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l'intelligence... 5
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Deligny J-L., L'administration du futur,
Eyrolles, Paris, 1990, 243 p.
Deligny J-L., Le Fonctionnaire du futur, Eyrolles,
Paris, 1991, 233 p.
«Un immense gisement de productivité
- La société industrielle est
basée sur la division du travail : d'un
coté, ceux qui commandent, de l'autre, ceux qui
exécutent. Seuls les premiers ont le droit de penser, les
autres n'en ont pas la capacité - et s'ils l'ont, ce n'est
pas leur rôle ; pire, ce serait dangereux !
- L'administration offre une caricature de ce
monde taylorien et la classification des emplois en
catégories reflète ce mode de pensée.
- Or, le niveau des études ne cesse de
monter ; les concours administratifs ont de très nombreux
candidats ; des diplômés occupent des emplois
subalternes, faute de trouver un emploi de leur qualification.
- Dans leur vie privée,
- les gens sont surinformés par des
médias omniprésents ;
- ils prennent de plus en plus de
responsabilités dans les associations, les clubs sportifs,
les syndicats ;
- ils consacrent leurs loisirs aux voyages, à
la culture, à la création artistique ;
l'informatique et la télématique ont envahi les
foyers.
- "À la
maison, les gens sont intelligents de six heures du soir à
neuf heures du matin : ils gèrent leur budget,
élèvent leurs enfants. Comment peut-on continuer
à leur demander de devenir idiots de neuf à
dix-huit heures ?" Hervé Serieyx
- Peut-on laisser en friche un tel gisement de
créativité et de productivité ? Peut-on
accepter que des gens hypermotivés dans leur vie personnelle
en soient réduits a subir passivement le mortel ennui de
leur vie professionnelle ? Alors qu'ils sont presque tous
prêts à donner le meilleur d'eux-mêmes,
pourvu qu'on leur en donne l'occasion...
- Ce gisement inexploité d'intelligence et de
motivation, c'est à nous, cadres et dirigeants, de le
défricher et d'en faire bénéficier la
collectivité publique qui nous emploie. Quoi qu'il nous en
coûte (et ce n'est pas facile), remettons en cause l'ordre
établi. Acceptons une
fois pour toutes que l'imagination et l'innovation viennent d'abord de
la base : il nous appartient d'en favoriser l'expression.
- "Il ne peut y avoir
d'innovation sans motivation, ni de motivation sans
possibilité d'innovation" DDE Haute Savoie.
- La compétition internationale dans
laquelle nous sommes ne nous laisse guère le choix :
- ou bien nous saurons mobiliser l'intelligence de tout
notre personnel, et nous avons une chance de survivre ;
- ou bien nous ne pourrons (ou ne voudrons) pas le faire,
et nous nous laisserons supplanter par des concurrents plus
avisés.
- "Nous, nous
sommes post-tayloriens : nous savons que le business est si
compliqué, si difficile et la survie d'une firme si
problématique, dans un environnement dangereux, inattendu et
compétitif, qu'une entreprise doit chaque jour mobiliser
l'intelligence de tous pour avoir une chance de s'en tirer. (...) Vos
patrons, sociaux, souvent gens de bonne volonté, croient
qu'il faut défendre l'homme dans l'entreprise,
Réalistes, nous pensons, à l'inverse, qu'il faut
défendre l'entreprise par les hommes et que celle-ci leur
rendra au centuple ce qu'ils auront donné. Ce faisant, nous
finissons par être plus sociaux que vous."
(Konosuke Matshushita.)
- Ayons le courage de rompre avec des
décennies de taylorisme, de renverser la pyramide,
d'établir de nouvelles relations sociales, de redistribuer
et de déconcentrer les responsabilités.
- "Il faut se doter
d'un modèle d'organisation dans lequel chacun participe le
plus possible aux décisions qui le concernent. Les
entreprises doivent passer d'un système pyramidal
à des systèmes moléculaires avec
interactions. (...) Dans le modèle tayloriste on demandait
aux salariés de réagir automatiquement
à des événements
prévisibles. Aujourd'hui on leur demande de
réagir intelligemment à des
événements imprévus. L'automatique,
c'est la machine qui le fait (...) Mais, pour y répondre,
les salariés doivent être à la fois
très bien formés et très
informés." (Cendra Vernax, dans "Le moniteur
des Travaux publics" 21/04/89
- Nous heurtons ainsi les habitudes culturelles de
nos organisations.
- Sachons vaincre les
réticences de nos collaborateurs jusqu'alors plus enclins
à se taire qu'à s'exprimer librement.
- Osons contrer nos
supérieurs lorsqu'ils confondent autorité et
autocratie.
La pesanteur de
la
hiérarchie
- Le poids excessif de la hiérarchie, les
abus des "petits chefs", l'autoritarisme des "grands chefs", ne sont
certes pas l'apanage des administrations.
- Mais le blocage des perspectives de carrière
et l'absence de réelles responsabilités les
rendent encore plus odieux que dans le secteur privé.
