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Havelock
Ellis - Études de
psychologie sexuelle
Éd. Mercure de
France 1964 (1°éd.
1935) - Huit volumes
L'odorat
L'odorat
chapitre I -
L'odorat - chapitre II
.
-
L'odorat - chapitre III . -
L'odorat - chapitre IV
.
-
L'odorat - chapitre V
et VI
-
Tome
II -
Chapitre IV 14 pages
-
Les notes de
bas de page ont
été incluses dans le texte.
-
NDA = note de l'auteur
en 1935 ; NDÉ : note de l'éditeur en 1964
- L'influence
des parfums. Leur rapport primitif avec les odeurs
corporelles sexuelles. Cela est même vrai pour les odeurs
suaves des fleurs. - La manufacture synthétique des parfums.
Les eflets sexuels des parfums. - Les parfums sont peut-etre
originairement employés pour rehausser les odeurs
corporelles.
La signification spéciale de l'odeur du musc. - Sa grande
diflusion naturelle chez les plantes, les animaux et l'homme. - Le
musc, un stimulus puissant. Son usage très
répandu
comme parfum. - La peau d'Espagne. L'odeur du cuir et ses eflets
sexuels occasionnels. L'influence sexuelle des odeurs des fleurs. -
L'identité de plusieurs odeurs de plantes avec certaines
odeurs normales et anormales du corps humain. L'odeur du semen sous
ce rapport.
- Nous nous sommes
surtout occupés jusqu'ici d'odeurs
purement personnelles. Mais il n'est pas possible de limiter l'examen
de la signification sexuelle de l'odeur au domaine exclusivement
animal.
- Les différents caractères de l'odeur
personnelle que nous avons indiqués tant ceux qui ont une
tendance à la rendre répulsive que ceux qui
tendent
à la rendre attrayante ont amené à
l'usage de
parfums artificiels pour augmenter l'odeur naturelle lorsqu'elle est
considérée comme attrayante pour la
déguiser
lorsqu'elle est considérée comme
répulsive.
- En
même temps s'est développé le charme
pur des
parfums, pour leur caractère agréable, le
côté esthétique de l'olfaction, et ce
charme
couvre d'une manière heureuse les deux impulsions
indiquées.
- Ainsi le corps se pare pour le sens de l'odorat,
comme il se pare par les vêtements et les ornements pour le
sens de la vision, bien que le premier processus ait lieu d'une
manière beaucoup moins constante et moins
élaborée. Mais il y a un fait à
considérer, qui a une grande importance de notre point de
vue
actuel. C'est que nous ne quittons pas réellement la
sphère sexuelle par l'introduction des parfums artificiels.
Les parfums que nous extrayons de produits naturels ou, comme c'est
de nos jours fréquemment le cas, que nous ploduisons par la
synthèse chimique, sont eux mêmes soit des odeurs
sexuelles animales véritables, ou bien
apparentés, par
leur caractere ou leur composition avec les odeurs personnelles
qu'elles devaient rehausser ou masquer.
- Le musc est le produit des
glandes du mâle du moschus moschiferus, et ces glandes
correspondent à des glandes préputiales
sébacées.
- Le castoreum est le produit de glandes
sexuelles similaires chez le castor ; la civette est un produit
identique de la civette ; l'ambre gris est un calcul intestinal qu'on
trouve dans le rectum du cachalot (H
Beauregard,
Matière médicale zoologique : Histoire des
drogues
d'origine animale, 1901). Non seulement presque tous les
parfums d'origine animale dont se sert l'homme civilisé sont
des odeurs qui ont un but spécifique sexuel chez les animaux
dont elles dérivent, mais on peut même dire que
les
parfums des fleurs ont un caractère sexuel
- (
C'est parce que les odeurs des fleurs ressemblent parfois à
des odeurs animales qu'elles sont parfois agréables aux
animaux, comme la valériane au chat. - C J Cornish Life at
the
Zoo, pp. 109 sq. a trouvé que l'eau de lavande
était le
parfum favori de la plupart des animaux sur lesquels on a
expérimenté, surtout des lions et des
léopards.
L'eau de rose, ou l'odeur des oeillets et des lilas étaient
aussi appréciées. Les lis et Ies narcisses ne le
furent
pas du tout (N. D. A.)).
- Ces
derniers parfums sont émis
dans la période reproductive de la vie des plantes, et ils
ont
évidemment en grande partie pour objet d'attirer les
insectes
qui assurent la fertilisation de la plante, et cet attrait repose sur
ceci que, parmi les insectes eux-mêmes, la
sensibilité
olfactive a été développée
souvent
pendant leur accouplement
- (Le professeur Plateau, de
Gand, a continué pendant plusieurs années une
série d'expériences qui semblent même
démontrer que les insectes sont à peine
attirés
par les couleurs des fleurs, mais qu'ils sont surtout
influencés par le sens de l'odorat. Ces
expériences ont
été décrites depuis 1887 dans les
Bulletins de /
Académie Royale de Belgique et on en trouve de temps en
temps
des résumés dans Nature, par exemple 5
février
1903 (N. D. A.)).
- Il y a par exemple un
papillon de nuit chez
lequel les deux sexes n'accusent pas de différence visible
de
dessin, mais les mâles répandent une odeur
agréable, qu'on compare à celle de l'ananas, et
qui
attire les femelles (David Sharp,
Cambridge Natural
History : Insects part.II, p. 398). Donc, si les odeurs
des
fleurs se sont développées parce qu'elles
étaient utiles à la plante en attirant des
insectes et
d'autres êtres vivants, il est évident que
l'avantage
serait du côté des végétaux
qui peuvent
émettre une odeur sexuelle animale d'un caractère
agréable, car cette odeur devrait captiver des
êtres
animaux.
