- « On aimerait bien que ça change, mais sans les risques du changement : c'est-à-dire sans avoir à s'impliquer dans une action transformatrice dont rien ne saurait garantir la réussite.
Ainsi se résigne-t-on souvent à un mode de fonctionnement de plus en plus inefficace, dans la mesure où on se sent moins responsable de le laisser seulement se prolonger que d'assumer un possible échec en essayant de fonctionner différemment.
Et, si quelque intervention extérieure nous offre soudain une chance de sortir de l'impasse, notre premier réflexe est d'y voir plutôt une sorte d'agression : un facteur de désordre, une menace pour notre équilibre. » Jeanson, 1987.
Devant cette nouvelle donne et afin que la qualité des services rendus soit optimale (en favorisant des interventions répondant aux besoins des groupes respectifs) le groupe de pilotage de ces établissements cherche des réponses aux questions qui furent en son temps les nôtres.
Le regroupement de personnes présentant des profils de dépendance hétérogènes pose un problème complexe et qui est résolu différemment selon deux écoles de pensée.
Deux arguments principaux sous-tendent cette approche.
Ce concept donne naissance au centre d'accueil, lieu de vie où l'on crée un environnement et où on assure un entourage le plus près possible du milieu familial.
Certains soutiennent qu'elle offre un environnement plus stable et plus sécuritaire pour la personne en difficulté ; qu'elle améliore la vie des personnes lucides chez qui des comportements perturbateurs occasionnent de l'anxiété, de l'irritabilité et une crainte de devenir aussi atteints que la personne "démente".
Nos observations nous portent à croire que :
- Comme le rappelle avec force Michel Serres (1980) : « Le réel n'est pas rationnel ; il est improbable et miraculeux.»
« La recette du succès consiste à être engagé de façon visible dans la vision et les valeurs de l'organisation. On envoie alors instinctivement des signaux clairs et cohérents.» A. Mac Neil, 1988.
Il n'y a pas d'ambivalence : nos valeurs ne restent pas attachées à la notion médicale de guérison mais défendent des valeurs humanistes d'accompagnement jusqu'au bout de la vie.
Nous avons axé nos interventions sur une profonde croyance en la capacité d'adaptation et de croissance de la personne âgée. Nous concevons celle-ci comme un être ayant de multiples moyens d'adaptation et de croissance, se prolongeant dans le vieillissement que nous considérons comme un processus impliquant des interactions bio-pycho-sociales.
- Les choix d'interventions découlent d'une base neurophysiologique qui tient compte du fonctionnement du cerveau pluriel (triple et unique à la fois). Elles intègrent fortement les potentialités du système limbique et nous croyons aux possibilités du cortex, tel que l'exprime P. Gayral :
- « À la hantise de l'inéluctable perte quotidienne à partir de 20 ans, de milliers de neurones succède l'espoir euphorisant d'une régénération des neurones jusqu'à un âge avancé, grâce au NGF, le « nerve growth factor ». Ceci est constaté par la mise en évidence de bourgeonnement et de repousse des prolongements pré-synaptiques, à condition de s'en servir. Mieux encore, le processus de repousse neuronale n'est pas seul à oeuvrer dans ce sens. Il y en a au moins deux ou trois autres : polylocalisation des neurotransmetteurs dans la synapse et potentialisation de l'activité pré-synaptique. Cette multiplication des moyens semble indiquer qu'il s'agit d'un processus systémique, possiblement extensible et ouvert au "plus on s'en sert, mieux et plus longtemps ça marche. » P. Gayral
- Notre projet de soins tend à offrir aux personnes un support par des interventions individualisées
- Graal : vase légendaire en émeraude qui avait la propriété de donner à son possesseur une éternelle jeunesse.
Notre fonctionnement et nos résultats n'étant pas "parfaits" nous avons voulu savoir s'il existait d'autres concepts (organisationnel et thérapeutique) qui pourraient :
Les "pseudo cantou" qui ont fleuri avec l'obligation de « prévoir dans l'établissement,une unité séparée de 12 à 15 places maximum avec un mode de vie orientée vers des activités simples s'inspirant des expériences de type Cantou », cachent souvent derrière un mot porteur, une réalité de "relégation ". On y "cache" souvent les personnes qui ne correspondent pas à l'image idéalisée du "vieillard" dont se paraît l'institution...
On les met au coin ! (Le cantou en occitanie désigne le coin du feu ). On est loin de l'esprit du Centre d'Animation Naturelle Tiré d'Occupations Utiles.
« À l'origine, il s'agissait de répondre à un double problème :
Le directeur de
l'établissement, G. Caussanel, faisait alors l'hypothèse que
le fonctionnement institutionnel était lui-même
perturbateur, les personnes âgées subissant un
système de prise en charge artificiel et
démobilisateur. Il fallait donc proposer un mode de vie
aussi peu institutionnalisé que possible, en substituant la
notion de communauté
de vie à celle d'institution d'hébergement.
Plutôt que de
maintenir en vie, il fallait donner un sens à cette vie en
permettant aux membres de la communauté de satisfaire leurs
propres besoins, et en les y aidant.
Il convenait alors de ne pas répondre artificiellement et de
façon réductrice, en termes de prestations de
service à des besoins déterminés a
priori. La règle essentielle énoncée
était donc celle de la participation de tous (personnes
âgées, familles, amis, personnel...) à
la vie de la communauté, dans un espace qui serait le leur
et non celui de l'institution....
