Henderson Besoin : vieillissement et besoin d'agir selon croyances valeurs

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Personnes âgées et besoin

d'AGIR SELON SES CROYANCES ET SES VALEURS 7 pages

I - Savoir résumer ce besoin

L'être humain a besoin d'agir selon ses croyances et ses valeurs et de poser des gestes et des actes conformes à la notion personnelle qu'il a du bien, du mal et de la justice.
- Ces notions sont un ensemble d'idées, de croyances et de doctrines qui lui ont été transmises dans son enfance, lors de sa structuration mentale et qui sont donc propres à un société (né ailleurs, dans le temps ou l'espace, ces notions eussent été différentes).
- Parce que son corps et son esprit sont en étroite relation, il intériorise ses comportements, ses attitudes et ses valeurs qui deviennent alors sa propre réalité. Comme l'être humain vit en constante interaction avec ses semblables il partage les expériences de vie, les croyances et les valeurs de son temps.
Les croyances et les valeurs permettent à l'être humain de se donner des règles de conduite. Lorsqu'une personne déroge de son système de valeurs elle éprouve, même si ce n'est que de façon diffuse, un sentiment de faute.
- Lorsque les normes sociales sont rompues ou cessent d'être efficaces et que les valeurs se confrontent ou disparaissent, il en résulte un état ambivalent qui la rend la vie difficile car "on ne sait plus ou est la vérité". La révolution sociale de 1968 fut une de ces périodes de crise.
Lorsque l'être humain est incapable ou a de la difficulté à agir selon ses croyances et ses valeurs, il éprouve une grande détresse spirituelle qui peut se manifester par de la culpabilité, de l'anxiété ou du doute quant à la signification de sa propre existence.
- Parce qu'il y a discordance entre son système de valeurs, ses aspirations et ses réalisations, il se sent impuissant, fait preuve de fatalisme, a l'impression d'être dissocié de son moi et d'être rejeté par la société.

II - Savoir reconnaître le processus de vieillissement physiologique et ses conséquences

A- Le vieillissement physiologique
- Essayer de situer le besoin d'agir selon ses croyances et ses valeurs par rapport au processus de vieillissement représente une tâche assez difficile car cela fait référence à des concepts abstraits. Tout au long de son existence l'être humain évolue tant sur le plan physique, psychologique, social que moral et spirituel.
  - Le développement moral est un processus progressif qui n'est pas lié à l'affiliation religieuse ou à l'éducation mais plutôt aux règles du comportement social et à la capacité d'agir en réciprocité avec les autres, en maintenant ses principes et ses valeurs personnelles.
- Trois stades dans le développement moral de l'être humain peuvent être distingués et permettent de comprendre certains des comportements des personnes âgées : la période préconventionnelle qui est celle de l'enfance, la période conventionnelle de l'entrée dans l'âge professionnel, et qui est suivie ou non d'une période post-conventionnelle.
  
  - Pendant la période préconventionnelle, les actions de l'individu sont surtout axées vers les événements et les objets extérieurs plutôt que vers l'adhésion à des normes sociales. Ce sont les besoins individuels qui déterminent si l'action accomplie est bien ou mal.
  