- Ici nous touchons
à une explication très simple de
l'identité fondamentale des odeurs dans les mondes
végétal et animal. Il en résulte que,
d'un point
de vue psychologique, nous n'abordons pas tout à fait un
terrain nouveau en entreprenant l'examen de l'influence des parfums
autres que ceux du corps animal. Nous nous trouvons simplement en
face d'odeurs sexuelles un peu plus compliquées ou un peu
plus
raffinées, mais qui ne sont pas spécifiquement
différentes des odeurs humaines et, au contraire, se
mélangent avec ces dernières, d'une
manière
harmonieuse.
- L'usage de la langue populaire témoigne de la
vérité de cette affirmation, et nous avons
déjà eu l'occasion d'observer que les odeurs
humaines
normales et anormales sont constamment comparées
à des
odeurs artificielles, à des odeurs animales et
végétales, au chloroforme, au musc, à
la
violette, pour ne mentionner que les similitudes qui semblent se
présenter le plus souvent.
- Il y a trois méthodes universellement en usage
de nos jours
dans les pays civilisés, pour obtenir les parfums :
- 1° L'extraction
des matières odoriférantes des
produits naturels dans lesquels elles se trouvent;
- 2° la
préparation artificielle, par les
procédés
synthétiques, de substances, odoriférantes qui
existent
aussi dans ]a nature ;
- 3° la
fabrication de matières dont
émanent des odeurs qui ressemblent à celles des
objets
naturels qui ont des odeurs agréables (Natural
and artificials perfumes, Nature, 27 décembre 1900).
- Les principes
essentiels de la plupart de nos parfums appartiennent
à la classe complète des matières
organiques
qu'on désigne sous le nom de "terpènes". Dans les dernières années, beaucoup
d'éléments essentiels des parfums naturels ont
été étudiés ; dans
plusieurs cas, des
méthodes pour les préparer artificiellement ont
été découvertes et ils sont en train
de
remplacer ll'usage des parfums naturels non seulement pour les savons,
etc., mais aussi pour les essences de parfums bien qu'il semble
très difficile d'imiter exactement l'odeur
précise que
la nature a produite.
- Le musc artificiel fut découvert par
hasard par Bauer, comme il étudiait les butyl
toluènes
contenus dans un extralt de résine.
- La vanilline, le
principe
odorant de la vanille, est un aldéhyde, qui a
été pour la première fois
préparé
artificiellement par Tiemann et Haarman, en 1874, en oxydant la
coniférine, glucoside contenu dans la sève de
plusieurs
conifères, mais il paraît qu'on la fabrique
maintenant
à partir de l'eugénol, phénol qui
contient de
l'essence de girofle ; le pipéronal, un aldéhyde
qui
est très semblable à la vanilline, sert dans la
parfumerie sous le nom d'héliotropine et est
préparé avec l'huile de sassafras et l'huile de
camphre.
- La cumarine, la substance dont dérive l'odeur
caractéristique des fèves, du tonka, de
l'aspérule et du foin fraîchement
fauché, fut
préparée synthétiquement, en 1868, par
W.H.
Parkin en chauffant l'aldéhyde sodiosalicylique avec
l'anhydride acétique, mais à présent
on la
fabrique à moins de frais avec une herbe de Floride.
- L'irone,
qui a le parfum des violettes, fut isolée en 1893 d'une
kétone qui provient des racines d'orris ; plus tard on a
réussi à isoler d'une autre kétone
l'ionone,
dont l'odeur est très semblable à celle des
violettes,
et qui sert maintenant sur une grande échelle à
la
préparation des parfums de violette. La composition de
l'irone
et de l'ionone ressemble d'assez près à celle de
l'essence de térébenthine qui, lorsqu'elle est
absorbée par le corps, est convertie partiellement en parfum
et communique une forte odeur de violette à l'urine.
- «
On a encore peu fait pour déterminer le rapport entre
l'odeur
et la constitution chimique des substances en
général.
Les hydrocarbones possèdent, comme classe, une grande
affinité d'odeur ; c'est aussi le cas avec les sulfides
organiques et, à un degré bien moindre, avec les
kétones. Ce sujet attend quelqu'un qui reliera ses
différents aspects physiologiques, psychologiques et
physiques, comme Helmholtz l'a fait pour le son. En attendant, il
paraît impossible d'imaginer une explication plausible au
fait
que plusieurs substances possèdent une odeur
agréable.
Il est pourtant, peut-être, permis d'avancer que certaines
combinaisons, comme les sulphides volatiles et les indoles, ont des
odeurs très désagréables parce
qu'elles
constituent des facteurs normaux dans les excréments des
mammifères et dans les produits animaux
putréfiés ; il est possible que les odeurs
répugnantes ne soient que des résultats
nécessaires des processus d'évolution.
» ( Article cité,
Nature, 27 décembre
1900)
- Plusieurs des parfums
usuels sont réellement des
combinaisons d'un grand nombre d'odeurs différentes, dans
des
proportions variables, comme l'essence de rose, l'essence de lavande,
l'ylang-ylang, etc. Les parfums les plus estimés sont
souvent
combinés d'éléments qui, dans une plus
forte
proportion, seraient considérés comme
désagréables.
- Dans les derniers temps, la France
et
l'Allemagne ont été à la
tête de
l'étude et de la fabrication des parfums. C'est une
industrie
de grande importance. Rien qu'en France, le commerce des parfums
s'élève à 100 millions de francs.
- C'est sans doute en
grande partie à cause de
l'identité essentielle et fondamentale des odeurs - la
ressemblance chimique même entre des odeurs des sources les
plus éloignées - que nous découvrons
que les
parfums ont très souvent juste les effets sexuels qui sont
propres, primitivement, aux odeurs corporelles.
