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Qualité de la vie et éthique du soin
  images/logoPdf8k.jpg 2 pages,

Bacqué M-F., Le deuil à vivre, Odile Jacob, Paris, 1996
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« La qualité de vie, sous l'angle individuel, c'est ce qu'on se souhaite au nouvel an : non pas la simple survie, mais ce qui fait la vie bonne santé, amour, succès, confort, jouissances bref, le bonheur... » Cette définition d'Anne Fagot-Largeault (1991) est à l'image de l'évolution des sociétés occidentales.
Si la majorité des populations d'Europe et d'Amérique ont dépassé le problème de la faim, de nouveaux besoins passent au premier plan.
Retrouvons les unités de soins palliatifs.
Las de permettre à des mourants de prolonger une vie marquée essentiellement par des douleurs, les médecins ont tenté d'améliorer le confort physique et moral de leurs patients. Le confort physique a été immédiatement augmenté par l'utilisation de médicaments antalgiques permettant la limitation, voire l'éradication de douleurs insupportables. Or, au-delà de la disparition des plaintes douloureuses des patients, d'autres difficultés persistaient. C'est ainsi que d'autres aspects de la vie ont été considérés comme aussi importants que celui du soulagement des douleurs. Le domaine des aptitudes fonctionnelles, celui de l'économie, du monde relationnel, enfin celui des besoins spirituels du sujet ont été pris en compte même pour une fin de vie.
Très vite, il apparaît que la qualité de vie n'est pas seulement composée de données « dures », c'est-à-dire mesurables par un observateur extérieur.
En fait, la qualité de vie résulte d'un ensemble d'appréciations objectives (le nombre de journées passées au lit, le revenu alloué par la Sécurité sociale pendant la maladie) et de données subjectives (l'impact de la maladie sur l'entourage perçu par le malade, son besoin d'épanouissement personnel, ses attentes concernant son traitement). Seul le sujet peut estimer sa qualité de vie. Il n'y a aucun étalonnage possible en la matière, aucune norme, aucune standardisation.

L'Organisation mondiale de la santé, qui met en place un Observatoire planétaire des troubles physiques et mentaux, se penche alors sur la question.

Les possibilités de soins de la majorité des populations en voie de développement sont plus que précaires et les soins palliatifs correspondent sur place au sens littéral de l'expression : on ne peut que pallier à défaut de guérir toutes les maladies graves. Dans la plupart des cas, on constate une réelle impuissance thérapeutique due à des raisons économiques mais aussi culturelles. L'allopathie occidentale ne peut en effet prendre abruptement la place de la médecine traditionnelle. La priorité doit donc être réservée à la prévention qui passe elle-même par l'optimisation des conditions matérielles de la vie.

L'OMS (1993) tente de donner une définition mondiale de la qualité de vie :

« C'est la perception qu'a un individu de sa place dans l'existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. C'est un concept très large influencé de manière complexe par la santé physique du sujet son état psychologique, son niveau d'indépendance, ses relations sociales ainsi que sa relation aux éléments essentiels de son environnement. »

De « la bonne santé à tout prix », on est passé à une relativisation de l'état physique, mental et social des individus. La sagesse semble toucher la médecine moderne.

La qualité de vie concerne tout un chacun. La qualité de vie d'un tétraplégique ou d'un aveugle est-elle comparable à celle d'une femme enceinte allongée pendant les cinq derniers mois de sa grossesse ?

Chaque maladie présente ses caractéristiques et donc ses conséquences sur la qualité de vie du patient qui en est atteint.

La notion de subjectivité prend toute sa valeur quand on s'interroge sur l'autonomie.

Sans autonomie impossible d'aller travailler, d'établir des relations stables avec quelqu'un, de se projeter dans l'avenir. Toute personne bien portante pourrait penser que ]a liberté d'action est une donnée positive et indispensable de la vie. C'est oublier l'ambiguïté de certaines maladies mentales et de la démence. Un trouble mental peut induire de telles difficultés que seule la dépendance à autrui engendre le sentiment de sécurité interne nécessaire au bien-être social. Ainsi, si l'autonomie n'est pas obligatoirement désirable pour certains malades, elle doit faire l'objet d'une question au sein de l'analyse de la qualité de vie générale.

Qualité de vie et éthique du soin

La qualité de vie opère un passage de la morale déontologique à la vision téléologique de la médecine. La tradition déontologique a pour principe de sauvegarder la vie à tout prix, c'est-à-dire de ne jamais négocier le soin par rapport à des circonstances matérielles ou même morales.

Dans la tradition téléologique dérivée de la théorie d'Aristote du « Souverain Bien », l'objectif posé consiste à rechercher le « meilleur état des choses ». Cet argument doit évidemment être soigneusement mesuré : qui a le pouvoir d'énoncer les critères de ce qui est le meilleur pour tous ? Les règles de la démocratie doivent être strictes, car ce qui est meilleur pour la collectivité ne l'est pas forcément pour un individu donné.

La qualité de vie jugée par chacun comme bonne pour lui pourrait constituer l'arbitrage entre ces deux morales. Les questions de survie et de moyens mis en oeuvre à cet effet suivraient alors l'avis du malade.

La famille qui entoure un mourant participe à la décision thérapeutique après le malade. Si celui-ci n'est plus conscient, leur avis doit être discuté avec l'équipe soignante. Meilleure sera la qualité de vie du patient en phase terminale, plus aisé sera le deuil de ses proches lors du décès.

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