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Les personnes âgées dans la société images/logoPdf8k.jpg56 pages

AVIS adopté par le Conseil économique et social - 23 mai 2001

« Introduction

Le vieillissement, au sens donné par le dictionnaire, se définit, à l'échelle d'une population, comme "l'augmentation dans la population totale de la proportion des personnes âgées résultant de l'allongement de l'espérance de vie et de la baisse de la natalité", le seuil d'entrée dans la "vieillesse" étant en général fixé, pour des raisons conventionnelles, à 60 ou 65 ans.

Ce processus concerne l'ensemble des pays développés, dont la France : la part du groupe d'âge des personnes de 65 ans et plus dans notre pays est ainsi passée de 12 % en 1965 à 15,4 % en 1997. Il va s'accélérer de manière très sensible à partir de 2006, du fait notamment de l'entrée dans la soixantaine des premières générations issues des classes nombreuses du baby-boom.
Si ce phénomène constitue, à l'échelle des changements démographiques, une relative nouveauté dans la quasi-totalité des pays développés, il n'en va pas de même en France : de la fin du XIXème siècle à la Seconde Guerre mondiale, avec quelques intervalles, notre pays, alors à peu près seul dans ce cas, a en effet connu une première vague de vieillissement, qui a suscité à l'époque les plus grandes inquiétudes, comme en témoignent notamment les travaux d'Alfred Sauvy. Depuis lors, si le baby-boom avait, pendant une trentaine d'années, apaisé ces craintes, la question du vieillissement et celle, plus largement, de la place des personnes âgées dans notre société n'en ont pas moins nourri de nombreuses réflexions : rapport intitulé "Commission d'étude des problèmes de la vieillesse" de M. Pierre Laroque de 1962 ; avis de 1983 du Conseil économique et social sur "Le vieillissement démographique et ses conséquences économiques et sociales", rapporté par M. Pierre Jarlegan, qui soulignait les problèmes suscités par le vieillissement ; avis présenté par M. Henri Théry en 1993 au sein de cette même assemblée, intitulé "Les activités d'utilité sociale des retraités et des personnes âgées", qui mettait au contraire l'accent sur les "transformations de la troisième partie de la vie" ainsi que sur la place croissante prise par les retraités et les personnes âgées dans les activités d'utilité sociale.

Ces réflexions ont également suscité la création d'instances et d'initiatives nouvelles sur un plan international et au niveau européen. En France, elles ont conduit à la création du Comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA) et des Comités départementaux de retraités et personnes âgées (CODERPA).
C'est dans ce contexte que, le 7 décembre 2000, à l'issue de l'Année internationale des personnes âgées, dont le rapport en avait fait expressément la demande, le Premier ministre a saisi le Conseil économique et social de la question du vieillissement de notre société, en mettant l'accent sur trois questions essentielles : quelles conséquences l'augmentation dans la population de la part des personnes de plus de 60 ans et les modifications qu'ont connues et vont connaître ces catégories d'âge emporteront-elles sur leur place et leur image dans la société française ; quelles incidences auront-elles sur l'économie, et notamment sur la consommation, la transmission des patrimoines et le logement ; enfin, quelles conclusions y a-t-il lieu d'en tirer quant à l'expression et à la représentation des personnes âgées dans le débat public, en prenant garde d'éviter toute ségrégation.
L'élaboration de l'avis a été confiée à la section des affaires sociales, qui a désigné M. Maurice Bonnet comme rapporteur. Sur le deuxième point, portant sur les incidences de l'allongement de la durée de vie sur l'économie, le Bureau du Conseil a toutefois demandé une contribution à la commission spéciale du plan, rapportée par M. Jean Grave.
Quant aux deux aspects majeurs exclus du champ de la saisine, c'est-à-dire les retraites et la perte d'autonomie, ils ont fait l'objet de travaux approfondis au Conseil économique et social : avis rapporté par M. Hubert Brin en 1995 "Projet de création d'une prestation autonomie destinée aux personnes âgées dépendantes" et avis rapporté par M. René Teulade, en 2000, "L'avenir des systèmes de retraites" ; il y sera donc ponctuellement fait référence, sans que cela appelle des développements. La brièveté des délais impartis par la saisine imposait par ailleurs de se limiter, sur bon nombre de points, à ouvrir des pistes de réflexion qui devront faire l'objet de réflexions collectives ultérieures.
Avant d'engager le développement de son analyse et de formaliser ses préconisations, il a paru nécessaire au Conseil économique et social de se poser la question de l'âge. Certes, il est sans doute inévitable, à des fins statistiques, de recourir à des catégories d'âge pour prendre la mesure quantitative du vieillissement. Pour autant, dans quelle mesure est-il pertinent de leur donner une importance considérable dans l'approche de ce phénomène, en privilégiant en outre, sans précautions méthodologiques, des limites d'âge fixées une fois pour toutes (que les bornes choisies soient du reste 60 ou 65 ans) ? Ce d'autant qu'il s'agit de comparer à des périodes différentes des populations différentes ? Ce choix, plus profondément, ne comporte-t-il pas le risque de fixer, dans l'imaginaire collectif, des seuils qui caractériseraient le passage dans une supposée "vieillesse", contribuant par-là même à favoriser la coupure entre les générations, et à affaiblir le contrat qui les lie ?