- Dans les pays du
Nord, où ce sont surtout les femmes qui emploient les
parfums,
ce sont elles qui sont le plus sensibles à cette influence
sexuelle
- Dans le Midi et en Orient, il paraît que cette
influence est éprouvée avec une
fréquence au
moins aussi grande par les hommes.
- Pour l'Italie, Mantegazza remarque
que les hommes de tempérament sexuel très fort ne
peuvent impunément visiter un laboratoire d'essences et de
parfums (Mantegazza, Fiziologia
dell'Amore 1873, p.
176).
- Pour l'Orient, nous trouvons l'affirmation, dans un
livre musulman, Le Jardin parfumé du Cheikh Nefzaou, que
l'emploi des parfums, par les femmes autant que par les hommes,
excite à l'acte sexuel. C'est surtout à cause de
ce
fait qu'en plusieurs parties du monde, surtout chez les peuples
orientaux et parfois aussi en Europe, les femmes ont la coutume de
parfumer leur corps, et spécialement la vulve
- (Mantegazza, L'Amour dans l'humanité,
p. 94, parle
de plusieurs peuples qui pratiquent cette coutume. Il y a plus de
trois mille ans, l'Égypte était
déjà un
grand centre de cette pratique (N. D. A.)).
- Il
paraît
très probable que les parfums ont été
primitivement employés par les femmes, non, comme c'est
parfois le cas chez les civilisés, avec l'intention de
masquer
toute odeur naturelle possible, mais dans le but d'augmenter et de
fortifier l'odeur naturelle
- (Hagen,
Sessualee Osphresiologie, 1901, p 226. Un
correspondant médical suppose que les cheveux et les poils
sont moins destinés à recueillir la sueur qu'
à
en rehausser l'odeur dans un but sexuel (N D A)).
- Si
l'homme
primitif inclinait à déprécier une
femme dont
l'odeur était faible ou imperceptible, s'il se
détournait d'elle avec dédain comme le fit le
Polynésien lorsqu'il rencontra des dames à Sydney
et
s'écria : "Elles n'ont pas d'odeur !",
les femmes
s'efforceraient inévitablement de suppléer aux
défauts naturels sous ce rapport et d'accentuer leurs
qualités odorantes, exactement comme elles se sont
efforcées, même chez les civilisés,
d'accentuer
les saillies sexuelles de leur corps par l'emploi des corsets.
- Nous
pouvons, de cette manière, avec Hagen, expliquer le fait
que,
jusqu'aux temps modernes, les odeurs
préférées
par les femmes n'ont pas été les odeurs les plus
délicates ou les plus exquises, mais les odeurs les plus
fortes, les plus animales, les plus sexuelles le musc, le
castoréum, la civette et l'ambre gris.
- Dans le roman
intéressant qui a
pénétré dans la Bible sous le titre
d'Esther, et
qui décrit les aventures d'une jeune Juive à la
cour
persane de Xerxès, nous trouvons noté qu'on avait
coutume dans le harem royal de Shushan de soumettre les femmes
à un traitement très prolongé avec des
parfums
avant de les amener en présence du roi : « Six
mois
d'huile de myrrhe et six mois d'odeurs suaves. (Esther,
II, 12) »
- Dans les Mille et Une Nuits
il y a plusieurs allusions à l'emploi des parfums par les
femmes, dans une intention aphrodisiaque plus ou moins
avouée.
Ainsi nous lisons dans l'histoire de Kamaralzaman : «
D'encens
pur je parfumerai mes seins, mon ventre, mon corps entier, afin que
ma peau puisse fondre plus suavement dans ta bouche, ô
prunelle
de mon Ïil ! »
- Même chez les sauvages le
corps est parfois
parfumé, afin d'inspirer l'amour à une personne
du sexe
opposé.
- Schellong raconte que les Papous de la Terre de
l'Empereur Guillaume se frottent la peau à cet effet avec
plusieurs plantes odorantes. (Zeitschrift
für
Ethnologie, 1869, fasc. 1, p. 19) L'explication de cette
pratique a été fournie plus
complètement par
Haddon, lorsqu'il étudia les Papous du Détroit de
Torrès, chez lesquels l'initiative de la courtisation est
prise par les femmes. C'était en se parfumant d'une
matière odorante et très âcre qu'un
jeune homme
indiquait qu'il était disposé à se
faire
courtiser par les jeunes filles. Un homme devait porter cette
substance sur sa nuque pendant une danse, pour attirer l'attention
d'une jeune fille particulière. On s'imaginait que l'action
de
cette substance était magique et par conséquent
efficace. (Reports of the Cambridge
anrhropological
expedition to Torres Straits, t. V, pp. 211, 222, 328)
- Le parfum qui est le
plus intéressant de tous, de notre
point de vue actuel, est sans doute le musc. Avec l'ambre gris, le
musc est le parfum principal du groupe des Odores ambrosiacæ
de
Linné. Ce groupe est placé par Zwaardemaker
à
côté du groupe d'odeurs capryles, quant
à son
importance sexuelle. C'est un parfum d'origine antique ; son nom est
persan (Les noms de tous nos parfums
principaux sont
arabes ou persans : civette, musc, ambre gris. attar, camphre, etc.
(N. D. A.)) ce qui indique sans doute la voie par
où il
a atteint l'Europe et dérive en dernier lieu du mot sanscrit
signifiant testicule ; il tient au fait qu'on trouve cette substance
dans une poche de parties sexuelles du chevrotin porte-musc.
- Mais des
odeurs musquées, souvent d'une force onsidérable,
sont
très répandues dans la nature autant chez les
animaux
que chez les plantes, cela est déjà
indiqué par
le nombre d'animaux et de végétaux, appartenant
souvent
à des espèces différentes, qui portent
des noms
faisant allusion au musc. C'est le cas (dans la langue anglaise) pour
des espèces de boeuf, de taupe, de rat, de canard,
de
scarabée.