  - Pendant la période conventionnelle, les gestes et les pensées de l'individu reflètent ce que la société ou les autres attendent de lui, c'est-à-dire être une bonne personne et faire des gestes ou accomplir des actions en vue de maintenir l'ordre social.
  - Lorsque l'individu atteint le stade de la période post-conventionnelle, il a suffisamment évolué pour ne plus percevoir les lois et les institutions sociales comme des buts à atteindre. Il essaie plutôt d'en comprendre la relativité, la subjectivité et l'arbitraire. Le contrat implicite entre lui et la société existe toujours (s'il suit les règles sociales établies, elles le protègent), sauf qu'il est maintenant en mesure de décider si l'acte ou le geste qu'il accomplit est bon ou mauvais. Il identifie des principes universels de moralité. Comme le développement moral est individuel, on peut donc retrouver des personnes âgées à chacun des trois stades de développement.
- - La plupart des personnes âgées se situent cependant au stade conventionnel, c'est-à-dire qu'elles suivent les règles sociales établies et répondent aux attentes des autres. Leurs valeurs sont la conformité, la loyauté et l'ordre social. Elles recherchent l'approbation et obéissent à la loi parce que c'est la seule façon d'agir.
- - Quelques personnes âgées se situent au stade pré-conventionnel. Elles obéissent à la loi simplement pour avoir la paix. Elles respectent la personne au pouvoir et définissent le bien et le mal en fonction de cette personne. Malgré cette dépendance, elles réussissent parfois à se sentir heureuses et comblées.
- - Les personnes âgées qui se situent au stade post-conventionnel semblent avoir plus de difficulté à agir selon leurs croyances et leurs valeurs. Elles suivent les principes qui leur conviennent et n'agissent pas seulement pour faire comme les autres. Elles croient à la justice et à l'égalité des droits humains et peuvent comprendre en même temps que l'injustice, la douleur et la souffrance font aussi partie de la vie. Celles qui défendent trop vigoureusement leur idéologie et qui remettent toujours tout en question, sont mal acceptées socialement.
  - Quand ces personnes se retrouvent en institution et critiquent trop ouvertement le système de santé ou les soignantes, leur situation devient encore plus précaire.
    - Aussi, par crainte d'être mises de côté ou prises en grippe par le personnel, la plupart de ces personnes finissent par se résigner et se taire afin de pouvoir continuer à recevoir un minimum de soins. Cette décision d'abandonner la défense de leurs principes produit souvent chez elles un impact physique et émotionnel important. L'impossibilité d'adhérer à son code moral, philosophique ou encore à ses croyances et à ses principes spirituels est susceptible de conduire à la démence.
- Parmi les valeurs les plus importantes pour les aînés, on retrouve l'intégrité morale, le patriotisme, la capacité d'aider autrui, la religion, la liberté, le courage, l'intimité, l'ambition et l'éducation.
B - Facteurs qui influencent la satisfaction de ce besoin

