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Le toucher et les cris répétitifs images/logoPdf8k.jpg3 pages

La première partie de ce texte est tirée d'une étude de canadienne (D. Saulnier, , Directrice des soins infirmiers du CH Côte des Neiges à Montréal, Les cris répétitifs, dans L'infirmière Canadienne, décembre 1989.), la seconde partie reprend des extraits du texte publié dans notre bilan d'activité 93 (M. Zambon, Le toucher parole des mains.)

« De nombreux résidants éprouvent des difficultés de communication très importantes et un certain nombre d`entre eux présente une agitation verbale, émet des cris de façon répétitive et chronique à toute heure du jour ou de la nuit.

  Définir les cris

Le cri du nouveau-né lorsqu'il a faim, le cri de peur devant une situation dangereuse, le cri de joie ... sont des cris significatifs qui correspond au contexte.

Qu'en est-il des cris vocifiérés par les résidants âgés aux prises avec des déficits cognitifs importants?

Pourquoi crient-t-ils ? Dans le contexte de démence les cris sont ils anormaux ou un moyen d`expression : sons perçants émis dans des circonstances bien particulières ?

La fréquence des cris est élevée répétitive et irrégulière ; ils manquent de signification pour autrui ; malgré les interventions effectuées par les soignants, ils persistent ; leurs effets sur les les autres sont désagréables.

Ils causent irritation, impatienÏ, fatigue, stress, agressivité des autres réidants... et souffrance des soignants démunis.

Ces caractéristiques ne renseignent pas sur les causes. Les connaissances sur les opérations intellectuelles pouvant expliquer le processus physiologique d'un cri «normal» demeurent toujours obscures.

 Cause des cris

Au point de vue organique, la stimulation électrique des aires situées symétriquement à l'avant et à l'arrière de la scissure de Rolando provoque un cri involontaire chez les sujets, (une longue voyelle traînante) avec arrêt du langage parlé.

Au niveau de l'environnement psychosocial, les cris sont reliés

D'aucuns interprètent les cris comme une tentative de la personne âgée de mesurer les distances interpersonnelles et la profodeur de son isolement.

 Les impacts

La réalité quotidienne nous indique que ces patients. sont peu visités par leur famille, bénéficient moins des activités organisées (trop perturbateurs), font souvent l'objet de réflexions de la part des autres visiteurs.

Les conséquences des troubles de langage et des cris:

- perte de dignité, d'identite personnelle,

- situation de dépendance face à autrui,

- émotions d'agacement, d'humiliation, de ressentiment,

- de crainte devant la solitude et face aux difficultés de comprendre et de communiquer.

Ils indiquent la lutte intérieure vécue par les personnes âgées aux prises avec les désordres mentaux. Auquel s'ajoute les sentiments que ces résidants ressentent devant le négativisme d'autrui, les interprétations erronées de leur comportement, les demandes d'aide incomprises.

Certaines personnes agées qui crient peuvent également exprimer :

leur peine,

leur fatigue,

leur tension émotionnelle,

leur incapacité à arrêter leurs cris. leur désarroi,

leur sentiment de perdre tout contrôle d'elles-mêmes.

Toutes manifestent une sécheresse buccale importante.

Certains résidants tolèrent et endurent cette situation pénible par contre d'autres ont tendance à reprimander les personnes qui crient, ce qui a pour effet d'augmenter leur isolement. Rares sont ceux qui réagissent en agressant verbalement et physiquement la personne âgée qui crie.
Les soignants considèrent les cris comme très incommodants et très dérangeants.
Du fait qu'ils se trouvent incapable de résoudre ce problème de soins il en ressentent un sentiment d`impuissance, de frustration et une baisse d'estime professionnelle, car il se sentent coupables de ne pas savoir intervenir davantage.
Certains les isolent ou influencent le médecin pour obtenir des contraintes chimiques (sédatifs ou neuroleptiques) ; d'autres ont plutôt recours à des approches plus douces telles qu'offrir une collation.
Les soignants qui ont l'impression que les patients les manipulent, qu'ils crient pour attirer l'attention réagissent de façons différentes :
La recherche de solutions peut s'orienter vers l'aménagement de pièces insonorisées ou par des approches individualisées à chaque patient : il faut trouver des idées nouvelles, des méthodes innovantes, des attitudes constructives qu'il faut s'empresser de partager, car le principal « souffre douleur » est le résidant lui-même.