- Parmi les plantes, il y en a plusieurs dont le nom
dérive d'une odeur musquée vraie ou
supposée ;
on rencontre une rose, une jacinthe, une mauve, un orchis, un melon,
une cerise, une poire, une prune qui portent
l'épithète
de "musqué", puis les noix de muscade,
les raisins
muscats, le musc-seed (ambrette) et plusieurs plantes qu'on appelle
"musc" tout court
- (Cloquet,
Osphrésiologie, pp. 73-76, donne un passage
intéressant
sur l'importance de l'odeur musquée chez les plantes chez
les
animaux et même dans les substances minérales (N.
D.
A.)).
- L'odeur musquée n'est pas seulement
très
répandue dans la nature chez les plantes et chez les animaux
inférieurs, elle est encore particulièrement
associée avec l'homme. Nous avons déjà
dit qu'on
la considère comme caractéristique de certaines
races
humaines, par exemple des Chinois.
- On dit aussi que l'odeur des
noires est musquée et, chez les Européens, on
prétend qu'une odeur musquée est
caractéristique
des blondes.
- Laycock affirme (Nervous
Diseases of
women) que l'odeur musquée est
certainement
l'odeur sexuelle de l'homme et Féré
dit que,
parmi les parfums naturels, le parfum musqué est celui qui
s'approche le plus des sécrétions sexuelles.
- Nous
avons
déjà vu qu'un poète chinois exaltait
l'odeur
musquée des aisselles de sa fiancée. Une autre
expression orientale dit d'une femme attrayante que « son
nombril est rempli de musc ».
- La littérature
persane fait
de nombreuses allusions au musc comme à une odeur corporelle
attrayante.
- Firdusi parle de la chevelure d'une femme comme d'une
« couronne de musc », et le poète arabe
Motannabi
dit de son amante que « sa chevelure d'hyacinthe a une odeur
plus suave que le musc des Scythes ».
- Galopin affirme qu'il a
connu des femmes qui répandent naturellement une odeur de
musc
(et moins fréquemment d'ambre gris), assez forte pour
parfumer
un bain en moins d'une demi-heure. Il faut ajouter que Galopin
était un enthousiaste en la matière.
- L'importance
spéciale du musc de notre point de vue actuel
ne provient pas seulement du fait que nous nous trouvons en
présence d'un parfum très répandu dans
la nature
et souvent sous une forme agréable, qui en même
temps
constitue une odeur personnelle très fréquente
chez
l'homme. Le musc est une odeur qui, non seulement chez les animaux
qui en tirent leur nom, mais aussi chez beaucoup d'autres, constitue
une odeur sexuelle spécifique, principalement
émise
pendant la saison sexuelle. Il paraît même que les
odeurs
sexuelles de la plupart des animaux sont des modifications du musc.
- Le papillon sphinx a une odeur musquée, qui n'appartient
qu'au
mâle et qui est sans doute sexuelle. Certains
lézards
ont une odeur musquée qui augmente dans la saison sexuelle ;
les crocodiles émettent pendant la saison de l'accouplement
une odeur musquée de leurs glandes sous-maxillaires et cette
odeur pénètre les lieux où les animaux
se
trouvent. Dans la même saison les
éléphants
émettent une odeur semblable des glandes de la face. L'odeur
du canard musqué est surtout forte au temps de la
couvaison.
- (Laycock, Nerl~ous Dlseases of
women fite plusieurs
exemples d'odeurs sexuelles animales et il insiste sur leur
caractère musqu~ Voir aussi La Descendance de l'homme, part.
Il, chap. xvlll, où Darwin affirme que les mâles
les
plus odorants ont le plus de chances d'obtenir les femelles. Distant,
Bio/ogica/suggestlons, Zoologist, mai 1902, démontre le fait
important que les odeurs musquees sont le plus souvent
limitées au mâle et il affirme que les odeurs
animales
en général sont plus souvent attractives que
protectrices)
- On prétend
que l'odeur musquée des
noires est plus sensible pendant l'excitation sexuelle.
- La
prééminence du musc comme odeur sexuelle est
associée avec le fait que son action sur le
système
nerveux, indépendamment de la présence
d'associations
sexuelles, est considérable. Autrefois, le musc
était
très estimé comme stimulant cardiaque ; il tomba
en
désuétude, mais récemment on a
recommencé
de s'en servir dans des états asthéniques et on
affirme
que des résultats excellents ont suivi son application dans
des cas d'affaissement de choléra asiatique.
- Le musc a
toujours une certaine réputation comme remède
contre la
torpeur sexuelle chez les femmes (comme la vanille et le santal),
mais on ne s'en sert pas souvent. Certains médecins arabes
d'autrefois (surtout Avicenne) recommandaient le musc, avec le
castoréum et la myrrhe, contre
l'aménorrhée. Son
action puissante est démontrée par
l'expérience
d'Esquirol, qui raconte avoir vu des cas ou l'excitation de femmes
par du musc pendant la période de lactation avait produit de
la folie. Le musc a toujours eu la réputation de stimuler
sexuellement les hommes. Cette réputation existe surtout
dans
l'Orient musulman, où le livre El Ktab l'appelle «
le
plus noble de tous les parfums » et « celui qui
provoque
l'excitation sexuelle ». Dans le paradis du Coran, le vin que
boivent les Élus est parfumé de musc.
- C'est sans doute un
fait très caractéristique de
l'effet sexuel spécial du musc que comme le fait remarquer
Laycock dans des cas d'idiosyncrasie spéciale par rapport
aux
odeurs, le musc paraît être celle qui est la plus
aimée ou la plus détestée. Un
médecin
anglais du XVIII° siècle remarque que «
nombre de
femmes délicates, qui supportent facilement l'odeur du
tabac,
pourtant une odeur forte, sont tombées en syncope par
l'effet
du musc, de l'ambre gris ou d'une rose thé
(R.
