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« Le plus souvent, dans nos
sociétés industrialisées, la sieste
revêt une connotation négative. Certains la
considèrent comme un comportement lié
à la petite enfance et l'assimilent alors à une
régression. Pour d'autres, au contraire, elle
évoque des signes de vieillissement, une manifestation de
paresse, un comportement "culturel", surtout dans les pays chauds.
Le caractère universel de la sieste a
poussé des chercheurs à réunir ces
dernières années les
résultats les plus pertinents. Toutes les
évaluations, qu'elles soient objectives ou
résultant de témoignages, indiquent une baisse de
vigilance en début d'après-midi. Cette baisse de
vigilance n'est pas due à la digestion, bien qu'elle soit
majorée en cas de repas copieux, gras, et bien
arrosé. De même, un déficit de sommeil
préalable ou une tendance narcoleptique intensifient ce
phénomène.
On peut considérer la sieste de
l'après-midi comme provenant de mécanismes
endogènes, régulés par l'horloge
biologique.
La sieste
réhabilitée
- La réhabilitation de la sieste est
prônée par de nombreux spécialistes du
sommeil.
- Elle permettrait de réduire les risques
d'accidents de la circulation - les statistiques nationales indiquent
que la majorité des accidents se produisent au cours de
périodes chronobiologiques de somnolence maximale (entre 2
et 5 heures du matin, entre 13 et 15 heures). Et c'est pendant ces
périodes que se comptent les accidents les plus
sévères. Pour toute tâche qui exige une
grande vigilance et une grande efficacité, une prise en
compte et une organisation adaptée à ces
périodes de somnolence devraient être mises en
oeuvre.
- Dans tous les cas, le respect de cette
période de moindre vigilance est recommandé que
ce soit sous forme de sieste avec sommeil, de pause, même
brève, de relaxation, selon l'âge, les
activités ou les goûts de chacun. L'important est
de "débrayer" au bon moment!
Applications pratiques
Le début de l'après-midi est
le moment de la journée ou presque tous les êtres
humains présentent le minimum de performances
intellectuelles et physiques. Cette fatigue "universelle" ne demande
pas le même type de récupération selon
l'âge et selon les personnes.
Chez les moins de 4 ans
La sieste est pratiquement physiologique. Une tranche
de sommeil est un complément pratiquement indispensable au
sommeil de nuit. Chez le tout-petit, le sommeil est polyphasique (il se
répartit en plages tout au long des 24 heures). Entre 1 et 4
mois, la périodicité jour/nuit se met en place.
Les périodes de sieste dans la journée sont
encore de trois a quatre vers 6 mois. A 12 mois, l'enfant a encore deux
siestes. En général vers 18 mois, ne subsiste
qu'une sieste l'après-midi. Ce besoin de sieste, chez la
plupart des enfants continue à être
réel jusqu'à 4 ans.
L' organisation des locaux et du temps de sommeil est
à prévoir pour tous les enfants de cet
âge aussitôt après le repas, et il
faudrait que la sieste ne se poursuive pas trop tard dans
l'après-midi.
- En collectivité, l'idéal
serait qu'il y ait deux locaux de sieste : un pour ceux qui mangent au
restaurant scolaire, et un autre pour ceux qui ayant mangé
à la maison, mais n'ayant pas pu faire la sieste puissent
avoir la possibilité d'un petit temps de repos.
- Des études de Hubert Montagner ont
montré que pour les 3-4 ans, la durée de la
sieste varie de 4-5 minutes à 130 minutes environ !
- L'idéal serait pour les enfants de se
réveiller presque spontanément, grâce
à des bruits ambiants non agressifs qui leur permettent de
sortir du sommeil lorsqu'il redevient léger. Quelques
enfants de cet âge n'ont plus besoin de dormir : ils sont
rares, mais il faut respecter leur différence !
Chez les 4-6 ans
- Certains ont conservé le besoin
physiologique de la sieste, d'autres n'ont plus besoin ni envie de
dormir. Ils ont cependant besoin de récupérer.
Leur proposer avec insistance et conviction de se reposer. Mais ne pas
les forcer - certaines difficultés du sommeil chez l'adulte
peuvent avoir leurs racines dans un mauvais vécu du sommeil
imposé avec contrainte dans l'enfance. Des exercices de
relaxation adaptés à leur âge sont
souvent très efficaces.
Chez les 6-12 ans
- La récupération de la fatigue
chez ces enfants ne passe pas forcément par une demande de
sommeil ou de repos, mais plutôt par un besoin de mouvements
libres. Chez l'enfant d'âge scolaire, les travaux et les
observations faites en chronopsychologie et en chronobiologie donnent
des conclusions convergentes "le début de
l'après-midi se caractérise par un pourcentage
élevé d'enfants somnolents ou en tout cas ayant
un faible niveau de vigilance".
- "Le niveau des performances chute au
début de l'après-midi et augmentent ensuite pour
atteindre des valeurs relativement élevées vers
15-16 heures"
- Après le repas et jusque vers 14
heures-14 heures 30, il serait bon de les laisser libres de
créer en toute liberté dans des ateliers par
exemple, ou de leur permettre de se "défouler" par des jeux
de plein air.
Chez les adolescents
- Les caractéristiques du sommeil se modifient
peu, de même que les besoins réels de sommeil
qu'ils manifestent quand ils peuvent dormir sans contrainte.
- Mais apparaît une tendance significative
à la somnolence diurne, mise en évidence par des
tests de latences multiples d'endormissement (TLME) et par leurs
témoignages.
- Il est vrai qu'ils accumulent les risques d'un
mauvais endormissement : excitation intellectuelle,
anxiété propre à leur état
d'adolescent, sédentarité dans la
journée, refus de l'heure du coucher imposée. Ils
sont le plus souvent en dette de sommeil une enquête chez des
lycéens de l'académie de Lyon a montré
que la différence entre les durées de sommeil en
période scolaire et en vacances est supérieure a
trois heures pour 24 % d'entre eux .
Chez les personnes âgées
Les siestes sont plus fréquentes chez les
personnes âgées, surtout chez les hommes. La
réapparition du phénomène de sieste
chez les personnes âgées correspond à
la grande facilité que celles-ci ont à s'endormir
le jour.
Grâce à des tests
itératifs d'endormissement, Carskadon et coll. ont
trouvé que la moitié des personnes
âgées de 60 ans à plus de 80 ans
s'endorment en moins de 10 minutes contre un quart seulement des
personnes âgées d'une vingtaine
d'années.
Par ailleurs, des réveils nocturnes parfois
nombreux liés à des altérations
progressives des régulations physiologiques et parfois aussi
à une pathologie de type "syndrome des apnées du
sommeil" ou "mouvements périodiques des jambes",
créent une dette de sommeil.
- Cette dette sera
récupérée dans la journée,
et la somnolence diurne chez la personne âgée
risque de se traduire par plusieurs siestes dans la journée,
d'autant plus si elle est alitée ou peu active en raison de
handicaps mentaux, moteurs et sensoriels.
Certains comportements peuvent
améliorer la qualité de la nuit et de la vie :
— se lever
à heure fixe, même si la nuit n'a pas
été "bonne";
— se coucher tard,
pour éviter de finir son temps de sommeil au milieu de la
nuit ;
— lutter contre la
somnolence de jour, ne se permettre qu'une sieste dans la
journée, pas
plus ;
— conserver ses
activités sociales, mentales et physiques permet d'accentuer
le contraste jour/nuit c'est une bonne prévention des
insomnies et des périodes de somnolence diurne. »
septembre 1994
Dr Lucien Mias
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