Autonomie,
valeurs personnelles et groupe social
3
pages
Maisonneuve J., Psychologie
sociale, PUF, Paris, 1957
« .../...
Si nombreuses et si contraignantes que puissent être les influences collectives, elles laissent au sujet une marge d'initiative et de choix. La personne n'est pas un objet inerte, un robot qui obéit et subit sans réagir; il ne faut point conclure de l'existence de «déterminations» à un strict «déterminisme». Et d'ailleurs, pour mesurer le rôle exact des influences externes, il faudrait se placer à l'intérieur de l'individu sur lequel elles s'exercent.
La richesse et le pouvoir, par exemple, conduisent fréquemment ceux qui en sont pourvus à une attitude conservatrice, mais pas nécessairement. Ce qui importe c'est la façon dont l'individu vit et pense sa situation de fortune, ainsi que la façon dont les autres la lui représentent.
L'autonomie.
Comme l'avait déjà
remarqué Durkheim, la
multiplicité des groupements sociaux dont fait partie
l'homme contemporain, et la divergence éventuelle de leurs
normes et de leurs intérêts est un facteur
très important de cette « prise de conscience
» individuelle, et de «l'option». C'est
la confrontation d'échelles de valeurs diverses, parfois
opposées, qui crée l'incertitude critique et
conduit le sujet à choisir, cette fois, en fonction de ses
préférences profondes.
L'apparition de l'individualisme n'est possible
que là où le brassage social (notamment celui des
classes) permet au sujet de se prendre comme centre de
référence parmi les milieux variés
à travers lesquels il évolue.
Par l'assimilation des normes collectives, leur
comparaison, le choix qu'il effectue entre elles, l'individu se
constitue en personne et parvient à une relative autonomie :
il se donne consciemment des lois, des règles, une
hiérarchie de valeurs (non,
généralement, qu'il les crée, mais, en
ce sens, qu'il les fait siennes).
À ce niveau, au lieu de refléter
passivement les courants d'opinion, le sujet s'efforce de repenser les
problèmes en fonction de son expérience
personnelle. Quel que soit le régime politique.
L'autonomie mentale n'est pas, en effet, quelque
chose de "donné", ni de
facile, c'est le fruit d'une conquête, d'une tension
intérieure. Il se pourra le plus souvent, que l'individu
donne son accord aux valeurs établies, mais il ne subira
plus alors le prestige ou la routine des
stéréotypes, son adhésion impliquera
une attitude lucide.
Il serait d'ailleurs tout à fait faux de croire
qu'il suffise de penser à l'écart pour atteindre
à des opinions personnelles et cohérentes,
l'autonomie n'implique nullement l'isolement.
Les types
d'attitudes.
On conçoit donc que l'étude des
opinions et attitudes privées, pour être
fidèle à la singularité des choix en
face des situations, ne peut guère se présenter
que sous forme de monographies. C'est pourquoi plusieurs
psycho-sociologues américains font fréquemment
usage d'autobiographies.
Le propre du réfractaire, c'est de s'opposer aux opinions et aux valeurs communément admises. Il peut donc fort bien en période d'agitation, se faire partisan d'un ordre policier destiné à réprimer un ample soulèvement. Il oscille souvent entre des partis extrêmes, dans lesquels d'ailleurs il s'intègre mal. Certains enquêteurs ont tenté de dégager les traits constitutifs de l'atypique : il serait, en général, plus «introverti» moins ascendant, moins suggestible, moins intelligent que le conformiste ; issu de milieu modeste, souvent enfant unique ; bref son attitude serait lié à des facteurs bio-psycho-sociologiques.
Mais si certains facteurs innés paraissent conditionner partiellement les types précédents, ici, il s'agit avant tout d'un processus d'ajustement psychosocial, et, comme l'écrit Stoetzel, «d'un style de conduite adopté par l'individu pour résoudre, au mieux de ses ressources, les problèmes posés par les circonstances dans lesquelles le hasard de sa naissance et les vicissitudes de la vie l'ont placé ».
C'est arbitrairement, qu'à partir d'un certain degré de non-conformisme, on classera l'individu parmi les réfractaires ; atypicité et radicalisme ne sont, en fait, que les manifestations occasionnelles et partielles de l'unité profonde de la personne.
Si une personnalité implique certaines structures et s'exprime par certaines attitudes fondamentales, il faut les interpréter en fonction de toute son histoire : tenir compte simultanément des déterminations objectives, tant biologiques (sexe, âge, santé) que sociologiques (milieu culturel, niveau économique, habitat, champ et statut social propre) et du style d'adaptation psychosociale.