Whytt, Works, 1768,p 543) ».
- Il faut ajouter
qu'il est
déjà dit dans Le Jardin parfumé du
Cheikh
Nefzaoui que c'est à cause des effets sexuels des parfums
que
les femmes s'évanouissent et Lucrèce remarque
qu'une
femme qui sent du castoreum autre odeur sexuelle animale au moment de
sa période mensuelle, peut s'évanouir (Lucrèce, Vl, 790-795).
- Non seulement le musc est le parfum le plus
estimé du monde
musulman, et le favori spécial du Prophète
lui-même
- (« J'aime
ton monde, aurait-il
dit dans sa vieillesse pour ses femmes et pour ses parfums. »
Mohammed, dit Aisha, aimait beaucoup les parfums, surtout «
les
parfums virils»: musc et ambre gris. Il avait la coutume de
brûler du camphre sur du bois odorifërant et il se
plaisait à cette odeur suave, et ne refusa jamais les
parfums
qui lui furent offerts comme cadeau. Les choses qu'il
chérissait le plus, dit Aisha, étaient les
femmes, les
parfums et la nourriture. Mulr, Life of Mahomet, t. III, p. 297 (N. D
A))
- C'est encore l'unique parfum
généralement
employé par les femmes d'un pays où les
raffinements de
la vie ont atteint un degré si élevé,
au Japon,
et le Japon a reçu le musc de la Chine
- (H. ten
Kate, Internationales Zentralblatt für Anthropologie, fasc.
VI,
1902. Cet auteur, qui a fait
des observations
sur les Japonais avec l'olfactonnètre de Zwaardemaker, a
trouvé que leur odorat est un peu défectueux,
contrairement à l'opinion courante. Il remarque qu'il n'y a
aucun parfum d'origine réellement japonaise (N. D.
A.)).
- De plus, le musc est
toujours le plus populaire des parfums de
l'Europe. Ce sont les parfums qui contiennent du musc qui se vendent
le mieux (Piesse, Art of perfumery).
- Il est
vrai, sans doute, que l'odeur du musc, sous sa forme simple, n'est
pas très bien portée dans l'Europe contemporaine.
Ce
fait est en rapport avec le raffinement progressif qui communique aux
odeurs spécifiques des régions sexuelles des
êtres humains une tendance à perdre leur valeur
primitive. Les odeurs corporelles sont de plus en plus
mélangées de parfums artificiels afin de les
déguiser. Mais bien que le musc sous son ancien nom et sous
sa
forme simple soit tombé en désuétude
en Europe,
il est intéressant et significatif de constater que ce sont
toujours les parfums contenant du musc qui sont les plus
répandus.
- Nous pouvons citer la
"peau d'Espagne" comme un parfum
compliqué et très excitant ; il est souvent
l'odeur
favorite de personnes sensuelles, et doit une grande partie de sa
force à la présence des odeurs animales sexuelles
du
musc et de la civette. Ce parfum se fait avec une peau de chamois
trempée dans de l'essence de fleur d'oranger, de rose, de
santal, de lavande, de verveine, de bergamote, de clous de girofle et
de cannelle, puis enduite de civette et de musc. On dit parfois, et
probablement avec quelque raison, que la peau d'Espagne est de tous
les parfums celui qui s'approche le plus de l'odeur de la peau
féminine ; il semble toutefois que ce parfum rappelle en
même temps l'odeur du cuir.
- Il n'est pas douteux
que l'odeur du cuir a une influence sexuelle
stimulante très curieuse sur nombre d'hommes et de femmes.
C'est une odeur qui paraît occuper une place
intermédiaire entre les odeurs corporelles naturelles et les
parfums artificiels auxquels elle sert parfois de base. C'est
peut-être de là que lui vient son influence
sexuelle
occasionnelle, car nous avons déjà vu que des
odeurs
non spécialement corporelles, mais apparentées
à
ces odeurs, peuvent présenter une tendance à
servir
comme attrait sexuel.
- Moll considère, sans doute avec
raison,
que le fétichisme des souliers, qui est peut-être
la
plus fréquente de toutes les perversions sexuelles
fétichistes, est beaucoup favorisée par l'odeur
combinée des pieds et des souliers, s'il n'a pas son origine
même dans cette combinaison (Moll,
Die
Konträre Sexualempfinndung, 3° éd., 1890,
p.
306).
- Il décrit un cas de fétichisme
de souliers
chez un homme dont la perversion commença à
l'âge
de six ans, lorsque le sujet porta pour la première fois des
souliers neufs, ayant jusque-là toujours porté
les
vieux souliers de son frère aîné ; il
tâta
et flaira à ce moment ces souliers neufs avec des une
influence sexuelle stimulante très curieuse sur nombre
d'hommes et de femmes. C'est une odeur qui paraît occuper une
place intermédiaire entre les odeurs corporelles naturelles
et
les parfums artificiels auxquels elle sert parfois de base. C'est
peut-être de là que lui vient son influence
sexuelle
occasionnelle, car nous avons déjà vu que des
odeurs
non spécifiquement corporelles, mais apparentées
à ces odeurs, peuvent présenter une tendance
à
servir cornme attrait sexuel.