Tous les besoins fondamentaux, comportent une dimension biophysiologique, psychologique, sociologique, culturelle et/ou spirituelle et sont influencés par un certain nombre de facteurs.
- 1. Dimension biophysiologique
  - Pour agir selon ses croyances et ses valeurs, l'être humain doit être en mesure de faire des gestes concrets et d'adopter des attitudes corporelles adéquates. Son système neuromusculaire doit fonctionner suffisamment bien pour lui permettre par exemple de se déplacer pour assister aux services religieux ou de jeûner si sa religion l'exige.
    - Le manque de force physique, la faiblesse, la maladie, l'hospitalisation, l'immobilité, la souffrance sont autant de facteurs et de sources de difficulté qui empêchent la personne âgée de satisfaire ce besoin.
  - L'être humain demeure un être spirituel même lorsqu'il est désorienté, confus ou délirant, lorsqu'il vit des situations de stress, de surmenage ou des états de crise.
- 2. Dimension psychologique
  - Plusieurs valeurs importantes comme la confiance en soi, la volonté, le courage, la capacité d'apprendre et la capacité relationnelle (établir des relations avec autrui) sont liées à la personnalité et au développement psychologique. Ces valeurs sont importantes car elles représentent les forces positives (ou dynamisme) du vieillissement et influencent le choix des moyens d'action de chaque personne.
    - L'être humain a toujours cherché un sens à la vie et à la mort et a toujours tenté par divers moyens (gestes, rituels, etc.) de se rassurer sur ce qu'il ne pouvait comprendre. Il a toujours posé des actes qui pouvaient lui permettre de répondre à son désir de communiquer avec l'Être suprême ou avec l'au-delà. Il en est toujours ainsi. Les perturbations de la pensée et les troubles émotifs peuvent l'empêcher de le faire et donc de satisfaire adéquatement ce besoin.
  - Lorsqu'une personne est très malade ou est à l'article de la mort, ses croyances et ses valeurs peuvent lui permettre de mieux s'adapter, de mieux réagir ou encore de trouver réponse à son questionnement sur le sens de la vie, de la maladie et de la mort. Les émotions vécues et exprimées dans ces situations (colère, culpabilité, fatalisme, résignation etc.) sont vraiment le reflet de valeurs individuelles.
- 3 - Dimension sociologique
  - Pour agir selon ses croyances et ses valeurs, l'être humain doit pouvoir choisir des modes d'action spécifiques et avoir une certaine liberté de choix. Des facteurs comme l'éloignement du lieu du culte, un environnement inconnu, les pressions sociales et les attitudes des gens peuvent nuire à la satisfaction de ce besoin.
- 4. Dimension culturelle
  - La culture influence fortement l'idéologie. Elle transmet des idées sur le style de vie et le système de valeurs ainsi que sur les préjugés. Les traditions d'une société véhiculent des croyances sur les pratiques religieuses et sur l'idéologie et influencent grandement les êtres humains et leurs relations avec les autres ou avec l'Être suprême. La culture de la famille et du groupe est un puits de valeurs sur lesquelles l'individu va modeler ses actes.
  - L'identité du moi se réalise entre autres par la culture et les coutumes qui permettent à l'individu d'exprimer ses désirs, ses angoisses et ses valeurs sociales. C'est aussi à travers son appartenance culturelle qu'il perçoit la vieillesse, la douleur et même la maladie. Ces perceptions sont donc extrêmement variables.
    - Outre les différences liées à la culture et à l'éducation, il existe certaines croyances souvent issues de préjugés populaires bien enracinés qui peuvent être utiles mais aussi nuisibles à l'égard de la santé.
- 5. Dimension spirituelle et/ou religieuse
  - L'appartenance à une religion ou l'adhésion à une philosophie influence les attitudes et les comportements de l'être humain dans divers domaines (famille, éducation, économie, politique,etc.) et par rapport à divers sujets tels le bien et le mal, l'amour, la gloire, etc.
    - La plupart des actions quotidiennes sont influencées par des facteurs religieux et spirituels, lesquels font cependant référence à deux concepts distincts : la religion qui est la manifestation extérieure des croyances spirituelles et la spiritualité qui couvre un concept beaucoup plus large lequel n'inclut pas toujours une dimension religieuse.
  - La religion et la spiritualité sont particulièrement importantes pour les personnes âgées et sont très souvent associées au bien-être psychologique et au besoin d'avoir un certain contrôle sur leur mort.
    - Pour certaines personnes âgées la religion devient une activité très importante et parfois même leur seule «activité de loisir». Souvent la pratique religieuse s'intensifie vers la fin de la vie mais même si ce n'est pas le cas, les aînés continuent à bénéficier des croyances et des pratiques qui sont en continuité avec leur religion antérieure.
      - Les personnes âgées qui ont des convictions religieuses sont capables d'envisager le futur avec plus d'objectivité et de sérénité que celles qui ne pratiquent aucune religion.
C - Interaction entre ce besoin et les autres besoins fondamentaux
- Respirer
  - Essoufflement consécutive à l'effort fourni pour se rendre jusqu'à la chapelle
- Boire et manger
  - Anorexie consécutive à un désir d'auto-punition résultant d'une transgression religieuse
- Éliminer
  - Refus de se conformer à un programme d'élimination intestinale consécutif à des coutumes culturelles particulières et constipation
- Se mouvoir et maintenir une bonne posture
  - Accident possible lié à un déficit moteur, dont la personne ne tient pas compte lorsqu'elle veut se rendre au service religieux
- Dormir et se reposer
  - Cauchemars à thèmes religieux (enfer, punition, etc.)
- Se vêtir et se dévêtir
  - Incapacité de se vêtir consécutive à l'incapacité de préserver son intimité
- Maintenir la température du corps dans les limites normales
  - Hyperthermie par exposition prolongée au soleil au cours d'une cérémonie religieuse en plein air
- Être propre, soigné et protéger ses téguments
  - Peau altérée reliée à l'immobilité consécutive à la résignation et à l'apathie causée par la croyance que la maladie est une punition de Dieu contre laquelle il n'y a rien à faire
- Éviter les dangers
  - Non-observance du régime médical liée à un conflit entre les croyances spirituelles et le régime de santé prescrit
- Communiquer
  - Communication inefficace reliée à l'isolement social ou la non- appartenance à un groupe religieux
- S'occuper en vue de se réaliser
  - Altération du concept de soi reliée à l'abandon de toute pratique religieuse
- Se récréer
  - Déficit des activités de loisirs lié à des changements dans le style de vie et dans la pratique d'activités avec le groupe religieux (pèlerinage, services religieux, etc.)
- Apprendre
  - Manque de connaissances lié au refus d'adopter un régime thérapeutique qui entre en conflit avec les traditions culturelles

