de l'os ethmoïde, par les
nerfs
olfactifs. Comme l'endroit d'attachement du pédoncule
olfactif
à l'hémisphère
cérébral qui se
développe est déplacé en
arrière de plus
en plus, par le progrès même de l'extension de
l'hémisphère, le pédoncule est
fortement tendu
et élongé. Et comme cette tension implique la
substance
grise sans diminuer le nombre de fibres nerveuses dans la
région olfactive, le pédoncule devient en effet
ce
qu'on l'appelle ordinairement la région olfactive.
Le
tuberculum olfactorium est très réduit et en
même
temps aplati ; il n'est donc pas facile de distin guer entre lui et
l'espace perforé antérieur. La fissure
rhénale
antérieure, qui existe aux débuts du
foetus humain,
disparaît presque, sinon entièrement, chez
l'adulte. Une
partie de la fissure rhénale postérieure persiste
toujours dans la "incisura temporalis" et
parfois,
surtout chez certaines races extra-européennes, la fissure
rhénale postérieure tout entière
persiste sous
cette forme typique que nous rencontrons chez les singes
anthropoïdes.»
( G.
Elliot Smith,
Descriptive and Illustrated Catalogue of the physiological series of
comparative anatomy contained in the museum of the Royal College of
Surgeons of England, 2e éd., t. II. On trouve un rapport
complet des recherches de Smith, avec les diagrammes, chez Bullen,
Journal of mental Science, juillet 1899. Le sujet entier des centres
olfactifs a été étudié
à fond par
Elliot Smith, ainsi que par Edinger, Mayer et G.L. Herrick. Dans le
Journal of Comparatlve Neurology, rédigé par ce
dernier, on trouvera nombre de discussions et de
résumés à partir de 1896. Sur les
organes
primitifs de l'odorat chez plusieurs groupes d'animaux
invertébrés, on trouvera des renseignements chez
A.B.
Griffith, Physiology of the Invertebrata, chap. XI (N. D.
A.)).
La
prédominance de la région olfactive
dans le
système nerveux des vertébrés en
général a impliqué
inévitablement des
associations psychiques intimes entre les stimuli olfactifs et
l'impulsion sexuelle. Non seulement les associations sexuelles sont,
pour la plupart des mammifères, surtout olfactives, mais les
impressions reçues par ce sens suffisent souvent pour faire
contrepoids aux impressions de tous les autres sens.
Nous pouvons
fort bien observer cela sur le chien. Un jeune chien que je connais
bien, qui n'avait jamais eu de rapports avec une chienne, mais qui
était toujours en compagnie de son père,
rencontra un
jour ce dernier immédiatement après que le vieux
chien
eut été avec une chienne. Il s'efforça
tout de
suite de se comporter envers son père comme envers une
chienne. Les impressions recues par le sens de l'odorat furent assez
fortes pour mettre en action le mécanisme sexuel.
(Il y a un chapitre intéressant sur le
sens olfactif
dans la vie mentale du chien chez Giessler, Psychologie des Geruchs,
1894, chap. Xl. Passy (dans l'appendice à son
mémoire
sur l'olfaction, Année Psycho/ogique, 1895) donne le
résultat de quelques expérienees
intéressantes
sur l'influence des parfums sur les chiens ; on découvrit
que
la civette et le castoréum avaient l'effet le plus excitant
(N. D. A.)).
L'influence
de l'odorat est aussi
générale dans la
vie sexuelle
de plusieurs insectes.
(Les
travaux des neurophysiologistes, psychophysiologistes
et cliniciens sur le rhinencéphale, se sont
multipliés
depuis 1950. Ils ont montré les connexions entre : a)
rhinencéphale et activité sexuelle ; b)
rhinencéphale et activité instinctuelle non
génitale ; c) rhinencéphale et
régulation
affective. C'est ainsi qu'on a pu constater, par exemple, la
fréquence de troubles de l'appétit chez les
animaux
d'expérience et chez les êtres humains porteurs de
lésions rhinencéphaliques, de l'impuissance et de
l'homosexualité chez les épileptiques temporaux
dont on
connaît également les troubles de l'humeur et le
caratère impulsif. (N.D.É))
Ainsi Féré a
découvert
que chez les hannetons l'accouplement sexuel ne pouvait avoir lieu si
on avait enlevé les antennes, qui sont l'organe de l'odorat.