- Moll
considère, sans doute avec raison, que le
fétichisme des souliers, qui est peut-être la plus
fréquente de toutes les perversions sexuelles
fétichistes, est beaucoup favorisée par l'odeur
combinée des pieds et des souliers, s'il n'a pas son origine
même dans cette combinaison. Il décrit un cas de
fétichisme de souliers chez un homme dont la perversion
commença à l'âge de six ans, lorsque le
sujet
porta pour la première fois des souliers neufs, ayant
jusque-là toujours porté les vieux souliers de
son
frère aîné; il tâta et flaira
à ce
moment ces souliers neufs avec des sensations d'un plaisir
démesuré, et quelques années plus tard
il se
servit de souliers pour se masturber
(Moll, Libido
sexualis, t. I, p 284).
- Nacke décrit le cas
d'un
fétichiste de souliers, qui déclara que l'attrait
sexuel des souliers (habituellement ceux de sa femme) reposait
surtout sur l'odeur du cuir.
- Krafft-Ebing rapporte un cas de
fétichisme de souliers, où ce fait important est
noté que le sujet acheta une paire de manches en cuir pour
les
flairer pendant qu'il se masturbait (P.
Nacke. Un cas
de fétichisme de souliers, Bulletin de la
Société de médecine mentale de
Belgique,
1894).
- Restif de La Bretonne, qui était quelque
peu un
fétichiste de souliers, paraît avoir eu du plaisir
à l'odeur des souliers. Il n'est pas probable que l'odeur du
cuir explique entièrement ces faits.
- Nous verrons cela dans
une autre de ces Études, où cette question sera
examinée. Pour plusieurs cas on peut dire que l'odeur du
cuir
ne compte même pour rien du tout. Pourtant cette odeur en
demeure un des facteurs. Cette conclusion est encore appuyée
par le fait que plusieurs personnes désirent parfois l'odeur
de souliers neufs comme un auxiliaire du coït. Il ressort de
l'expérience des prostituées qu'un tel
expédient
n'est pas rare.
- Nacke rapporte qu'un de ses collègues recut
l'information d'une prostituée qu'elle avait plusieurs
clients
qui désiraient avoir l'odeur de souliers neufs dans la
chambre, et qu'elle avait l'habitude d'obtenir le parfum
désiré en tenant ses souliers un moment sur la
flamme
d'une lampe à alcool.
- Mais l'influence sexuelle directe de
l'odeur du cuir est plus nette dans les cas où elle existe
indépendamment des souliers ou d'autres objets qui ont un
rapport quelconque avec le corps humain.
- J'ai décrit
ailleurs
dans ces Études ( Dans
L'lmpusion
sexuelle.) le cas d'une dame, entièrement
normale sous
les rapports sexuels et autres, qui a la conscience d'un
degré
considérable d'excitation sexuelle agréable en
présence de l'odeur d'objets en cuir, et plus
spécialement de registres reliés en cuir, ou dans
des
boutiques où se vendent des objets en cuir. Elle pense que
cette influence date d'une période où, ayant neuf
ans,
elle restait parfois seule pendant quelque temps sur un haut tabouret
dans un bureau Dans ce cas, il y a une explication : on peut supposer
que, dans une de ces occasions, l'excitation sexuelle fut produite
par le contact avec le tabouret (d'une manière qui n'est pas
rare chez les jeunes filles) et que l'odeur du cuir, qui ne fut
qu'une association accidentelle, affecta le système nerveux
d'une manière permanente, tandis que le contact
réellement important ne laissait aucune impression
permanente.
Même avec cette supposition, on pourrait néanmoins
maintenir qu'il y a dans ce cas un exemple de la puissance
réelle de l'odeur du cuir, et cela ressort aussi du fait que
le même sujet est sexuellement affecté par
plusieurs
parfums et fleurs odorantes qui ne rappellent pas le cuir
- (Philip
Salmuth, Observationes medicæ. Centuria II,
n° 63, a rapporté, au XVII°
siècle, le cas
d'une jeune fille de famille noble qui éprouvait un plaisir
extrême à l'odeur de vieux livres. Elle avait une
sÏur
qui aimait manger de la craie, de la cannelle et des clous de
girofle. Mais il semble que, dans ce cas, la fascination ne
résidait pas autant dans l'odeur du cuir que dans l'odeur
moisie des livres rongés par les vers. FÏtore
veterum
librorum, a blattis et tineis exesorum situque prorsus corruptorum,
dit Salmuth (N. D. A.)).
- Une dame m'a
communiqué son opinion que l'odeur du cuir
rappelle celle des organes sexuels. La même idée
est
exprimée par Hagen (Sexuelle
Osphresiologie,
p. 106) et je trouve chez Gould et Pyle l'affirmation que
des
jeunes filles émettent parfois l'odeur du cuir pendant la
menstruation.
- Peut-être le secret de l'influence du cuir
n'est-il donc pas tout à fait obscur. Le fait que le cuir
est
de la peau animale, et qu'il peut ainsi vaguement affecter les
sensibilités olfactives qui chez nos ancêtres
avaient
été affectées par le stimulus sexuel
de l'odeur
de la peau, constitue probablement la clé du
mystère.
- Les sensations olfactives conservent même très
souvent
un caractère voluptueux en l'absence de toute
idée
d'odeurs personnelles ou animales, c'est-à-dire dans les
formes les plus exquises de ces sensations, dans le parfum des
fleurs.
- Mantegazza a remarqué que c'est une preuve d'un
rapport intime entre le sens de l'odorat et les organes sexuels que
l'expression du plaisir produit par l'olfaction ressemble à
l'expression du plaisir sexuel (Mantegazza, Fisiologia del l'Amore,
p 176).
- Cet auteur ajoute : « Faites sentir par la femme la
plus
chaste ses fleurs de prédilection, et elle fermera les yeux,
respirera profondément, et si elle est très
sensible,
elle tremblera de tout son corps, présentant ainsi un
état intime qu'elle ne montrera jamais dans d'autres
circonstances, sauf, peut-être, à son amant.