III - Savoir-être face à la dépendance pour ce besoin afin de tendre vers l'autonomie

A - Savoir-prévenir la survenue d'une dépendance : savoir observer, savoir organiser
- Dans le cadre de ce besoin il est certain que les actions à mener reposent sur l'écoute respectueuse qui fournit des occasions de réflexion, à encourager la personne à la pratique religieuse et à faciliter les possibilités de la réaliser au lieu de culte.
- Dans le cadre interculturel il convient de savoir les préférences en fonction de la religion de la personne :
  
  - Les personnes âgées de religion catholique apprécient qu'on leur donne l'occasion d'assister à la messe, qu'on leur offre les sacrements de la confession et de l'eucharistie et qu'on leur permette de garder des objets à caractère religieux comme des livres de prières, un chapelet, un crucifix, des médailles religieuses, etc.
  - Les personnes âgées de religion orthodoxe aiment qu'on les aide à rencontrer un ministre du culte qui parle leur langue et qu'on leur permette de garder des objets de culte comme une bible, des icones et des chandelles ou lampions qu'elles peuvent allumer à l'occasion.
  - Les personnes âgées de religion protestante apprécient le fait de pouvoir garder une bible à leur chevet, de pouvoir rencontrer leur conseiller spirituel et d'avoir quelqu'un pour faire la lecture des textes de nature religieuse avec elles. La plupart des personnes protestantes peuvent recevoir le sacrement de l'eucharistie mais ne croient pas en l'extrême-onction. Leurs désirs doivent être respectés.
  - Les personnes âgées d'origine chinoise aiment qu'on les surveille en restant longtemps à leur chevet tout en gardant le silence. Elles deviennent anxieuses lorsqu'on ne leur fait que de courtes visites sans prendre le temps de s'asseoir auprès d'elles un moment.
  - Dans certaines cultures (chinoise, juive, etc.), les boissons froides (jus, eau, etc.) sont perçues comme étant nocives pour la santé surtout pendant les périodes de maladie. Offrir à ces personnes des boissons chaudes (thé, tisanes)
  - Les personnes d'origine japonaise n'aiment pas répondre à des questions trop personnelles sur elles-mêmes et sur leurs proches.
  
  L'accompagnement interculturel des mourants, fait l'objet d'un exposé particulier sur ce site.

Conclusion

La dimension spirituelle, souvent ignorée lors de la collecte des données, ne peut être ignorée lors de la planification des soins car celle-ci constitue un aspect fondamental du développement humain.

septembre 1993
Dr Lucien Mias

I. Respirer - II. Boire et manger - III. Éliminer - IV. Se Mouvoir et maintenir une bonne posture - V. Dormir et se reposer - VI. Se vêtir ou se dévêtir - VII. Maintenir sa température - VIII. Être propre soigné, protéger ses téguments - IX. Éviter les dangers - X. Communiquer - XI. Agir selon ses croyances ou ses valeurs - XII. S'occuper en vue de se réaliser - XIII. Besoin de se récréer - XIV. Besoin d'apprendre
Grille

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