 Approche des soins

        Le toucher affectif

La communication non verbale peut revetir différentes formes. Le toucher constitue une de ces formes d'expression primaire et universelle souvent utilisé par l'infirmière auprès des individus de tout âge. Le sexe, la culture, la religion, le statut social, ou l'état de santé peuvent grandement influencer les perceptions des individus

L'être humain a developpé les mots, symboles du langage verbal et écrit, afin de lui permettre de communiquer avec ses semblables.

Selon Weiss (S. J. Weiss, The language of touch, Nursing Research, 1979) , le toucher peut être vu comme un langage composé de six symboles : la durée (il faut suffisamment de temps aux individus pour obtenir un niveau d'intégration tactile satisfaisant, qui permet d'augmenter la perception cognitive et affective de son corps.) ; les parties du corps touchées ; la progression des mouvements dans le toucher (rapide ou graduelle) ; l'intensité ; la fréquence ; les perceptions du toucher (confort ou inconfort).

Lorsque le contact tactile est plaisant et agréable, l'individu perçoit les parties de son corps comme valables et significatives.»

Mode instinctif et culturel des contacts, le toucher diffère suivant les époques et les ethnies, tisse la trame des relations humaines, perpétue aussi certains schémas aliénant de la communication. Le toucher - ou l'absence du toucher - a une signification symbolique et culturelle qui est un comportement appris.

Certains Indiens Américains interprètent une poignée de main vigoureuse comme un acte agressif et sont choqués par une poignée ferme et prolongée.
Les Vietnamiens peuvent craindre de heurter l'épaule de quelqu'un puisqu'ils croient que l'âme peut quitter le corps à la suite d'un contact physique et qu'une maladie peut en résulter. C'est la tête de l'être humain qui est pour eux le siège de la vie, elle est donc très personnelle.
Dans une étude hospitalière on s'est aperçu que les femmes montrent des réactions étonnamment positives au fait d'être touchées, se manifestant par un abaissement de leur pression sanguine et de leur niveau d'anxiété préopératoire. La population féminine montre une plus grande réceptivité que le sexe masculin au contact tactile en provenance des personnes étrangères. Sans tenir compte du sexe, il a été démontré que ceux qui sont le plus mal à l'aise avec le toucher, sont ceux qui sont le moins à l'aise avec les autres moyens de communication et ont le moins confiance en eux ( J. Newman, Soins infirmiers interculturels). D'autres études ont montré que ceux qui touchent le plus, sont les moins soupçonneux et craignent le moins les motivations et les intentions des autres. Ce sont eux aussi qui ont le moins d'anxiété et de tension dans leur vie quotidienne.

Nous avons reçus lors de notre enfance des interdits culturels et ils se sont inscrits dans notre histoire. Ils font partie de notre imaginaire corporel et constituent des barrières, des paramètres, des interdits qui nous empêcheront d'entrer en contact ou de partager la tendresse. Aussi la signification que l'on accorde au toucher dépend du vécu de chacun, de son éducation. Le toucher peut prendre la forme d'une poignée de main, d'une caresse, d'un massage ou tout simplement d'un bras offert en guise de support. Le toucher nous "connecte" à la personne âgée en montrant notre disponibilité et rassure en témoignant intérêt, encouragement, confiance, douceur et sécurité. A la différence de la vue et de l'ouïe, la communication tactile induit nécessairement une réciprocité, ce qui lui confère une place particulière : elle est plus appréciée par la personne âgée quand le soignant se laisse toucher à son tour.

Le toucher doit être thérapeutique, c'est à dire qu'il ne doit pas infantiliser la personne âgée, ni être interprété comme de la condescendance : on ne "tapote" pas, par exemple, la tête de la personne âgée assise dans un fauteuil roulant.

Le toucher affectif (Expression de Diane Saulnier). a des effets, entre autres, sur le sentiment de bien-être, sur l'estime de soi, sur l'expression verbale des sentiments, sur le niveau d'anxiété, sur le niveau d'attention et sur l'orientation spatiale. Il répond au besoin d'affectivité de la personne démente et favorise la conscience de l'environnement extérieur.

Le toucher affectif consiste à établir un contact tactile durant une courte période, avec la personne âgée qui crie, qui est agitée ou agressive. Ce contact offre une présence, un support à la personne, permet d'observer les messages non-verbaux et d'écouter les paroles compréhensibles.
Le toucher affectif demande du discernement, du respect et de l'authenticité.

juin 1995
Dr Lucien Mias
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