»
- Mantegazza mentionne une dame qui disait : «
J'éprouve
parfois un tel plaisir en sentant des fleurs que je suis comme si je
commettais un péché.
- (
C'est ici la
place de citer la remarque de l'auteur d'une étude
très
réfléchie dans le Journal of Psychological
medicine,
1851: « L'emploi des parfums, surtout de ceux
alliés au
musc, est une volupté des femmes et certaines constitutions
ne
peuvent pas s'y adonner sans quelque danger pour la
moralité,
à cause de l'excitation des ovaires qui en
résulte.
Bien que l'action aphrodisiaque des parfums soit moins forte sur le
système sexuel des femmes que sur celui des hommes, nous
avons
des raisons de penser que la plupart des gens ne peuvent les employer
impunément avec excès. » (N. D. A.)
».
- Il est en effet vrai que, chez nombre de personnes, le plus souvent
sinon exclusivement chez des femmes, l'odeur des fleurs ne produit
pas seulement un effet très agréable, mais
distinctement et spécifiquement sexuel. J'ai
rencontré
des cas nombreux où cet effet était bien visible.
Ce
sont le plus souvent des fleurs blanches avec des odeurs lourdes et
pénétrantes qui exercent cette influence.
- Une
dame par
exemple, qui est également affectée par plusieurs
parfums, myosotis ylang-ylang. etc., constate que certaines fleurs
produisent sur elle un effet sexuel défini, avec humectation
des pudenda. Cet effet est surtout produit par des fleurs blanches,
comme le gardénia, la tubéreuse, etc. Une autre
dame,
qui habite l'lnde, a fait des expériences semblables avec
les
fleurs. Elle écrit : « Pour causer chez moi une
excitation
sexuelle, une odeur doit être un peu lourde et
pénétrante. Presque toutes les fleurs blanches
m'affectent de cette manière, et plusieurs fleurs de l'lnde
avec des odeurs lourdes et presque cuisantes. Les odeurs de fleurs ne
sont jamais associées pour moi avec aucun individu. Les
tubéreuses, les muguets et les frangipanes ont sur moi un
effet presque enivrant. Les violettes, les roses, les
résédas, et plusieurs autres dont l'odeur est
délicieuse, ne me donnent aucune sensation sexuelle. Pour
cette raison, je ne peux pas accepter l'expression du poète
:
"Les lis et langueurs de vertu, les roses et les
ravissements
du vice."Le lis me semble une fleur très
sensuelle,
tandis que la rose et son odeur me semblent très bonnes,
provinciales et vertueuses.
- La description de Shelley du muguet,
« que la jeunesse rend si joli et que la passion rend si
pâle », coïncide beaucoup plus avec mes
idées.
Je peux très bien comprendre quc du cuir, et surtout le cuir
des reliures de livres, peut exercer une influence excitante, car son
odeur possède cette qualité
pénétrante,
mais je ne crois pas que le cuir produise une sensation
spéciale quelconque chez moi. »
- Ce
caractère plus
sensuel des fleurs blanches est assez évident pour nombre de
personnes qui n'en éprouvent pas d'effet
spécifiquement
sexuel. Pour certaines gens, les lis ont une odeur qu'ils
décrivent comme sexuelle, bien que ces gens ignorent souvent
que des auteurs hindous ont dit, il y a longtemps
déjà,
que la sécrétion vulvaire de la Padmini ou femme
parfaite, pendant le coït, « est parfumée
comme le
lis qui vient d'éclore (Kama
Sutra de
Vatsyayana, 1883, p. 5. Comparez les remarques de Huysmans, La
Cathédrale, p. 284, sur l'odeur aphrodisiaque du lis (N. D.
A.)».
- Il faut ajouter que Cloquet a
noté, il y a
longtemps, que les fleurs blanches, les lis, les tubéreuses,
etc., sont susceptibles de causer plusieurs effets nerveux
désagréables, l'oppression cardiaque et la
syncope (Cloquet,
Osphrésiologie, p. 95).
Lorsque nous considérons les odeurs agréables des
fleurs, on pourrait s'imaginer que nous sommes loin du terrain sexuel
humain, et que les effets sexuels de ces fleurs sont inexplicables.
Cela serait erroné. Nous avons déjà vu
que les
odeurs animales et végétales sont très
étroitement liées. On connaît un grand
nombre de
cas d'individus humains qui ont exhalé de leur peau, et
parfois à un degré considérable, des
odeurs de
plantes et de fleurs, de violettes, de roses, d'ananas ou de vanille.
- D'autre part, il y a plusieurs odeurs de plantes qui rappellent, non
seulement l'odeur générale du corps humain, mais
même les odeurs sexuelles spécifiques. Une
mauvaise
herbe, plutôt rare, une espèce
d'ausérine
(Chenopodiuln vulvaria), possède une odeur de hareng ou de
poisson putride, qui paraît provenir de la propylamine,
substance qu'on rencontre aussi dans les fleurs de
l'aubépine
(Cratoegus oxyacanta) et de plusieurs autres
rosacées. Cette
odeur rappelle celle des régions sexuelles animales et
humaines
- (On dit qu'en Normandie le
Chenopodium est
appele « conio », et en Italie « erba
connina »
(con, cunnus), à cause de l'odeur vulvaire. Dans la
Seine-lnférieure, on dit à une Jeune fille qui a
une
forte odeur: « Tu sens le conio » t. V, P. 392. On
a
remarqué que cette plante attire les chiens. De la
même
manière les chats sont irrésistiblement
attirés
vers les préparations de valériane parce que leur
propre urine contient de l'acide valérianique (N.D.
A.)).
- Ces faits s'expliquent
par l'affinité chimique des odeurs
animales et végétales, qui appartiennent au
même
groupe des odeurs caprines, les odores hircini de Linné.
