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Un supplément d'âme 

pour les soins infirmiers images/logoPdf8k.jpg2 pages

Janine Robert-Lacaze

 in L'INTERdit n° 4, 04/06/84 - AMIEC, 162 avenue Lacassagne, 69003 Lyon (association des Amis de l'École Internationaled'Enseignement Infirmier Supérieur de Lyon).

«.../... Le XIX° et le XX° siècle ont aspiré la pratique des soins infirmiers dans une perspective uniquement scientifique. Nous constatons aujourd'hui dans la médecine contemporaine les limites et les risques de ce point de vue lorsqu'il est exclusif. Il ne s'agit pas de faire le procès de la médecine établie. Il s'agit de sortir de l'incohérence dans laquelle vivent les infirmières et pour cela observer et comprendre.

Observer que les actes de technologie médicale toujours plus poussée occupent l'essentiel du temps des infirmières jusqu'à se substituer totalement aux soins infirmiers. Comprendre que ces actes toujours plus nombreux découlent d'un processus scientifique qui a cru pouvoir délibérément exclure la question des valeurs

L'attitude scientifique qui prévaut, consciemment ou pas, dans la perspective médicale contemporaine est celle qui d'abord prétend pouvoir exister en dehors du registre des valeurs et qui ensuite exclut l'existence même des valeurs. Confusion entre démarche qui vise à saisir un aspect de la réalité et réalité elle même. 

Réduction dont le point ultime est atteint lorsqu'on peut déclarer que hors des données saisies par le raisonnement scientifique, il n'y a plus rien d'autre: « l'âme n'existe pas, je ne l'ai pas trouvée sous mon scalpel ».

De fait, le fondement de cette attitude domine nos réactions quotidiennes jusqu'à envahir complètement nos modes de penser et d'agir, y compris dans les domaines qui sont hors de son champ légitime : si la démarche scientifique garde tout son intérêt lorsqu'elle se reconnaît comme moyen, elle ne doit pas prétendre envahir tout le champ de la connaissance de l'homme.

En ce sens, les soins infirmiers, mal définis comme discipline scientifique peuvent justement, et c'est là leur chance, s'établir sur des bases autres qui réintègrent, non à côté, mais comme racines constitutives, les questions sur le sens :

- Qu'est-ce que l'homme ?
- Quel est le sens de la vie ?
- Quelle est la signification de la maladie ?
- Pourquoi la souffrance et la mort ?
  L'approche scientifique ne peut prétendre répondre totalement à ces interrogations. Alors ne craignons pas d'introduire d'autres approches. Reconsidérons les apports possibles de notre subjectivité, de notre intuition, de notre saisie «poétique» de la réalité, oserai-je dire de notre saisie féminine ? Pourquoi ne pas prendre acte du caractère essentiellement féminin de notre métier.
La situation de soins n'est-elle pas d'abord rencontre de personne à personne avec pour chacune ses interrogations, ses réponses, son expérience de vie qui comporte ressources et blessures, réussites et échecs, son mystère aussi.

Les mécanismes qui entrent en jeu lorsque je suis malade débordent toute analyse que je peux en faire. La saisie « objective » de ceux-ci est limitée et doit se reconnaître comme telle. Par ailleurs, si la demande de celui qui vit une crise, dans la maladie notamment, est globale, totale, notre réponse est objectivement parcellaire et limitée.

Comprendre, avec une intelligence plus aiguë des situations et utiliser d'autres ressources que le seul raisonnement de type scientifique et logique, mais en même temps accepter la nature limitée de nos actions.

Pour cela développons d'autres façons de comprendre, développons des compétences et des attitudes plus adaptées à la rencontre positive de l'autre atteint ou démuni dans son projet de santé.

Modifions nos façons de penser, notamment en introduisant une vision holistique de l'être humain qui inclut ses dimensions physique, psycho-émotionnelle et spirituelle, en introduisant d'autres approches du sens de la maladie que la seule compréhension mécaniciste ou physio-pathologique, en développant une vision systémique du vivant.

Enrichissons en conséquence nos façons de faire par des contenus de soins et des techniques dites "douces" justement parce qu'elles tendent à respecter l'autre, à ne pas le violer, à lui restituer au contraire le sens de l'expérience qu'il vit. Partage. 

.../... »

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