Pour notre assemblée, la réflexion sur la place et le rôle des personnes âgées doit au contraire s'inscrire dans une démarche de continuité des temps de la vie, la vieillesse n'intervenant pas comme un couperet égal pour tous, à un âge déterminé, mais comme un processus progressif et variable selon les individus. Dans le "Carnet d'un biologiste", Jean Rostand n'écrivait-il pas : " On n'est pas vieux tant que l'on cherche " ?

I - Le vieillissement : une réalité complexe, suscitant une inquiétude pour partie irrationnelle

II - Reconnaître et promouvoir la place des personnes âgées dans la société

Comme le rappelle M. Bourdelais : "Deux moments particuliers de la retraite focalisent aujourd'hui l'attention : l'âge à la cessation d'activité et celui de la dépendance. [ ] Quoi qu'il en soit, les réflexions -ou les appréhensions- relatives à ces deux échéances ont masqué l'extraordinaire victoire sur la mort après 60 ans et ses conséquences directes, en particulier l'émergence d'une nouvelle période de la vie d'une durée de deux décennies ou davantage, au cours de laquelle une époque de temps libre s'ouvre à des personnes encore en possession de leurs moyens intellectuels et physiques". Reconnaître et promouvoir la place des personnes âgées dans la société, c'est prendre toute la mesure des formidables potentialités que recouvrent ces évolutions.

III - L'impact de l'allongement de la durée de la vie sur l'économie

La question du lien entre la démographie -et plus précisément, s'agissant des pays développés, la conjonction de l'allongement de l'espérance de vie et de l'augmentation de la part des personnes âgées dans la population- et l'économie correspond, à l'évidence, à un sujet éminemment complexe et controversé, qui dépasse largement le cadre du présent avis.
Elle est posée, de manière très générale, par le Premier ministre dans sa lettre du 7 décembre 2000, qui exclut par ailleurs "les préoccupations des Français sur l'avenir des retraites et la prise en charge des incapacités survenant avec le grand âge". On ne trouvera donc ici que des éclairages partiels sur les interrogations lourdes qu'elle soulève : en particulier, y a-t-il lieu de redouter un manque inéluctable de dynamisme, voire une atonie prolongée, de l'économie française comme conséquence des évolutions qui vont affecter la population de notre pays, si l'on tient compte des effets de génération et de contexte au côté des seuls effets d'âge ? Et, surtout, quels sont les besoins que recèlent ces évolutions et quel est leur impact éventuel sur l'économie ?

IV - Assurer une meilleure représentation des personnes âgées

Les personnes âgées ou retraitées ont un rôle majeur à jouer dans la société ; le présent avis a d'ailleurs formulé des propositions pour reconnaître et promouvoir ce rôle. Elles ont également un rôle économique qui a été souligné. Toutefois, leur participation à la vie de la cité ne saurait se limiter à ces fonctions. Comme tout autre membre de la société, elles ont aussi un droit d'expression et de participation aux réflexions collectives. Les modalités doivent donc être recherchées pour assurer, dans les meilleures conditions, cette expression. Celle-ci n'est pas exclusive de l'expression de toutes les autres catégories de la population, tant dans le débat collectif que sur les questions du vieillissement.
De ce point de vue, il convient de distinguer deux champs d'expression, de nature très différente, selon qu'il s'agit de débats relatifs à la politique de la vieillesse ou qu'il s'agit du débat démocratique collectif sur l'avenir de notre société.

Éditique : Dr Lucien Mias
28 septembre 1997

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