- Le
nom de ce groupe est dérivé du bouc, et c'est le
groupe
d'odeurs le plus important d'un point de vue sexuel. On rencontre
l'acide caproïque et capryle non seulement dans l'odeur du
bouc
et dans celle de la sueur humaine, ainsi que dans des produits
animaux comme dans plusieurs espèces de fromages, mais aussi
chez différentes plantes, comme Geranium robertianum,
Hypericum hircinum et le Chenopodium déjà
nommé.
- Zwaardemaker considère que l'odeur du vagin appartient
probablement au même groupe, ainsi que l'odeur du sperme, que
Haller appela odor aphrodisiacus. Cette dernière odeur est
aussi présente dans les fleurs de l'épine-vinette
(Berberis vulgaris) et dans les marrons, comme Cloquet l'a
démontré
- (Mais
Haller a
été probablement le premier auteur scientifique
qui ait
remarqué que l'odeur des marrons et celle des bulbes de
certaines orchidées et du pollen ou des racines de plusieurs
plantes, ressemble à celle du semen Haller, Elementa
Physiologica, t. Vll, 1778, p. 519. - Bloch, Sexual life of our
times, p. 626, remarque que certaines femmes sont excitées
sexuellement par l'odeur des fleurs du marronnier (N. D. A.)).
- Il semble qu'on trouve
un exemple très remarquable et
très important de la même odeur dans les fleurs du
henné (Lawsonia inermis), plante qui est d'un usage
très répandu dans les pays musulmans pour colorer
les
ongles et d'autres parties du corps.
- Ses fleurs diffusent l'odeur la
plus suave, disait Sonnini en Égypte il y a un
siècle,
et les femmes se plaisent beaucoup à les porter,
à en
orner leurs maisons, à en emporter aux bains, et
à en
parfumer leurs seins Elles ne peuvent pas admettre que des femmes
chrétiennes et juives partagent avec elles ce
privilège. Il est très remarquable que l'odeur
des
fleurs de henné, lorsqu'on l'aspire bien, se perd presque
tout
à fait dans une odeur très
décidée de
sperme. Si on écrase les fleurs entre les doigts, cette
odeur
prévaut et est, en effet, la seule odeur perceptible. Il
n'est
pas étonnant qu'une fleur tellement délicieuse
ait
fourni à la poésie orientale plusieurs traits
charmants
et plusieurs similitudes amoureuses
- (Sonnini,
Voyage
dans la haute et la basse Égypte 1799, t. 1, p. 298, trouve
une telle similitude dans le Cantique des Cantiques, I, 13-14 (N. D.
A.)).
- L'odeur du sperme n'a
pas été étudiée,
mais, d'après Zwaardemaker, certaines odeurs
artificiellement
produites, comme la cadavérine, y ressemblent.
- Un botaniste
de
mes amis considère que l'odeur du fenugrec, une plante
légumineuse, s'approche beaucoup de celle qu'émet
parfois l'aisselle des femmes. Il faut ajouter que le fenugrec
contient de la cumarine, la substance qui communique son odeur suave
au foin fraîchement fauché et à
plusieurs fleurs
d'une odeur quelque peu semblable. Ces odeurs ont une influence
sexuellement excitante sur certaines personnes, et il est d'un
très grand intérêt d'observer que chez
plusieurs
personnes ces odeurs rappellent celle du sperme.
- « Il semble
très naturel, écrit une dame, que les fleurs,
etc.,
aient un effet excitant, car la manière originelle et de
loin
la plus agréable de courtisation était au grand
air,
parmi les fleurs des champs. Mais peut-être y a-t-il une
raison
plus purement physique dans la ressemblance exacte entre l'odeur du
semen et celle du pollen des graminées. La
première
fois que je m'aperçus de cette ressemblance,
l'idée me
vint à l'esprit qu'ici se trouvait l'explication de l'effet
très excitant d'un pré couvert d'herbes en
floraison
et, peut-être par là, des odeurs des autres
fleurs. Si
j'ai raison, je suppose que les odeurs des fleurs doivent avoir un
effet sexuel plus puissant sur les femmes que sur les hommes. Je ne
crois pas qu'on serait capable de s'apercevoir de l'odeur de sperme
dans ce cas sans avoir été frappé par
les effets
excitants du pollen des graminées. Je m'en étais
souvent aperçue et j'avais beaucoup
réfléchi
là-dessus. »
- Comme le pollen est
l'élément sexuel mâle des
fleurs, son effet stimulant occasionnel dans cette direction n'est
peut-être qu'un résultat accidentel d'une
unité
qui parcourt le monde organique ; mais peut-être est-il plus
simple de l'expliquer comme une forme spéciale de
l'irritation
nasale, que tant de personnes éprouvent dans un champ
où l'on fait les foins.
- Un autre correspondant, cette fois
un
homme, m'informe qu'il a observé la ressemblance de l'odeur
du
semen avec celle de graminées
écrasées.
- Un ami,
qui a fait beaucoup de recherches en chimie organique, compare
l'odeur du semen à celle qui est produite par l'action
diastasique lorsqu'on mélange de la farine avec de l'eau,
odeur qu'il considère comme d'un caractère
sexuel. Cela
nous amène aux produits amylacés des plantes
légumineuses.
- Tout subtils et obscurs que demeurent
plusieurs
problèmes de la physiologie et de la psychologie de
l'olfaction, il est évident que nous
n'échapperons pas
facilement aux aspects sexuels de ces problèmes.
- L'odorat
- chapitre I texte
de 26 k. - L'odorat
- chapitre II texte de 26 k.
- L'odorat - chapitre
III texte de 111 k.
- L'odorat - chapitre IV texte de 51 k.
- L'odorat - chapitre
V et VI texte de 17 k.
- Éditique : Dr Lucien Mias - 22 juin 2009
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