- Le personnel exige, à juste titre, respect
et considération : établissons avec nos
collaborateurs des relations de réciprocité et
accordons-leur les marges d'autonomie auxquelles leur
compétence et leur professionnalisme leur permettent de
prétendre.
- "Les ouvriers de
Peugeot ne supportent plus que les cadres de l'usine les contraignent
à "fermer leurs gueules". Les gendarmes se plaignent des
abus de la hiérarchie, les infirmières exigent
plus de considération de la part des médecins.
(...) Aujourd'hui, ils veulent non seulement gagner plus, mais
être respectés par leurs supérieurs.
(...) Chacun estime avoir pris suffisamment d'initiatives pour ne plus
être traité comme un enfant en bas âge.
On ne fait plus marcher les gars à la baguette, mais
à la motivation. Normal, puisque on leur demande sans cesse
davantage : de s'investir dans leur travail, de se former aux nouvelles
technologies, d'être plus mobiles, de se recycler dans une
autre spécialité." (Catherine Sales
"La France des petits chefs" L'Événement du jeudi
18/10/89).
Le
bâillonnement des
intelligences
- Tout fonctionnaire, comme tout salarié,
doit jouir de la liberté d'expression et de proposition dans
l'exercice de ses fonctions, en contrepartie de son obligation
d'obéissance.
- Ce n'est pas toujours le cas : la hiérarchie
traditionnelle favorise le fonctionnaire servile qui lui soumet les
décisions qu'elle espère; elle muselle le
fonctionnaire honnête qui pose intelligemment les vrais
problèmes et propose sans autocensure tout le champ des
solutions possibles. C'est là une source de frustration et
de démotivation particulièrement
désespérante pour ceux-là
mêmes qui pourraient le mieux contribuer à la
modernisation de leur service.
- "Nous acceptons
d'être moins payés que dans le privé,
mais à condition d'exercer librement notre
métier, de pouvoir nous exprimer, prendre des
responsabilités, des initiatives... Si on veut moderniser
l'Administration, nous sommes prêts. Mais alors qu'on nous en
laisse la possibilité !"
- "On nous demande un
travail de routine uniquement. On ne fait pas du tout appel
à nos capacités intellectuelles, Ou nous demande
de travailler, de faire ce qu'il y a à faire , et c'est
tout. Aucune initiative, aucune responsabilité"
(Une employée de la sécurité sociale)"
- " Les
infirmières se sentent exclues des lieux de pouvoir et
d'organisation" (Rapport de la commission nationale des
infirmières.)
- "Au bout d'un
moment, on a dit : stop ! Nous ne pouvons pas travailler sans
comprendre ! ( ..) on voudrait savoir ce qu'on fait. "
(Des infirmières sans surveillante,
L'Événement du jeudi 25/10/89).
- "Les gens qui
prennent des initiatives le font clandestinement, au noir : ils ont
peur de ne pas être couverts par leurs supérieurs.
Et le gâchis des hommes est inimaginable. La fonction
publique ne fait pas confiance à son personnel. Tous les
dossiers remontent jusqu'au sommet de la hiérarchie. Ce qui
fait que les cadres ont des tâches pauvres, et que le
personnel, qui se sent méprisé, ne se
défonce pas." (Hervé Serieyx).
Mobiliser les
hommes pour
réussir
- Un constat : les
fonctionnaires sont,
globalement, insatisfaits de leur sort et peu motivés par
leur travail.
- Le
résultat : des mouvements sociaux et des
performances médiocres qui peuvent gravement compromettre la
croissance économique du pays. Il faut réagir.
Mais ne croyons pas qu'en satisfaisant tout ou partie des
revendications on résoudrait d'emblée le
problème de l'insuffisance de leur motivation.
- Satisfaction et
motivation
- "Une politique
sociale qui ne viserait qu'à compléter les
acquis, n'accroîtrait pas forcément la
satisfaction du personnel et surtout sa motivation profonde. Cette
situation est frustrante pour le gestionnaire qui constate
l'inefficacité d'une dépense sociale, mais se
voit contraint de la maintenir, faute de quoi l'insatisfaction
rejoindra la démotivation" (Michel Rocard, Discours devant
les clubs "Convaincre")
- Dans la fonction publique, la motivation
s'accroît avec l'âge : les postes les plus
valorisantes sont souvent obtenus en fin de carrière par
promotion interne.
- Comment, dans ces conditions, motiver les plus
jeunes, ceux qui constituent en fait les forces vives de
l'administration ?
- Mentalités
et comportements
- La mobilisation des hommes nécessite de bien
connaître leurs mentalités et leurs comportements,
très variables d'une organisation à l'autre et au
sein d'une même organisation.
- Luc Dumont distingue neuf
catégories de comportements chez les fonctionnaires
- 1 - Les "positifs" sont des
optimistes, contents de leur sort (y compris de leur
rémunération et de leur avancement) ;
attachés au respect des principes du service public
à la grandeur et aux servitudes de leurs fonctions, ils sont
fiers d'accomplir leurs tâches ;
- 2 - Les '"protectionnistes" sont
très sensibles aux conditions matérielles
(congés, horaires, sécurité de
l'emploi) et ne manifestent que peu d'intérêt aux
tâches à effectuer et à la notion de
service public: décidés à se laisser
vivre, ils dissimulent sous une tranquillité apparente une
certaine désillusion.