Il a découvert aussi que les mâles,
après
s'être unis aux femelles, devenaient sexuellement attractifs
pour les autres femelles (Comptes rendus
de la
Société de Biologie, 21 mai 1898).
Féré a encore découvert que, chez une
espèce de lombyx, les mâles, après le
contact
avec les femelles, étaient parfois attractifs pour les
autres
mâles, mais sans que cela entraîne des rapports
anormaux
(Id., 30 juillet 1898).
Chez
les singes
supérieurs, et surtout chez l'homme, tout cela a
changé. Le sens de l'odorat persiste bien universellement et
il est aussi toujours excessivement délicat, mais il est
souvent négligé (La
sensibilité
de l'odorat chez l'homme en général
dépasse
celle de la réaction chimique ou même de l'analyse
spectrale. Voir Passy, L'Année psychologique, 2e
année,
1895, p. 380 (N. D. A.)).
De plus, il est un auxiliaire
utile
pour explorer le monde extérieur, car, en plus des
très
rares sensations que nous fournissent le toucher et le goût,
nous connaissons un grand nombre d'odeurs, quelque vague que soit
d'habitude l'information qu'elles nous donnent.
Un parfumeur habile
aura deux cents odeurs dans son laboratoire, dit Piesse, et pourra
les distinguer toutes. Pour un nez sensible, presque toute chose a
une odeur. Passy affirme même qu'il n'a "jamais
rencontré un objet réellement inodorant si on le
considère bien, pas même du verre".
Nous pouvons
à peine accepter absolument cette affirmation, surtout
après les expériences soignées
d'Ayrton,
démontrant que contrairement à l'opinion
générale, les métaux parfaitement
propres et
dénués de traces du contact avec la peau et des
solutions salines n'ont aucune odeur.
Pourtant l'odeur est très répandue. C'est le cas surtout dans les pays chauds et les recherches de la Cambridge Anthropological Expedition sur le sens de l'odorat chez les Papous ont été assez entravées par le fait qu'à Torres Straits toute chose, même l'eau, paraissait avoir une odeur. Souvent on prétend, avec une exactitude plus ou moins grande, que les sauvages sont indifférents aux mauvaises odeurs. Ils sont pourtant vivement sensibles à l'importance des odeurs et à leur variété, bien qu-il ne semble pas que le sens de l'odorat soit beaucoup plus développé chez les sauvages que chez les civilisés. Les odeurs continuent à jouer un rôle dans la vie émotionnelle de l'homme, surtout dans les pays chauds. Mais, malgré cela, l'odorat est, dans la vie pratique comme dans la vie émotionnelle, dans la science et dans l'art, sous les conditions normales, tout au plus un auxiliaire. Si le sens de l'odorat était perdu tout à fait, la vie de l'humanité se poursuivrait comme auparavant avec peu de modifications sensibles, mais les plaisirs de la vie, et surtout ceux de manger et de boire, en seraient quelque peu diminués.
Dans la
Nouvelle-Irlande, dit Duffield (Journal
of
the Anthropological Institute, 1886, p. 118) , les
indigènes possèdent un odorat très
éveillé ; les odeurs non habituelles leur
déplaisent et "l'acide phénique les
rendait
furieux".
Les Néo-Calédoniens n'aiment
les odeurs
de viande et de poisson que si ces odeurs deviennent fortes, comme la
popaya, qui a l'odeur du fumier de poulailler, ou la kava, qui
répand celle d'oeufs pourris. Des fruits et des
légumes
qui deviennent mauvais leur semblent les meilleurs, tandis que les
odeurs fraîches et naturelles que nous
préférons
semblent leur dire : "Ceci n'est pas encore
comestible"
(Foley, Bulletin de la
Société
d'Anthropologie, 7 novembre 1879).
Le goût pour
les
aliments putrides, commun chez les sauvages, n'implique pas
nécessairement un dégoût pour les
odeurs
agréables, et même chez les Européens
il y a un
goût très répandu pour des aliments mal
odorants
et putrides, spécialement du fromage et du gibier.