La famille est irremplaçable pour la «pourvoyance
affective» dans le cadre d'un jeu
«naturel» ...»
Le projet développé, orienté sur la personne et la satisfaction de ses besoins, n'était donc pas une ségrégation mais une adaptation de l'environnement et du mode de vie pour un mieux-être des résidents et de leurs familles.
Celle-ci a eu une expression variée :
La perception de ces souffrances est ainsi à l'origine de la création de ces petites unités. Cela se fera d'autant plus facilement qu'une opportunité architecturale ou des circonstances extérieures diverses (schéma départemental ou recommandation de la CNAVTS) viennent renforcer la séduction exercée par l'image d'un hébergement différent.
Bien que légitime, cette souffrance est extérieure à la personne âgée. Ce sont les autres, (le personnel, les familles, les pensionnaires, la société toute entière) qui demandent que soit recherchée une solution. Celle qui sera retenue ne servira en fait, si l'on n'y prend garde, qu'à se protéger de ce comportement jugé insupportable.
La reconnaissance de cette souffrance ne peut être qu'un point de départ.
Or ces personnes ne peuvent que très difficilement s'exprimer directement. Ce seront bien sûr les soignants, les familles, témoins de cette souffrance, qui seront capables de la traduire et d'en faire le fondement du projet.
Cette démarche doit ensuite déboucher sur l'élaboration d'un projet de vie adapté, et non sur la simple mise a disposition de "lits spécialisés".
La référence à une expérience extérieure menée par un autre promoteur ne peut être, à elle seule, une garantie de la qualité de la réalisation et ne peut dispenser d'une réflexion interne.
Le
mérite du Cantou de Rueil, a été de
démontrer sur le terrain qu'une autre approche des soins
à apporter aux personnes présentant des
déficits cognitifs était possible et profitable
aux personnes.
Oui, mais, «...devant le succès, la formule
s'est généralisée, mais bien des
réalisations n'ont que peu à voir avec la
réflexion première. Tous les
éléments sont là : la pièce
commune, la maîtresse de maison, les légumes
à éplucher, mais le projet de vie a disparu et le
cantou est devenu un lieu de relégation pour ceux qui
dérangent. Le contraire de ce qu'ont voulu les pionniers » Marie-Jo Guisset, Être vieux, Revue Autrement, 1991
La différence avec l'hospice, c'est que l'accompagnement devient individualisé.
Elles recoupent les réflexions sur les Cantou ; en plus pragmatique :
Les critères d'évaluation de l'intervention étaient : l'éveil, l'attention, la verbalisation de l'idée, la quantité du langage, le débit langagier, la sociabilité, l'autonomie fonctionnelle, l'affect, le degré d'énergie et l'expression des symptômes physiologiques ressentis. La variable de contrôle était le degré d'atteinte cérébrale.
Des 108 résidents initialement inclus dans le programme, 80 avaient une atteinte cérébrale sévère. Suite à l'intervention, 35 (44%) de ces 80 résidents virent leur état amélioré, 17 (20%) conservèrent un état stationnaire, 14 (18%) ont subi une détérioration et 14 (18%) ne purent être évalués.
L'auteur conclut que l'on doit redéfinir l'approche psychothérapeutique et recommande qu'il y ait d'autres facteurs que la sévérité de l'état ou la chronicité qui déterminent le pronostic, l'intervention et l'évaluation des changements de comportements chez les résidents hébergés dans des unités gériatriques.
- Globalement, il ressort que le problème se pose dans les mêmes termes dans tous les pays et que la qualité du projet de soins centré sur la personne est l'élément déterminant.
On trouve dans la
brochure relatant les réalisations des lauréats du Prix Hartman 94, qui concerne des pays d'Europe (Allemagne,
Angleterre, Autriche, Espagne, France, Irlande, Pays Bas...) la
description de réalisations
qui privilégient l'intégration globale et
d'autres la sectorisation intégrative.
Toutes se caractérisent par une approche bio psycho sociale
de la personne.
Soignants de base, sur le front de l'action en Service de soins de Longue Durée nous retirons de l'expérience des autres un renforcement des grandes lignes qui ont prévalu lors de la formalisation de notre projet de soins en 1988 :
Lorsque le stade d'involution atteint un niveau tel que la personne souffre plus d'être stimulée par le milieu qu'elle n'en retire de bénéfices l'on ne peut pallier ces déficits que par la richesse d'un environnement adapté.
La forme importe peu, c'est la mentalité, l'esprit, l'attitude qui l'inspire, poussée par la même compassion agissante, le même respect absolu de la vie et de la dignité.
- surveiller fréquemment les sujets qui font l'objet de contention,
- enlever souvent les contentions pour faire marcher le patient,
- n'utiliser des contentions que quand elles ont été prescrites par un médecin, pendant une période de temps courte et précise,
- placer les instructions d'utilisation dans un endroit bien en vue,
- expliquer les raisons de l'utilisation des contentions aux patient et aux familles afin qu'ils les comprennent et dans le but d'augmenter la tolérance, donc les avantages thérapeutiques qui peuvent en résulter.
- Les contentions doivent restreindre les mouvements le moins possible, être ôtées et changées fréquemment, être sans danger pour le sujet.