- 3 - Les "négatifs"
sont complètement désabusés,
démotivés et découragés par
la fonction publique ; ils ne trouvent aucun motif de satisfaction ni
d'intérêt dans leur poste qu'ils
considèrent comme purement alimentaire.
- 4 - Les "carriéristes"
n'ont qu'un objectif, réussir et profiter des garanties
offertes et des possibilités d'avancement :
attachés à la sécurité de
l'emploi, ils n'aiment pas le risque ; égoïstes et
méprisants, ils ont souvent de bons résultats,
mais donnent une mauvaise image de la fonction publique.
- 5 - Les "intrapreneurs" sont
dynamiques, offensifs, bien dans leur peau et cherchent à se
réaliser en investissant beaucoup dans leur
métier ; mus par une vraie vocation, , ils se battent pour
le service public avec une approche voisine de celle du secteur
privé ; ils peuvent être
déçus si leur fougue n'est pas reconnue par le
salaire et par l'avancement.
- 6 - Les "public-relations" sont
des propagandistes de la fonction publique au service de leur vocation
et de leurs idées ; peu satisfaits par le quotidien, ils
s'emploient, par leurs efforts personnels et leur
abnégation, à démontrer
l'efficacité de leur administration.
- 7 - Les "introvertis",
plutôt passifs, ne manifestent qu'un faible
intérêt pour le service public ; ils ne
recherchent ni le risque, ni le changement et adoptent un profil bas,
couleur de muraille"; leur objectif est de progresser à
l'ancienneté.
- 8 - Les "publiquistes" ;
amoureux déçus de leurs fonctions, manifestent
une certaine désinvolture et une grande
indifférence, sauf à l'égard du
service public et de son image, ils n'attachent pas d'importance aux
conditions matérielles.
- 9 - Les "polarisés"
totalement focalisés sur leur travail et
indifférents au monde extérieur ils sont
insensibles aux résultats matériels
(rémunération, carrière) et aux
avantages acquis.
- Posons nous quatre questions :
- Qu'avons nous à partager avec nos
collaborateurs ?
- Comment les intéresser à la
réussite de nos objectifs ?
- Comment et quand les encourager dans la voie du
succès ?
- Quels nouveaux défis leur proposer pour
les inciter a se dépasser ?
- Hervé Serieyx propose cinq axes de
réflexion pour mobiliser le personnel des
entreprises qui semblent tout à fait applicables aux
fonctionnaires :
- 1 - Finaliser l'entreprise. Créons notre futur. On ne peut
plus se contenter du chevaucher des tendances.
- 2- Mailler l'entreprise avec son
environnement. Dans un
environnement hostile, on ne peut plus rester seul ; il faut
développer des stratégies d'alliance
(...).
- 3 - Substituer aux relations verticales
des relations transversales (...). Chaque
service doit être le client et le fournisseur des autres
(...)
- 4 - Valoriser. Passer d'une logique de
l'obéissance à une logique de la
responsabilité. On à besoin de mecs
debout.
- 5 - Reconnaître le potentiel de
chacun. Avant, on
gérait la docilité des salariés.
Aujourd'hui, on doit gérer leur potentiel.
- Revaloriser la
fonction personnel
- L'efficacité des services dépend
directement de la "motivation du personnel" et le degré de
motivation du personnel est lié a la perception qu'il a de
la structure. Plus une structure paraît dynamique et efficace
plus il est satisfaisant d'y travailler.
- La fonction personnel répond aux objectifs :
- assurer l'efficacité du service public
par une gestion souple valorisant les compétences chacun ;
- prendre en compte les aspirations collectives et
individuelles des agents en leur permettant de trouver dans leur
travail des motifs de satisfaction professionnelle et personnelle.
(.../...)
- Décloisonnement
et collégialité.
- Les échanges entre services sont
plus hiérarchiques que collégiaux; ils
s'expriment le plus souvent en termes de pouvoir, de domination et de
dépendance (.../ ...) domination des services "riches" sur
les services "pauvres" ; domination des services
généraux, gestionnaires du personnel et des
moyens de fonctionnement sur les services opérationnels...
- Cette "hyperstratification" de
l'administration est fondamentalement malsaine.
- Si encore la hiérarchie des pouvoirs
coïncidait avec celle des compétences...mais ce
n'est pas toujours le cas.
- Bien des dysfonctionnements administratifs
viennent de l'usurpation de certaines responsabilités par
des personnages non qualifiés, mais d'un rang
supérieur à ceux qui seraient mieux à
même de les exercer. Ce n'est plus tolérable. Pour
réaliser de grands projets (et le renouveau du service
public en est un), sachons substituer la hiérarchie des
compétences à celle des pouvoirs.
- Forgeons de nouvelles structures, de nouvelles
méthodes de travail. de nouvelles relations humaines.
(.../...)»
- 28 septembre 1996
Dr Lucien Mias
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