Les
indigènes de Torres Straits (Report
of the
Cambridge Anthropological Expedition to Torres Straifs, t. II, part
2, 1903) ont été soigneusement
examinés
par le Dr C. S. Myers, quant à leur acuité et
leurs
préférences olfactives. On trouva que
l'acuité
était très peu supérieure à
celle des
Européens. Il sembla que cela provenait en grande partie de
leur grande attention pour les odeurs. Les ressemblances qu'ils
découvrirent entre différentes substances
odorantes
furent souvent trouvées reposer sur des affinités
chimiques réelles. Les odeurs qui leur inspiraient le plus
souvent du dégoût étaient l'assa
f¦tida, l'acide
de valériane et la civette. La dernière
était
considérée comme la plus
dégoûtante de
toutes à cause de sa ressemblance avec l'odeur
fécale,
que ces gens ont en très grand dégoût.
Leurs
odeurs favorites étaient le musc, le thym, et surtout la
violette.
En
Australie, Lumholtz constata que les Noirs
possédaient
un sens olfactif plus vif que lui-même (Among
Cannibals, p.115) .
En Nouvelle-Zélande, les
Maoris
possédaient, d'après W. Colenso, en tout cas
autrefois,
un sens olfactif très développé, ou
bien ils
étaient très attentifs aux odeurs. Leur opinion
sur les
odeurs agréables et désagréables
correspondait
de près à l'opinion européenne, bien
qu'on doive
ajouter que quelques-uns de leurs aliments habituels
possédaient une odeur très
désagréable.
Ils ne sont pas seulement sensibles aux parfums européens,
mais ils avaient plusieurs parfums spéciaux provenant de
plantes et possédant une odeur agréable,
pénétrante et durable. Le meilleur et le plus
rare de
ces parfums était la gomme du taramea (Aciphylla Colensoi),
qui était récoltée par des vierges
après
des prières et l'usage de charmes. Sir Joseph Banks observa
que les chefs maoris portaient des petits paquets de parfums autour
du cou, et Cook fit la même observation chez les jeunes
femmes.
On trouve la mention des quatre principaux parfums maoris, dans une
strophe qu'on fredonne encore souvent pour exprimer sa satisfaction,
et que la mère chante à son enfant :
A mon cou, la petite pochette de mousse parfumée,
A mon cou, la petite pochette de fougère suave,
A mon cou, la petite pochette de gomme odorante,
Mon médaillon parfumé de taramea pointu.
En
été les maisons ou se couchent les
chefs maoris
sont souvent jonchées d'herbes parfumées d'une
odeur
pénétrante. (W.
Colenso, Transactions
of fhe New Zealand Institute, t. XXIV, reproduit dans Nature, 10
novembre 1892).
Les Javanaises se frottent d'un mélange de craie et d'essence forte qui laisse au corps un parfum spécial. (Stratz, Die Frauenkleidung, p. 84).
Les insulaires de Samoa aiment les odeurs suaves et aromatiques (Friedlander, Zeitschrift für Ethnologie, 1899, p 52). Friedlander énumère une vingtaine de plantes odorantes qui sont en usage chez eux, surtout comme guirlandes autour de la tête et du cou. Parmi ces plantes, il y a l'ylang-ylang et le gardénia. D'une de ces plantes (cordyline), Friedlander lui-même ne put pas découvrir l'odeur.
Comme les Néo-Zélandais, les Nicobarais ont horreur de l'odeur de l'acide phénique (Man, Journal of the Anthropological Institute, 1889, p 52). Les jeunes hommes et les femmes aiment beaucoup les parfums. Les premiers disent que l'usage des parfums les rend agréables aux femmes, et ils apportent de la brousse les feuilles d'odeur suave d'une certaine plante grimpante, pour les donner à leurs fiancées et à leurs femmes.
Chez les Swahili, les femmes mettent beaucoup de soin à se parfumer. Lorsqu'une femme veut se rendre désirable, elle se couvre entièrement d'onguents suaves, elle s'asperge d'eau de rose, elle met du parfum dans ses vêtements, elle jonche son lit de fleurs de jasmin, attache ces fleurs autour de son cou et de sa taille, et fume de l'ûdi, le bois parfumé de l'aloès. "Tout homme est heureux si sa femme sent l'ûdi' (Velten. Sitten und Gebraüche der Swahili, pp 212-214) » »
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Éditique : Dr Lucien Mias - 22 juin 2009
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