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L'accompagnement bénévole au soir de la vie  images/logoPdf8k.jpg10 pages

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L'accompagnement naturel

Tous les proches, des enfants aux aînés, peuvent être accompagnants. Chacun apporte sa contribution selon son âge, sa place dans la famille, sa personnalité et ses possibilités, avec sa perception, sa compréhension, ses compétences, sa sensibilité, son authenticité et ses liens d'attachement.
Le malade apprécie les qualités et l'apport de chaque membre de la famille comme il le faisait auparavant : le caractère enjoué de l'un et le sérieux de l'autre, la candeur de l'enfant et la tendresse du conjoint, l'aide pratique et les soins comme les échanges affectifs ou sociaux. Le soutien et le réconfort, l'amour et l'affection ne se mesurent pas.
L'important est que chaque accompagnant se sente à l'aise dans ce qu'il fait, en utilisant au mieux ses ressources et en reconnaissant ses limites. Se relayer, compter sur les autres et leur faire confiance ne peuvent qu'alléger le fardeau de tous, en permettant à chacun de respecter ses propres besoins.

Une communication ouverte, l'échange des émotions et le soutien mutuel contribuent aussi à mieux comprendre le cheminement du malade tout en renforçant les liens entre les membres de la famille.

Le bénévolat

Dans un contexte de fin de vie, la contribution du bénévolat est un ajout, un complément, un apport auxiliaire offert dans un esprit d'entraide et de soutien, mais il ne remplace pas l'accompagnement naturel ou, encore moins, l'accompagnement professionnel.
Il vise plutôt à épauler les proches et les soignants dans leur action commune. 
Dans certaines conditions de stress, de fatigue émotive et physique ou encore quand les proches ne peuvent pas être toujours auprès de leur malade, la présence d'un bénévole constitue une forme de relève temporaire, mais jamais un remplacement total, sauf peut-être dans les cas d'extrême isolement. Ce genre de bénévolat présente d'emblée plusieurs écueils ; s'il est naturellement empreint de don de soi, de solidarité et d'ouverture à l'humain, en un mot d'altruisme, il exclut l'attitude apitoyée ou condescendante.
En clair, l'altruisme ne signifie pas don compulsif. Certains pièges sont donc à éviter tels que le sentiment d'être indispensable, la tendance à se substituer aux autres, la certitude de posséder les réponses, le sentiment de supériorité ou l'impression d'exercer un « pouvoir » sur les êtres en besoin.
Enfin, l'insidieuse tendance à imposer ses points de vue, ses croyances ou ses perceptions constitue un autre obstacle. L'accompagnement bénévole comporte de nombreux attributs d'ordre professionnel, mais il est exercé, la plupart du temps, par des non-professionnels.
Cet énoncé, a priori contradictoire, ne fait que souligner le sérieux de cet engagement particulier. Précisons avant de poursuivre que nous nous rapportons à notre expérience et à notre façon de faire ; toutefois l'accompagnement bénévole est forcément coloré, orienté et exercé différemment selon les lieux, les personnes et les circonstances, que ce soit à domicile ou en institution.
Les motivations et les attentes des bénévoles.
On trouve chez les bénévoles qui oeuvrent auprès des personnes en fin de vie l'intense désir d'aider, de rendre service gratuitement, d'offrir leur soutien et leur solidarité de façon désintéressée. Pratiquement tous, cependant, reconnaissent que le don de soi n'est pas absolument gratuit et que l'accompagnement est un lieu d'échange dans lequel ils reçoivent souvent plus qu'ils ne donnent. Il paraît certain que la pratique grandissante du bénévolat tend à pallier, entre autres, une certaine désaffection des milieux communautaires traditionnels dans lesquels la convivialité tenait lieu d'accompagnement à chaque moment important de l'existence.
De nos jours, dans le travail et la vie en général, on accorde tant d'importance à la performance et à la poursuite effrénée d'objectifs divers que le côté humain est souvent oublié. De nombreux bénévoles déclarent rechercher la dimension humaine dans leur engagement. En ce sens, cette redécouverte de cette part d'humanisme et de générosité, si souvent absente ou diluée dans la vie courante, ne constitue pas un moyen de combler des vides affectifs ou sociaux, mais bien un ressourcement et une façon de satisfaire des besoins essentiels.
Certains bénévoles affirment vouloir redonner ce qu'ils ont reçu en d'autres lieux et au cours d'autres événements difficiles, similaires ou non, ou encore apporter à autrui le soutien qu'ils n'ont pas reçu eux-mêmes. En ce sens, il s'agit d'un sain mécanisme de redistribution ou de rattrapage, mais il comporte néanmoins un risque s'il est fortement provoqué par un désir conscient ou non de réparation, de rachat ou de pardon.
L'accompagnement des mourants va aussi de pair avec un questionnement plus ou moins profond sur le sens de la vie, de la mort et de la souffrance.Il peut y avoir toutefois danger de voyeurisme si l'accompagnant centre son attention seulement ou principalement sur les réponses ou les questionnements. Afin d'exercer un accompagnement adéquat et d'éviter l'usure émotive, il est indispensable que les bénévoles aient des attentes réalistes face à leur engagement. « Qu'est-ce que je cherche ? Qu'est-ce que j'y donne ou en retire ? Pourquoi et comment ? Quelle sera mon attitude par rapport à la douleur physique et morale, au désespoir, à la mutilation ? Suis-je capable de travailler en équipe ? Quelles sont mes limites ? »
Autant de questions qui se posent dès le départ ou qui peuvent surgir en cours d'accompagnement.
L'accompagnement est une assistance complémentaire librement consentie, un acte de générosité et non une tâche ou une charge ; les bénévoles exercent avant tout une fonction de présence et de soutien. Nul ne peut donc exiger d'eux un travail au-dessus de leur disponibilité et de leurs moyens. Particulièrement dans un contexte de fin de vie, il est normal que les bénévoles ressentent des moments de fatigue, d'incertitude, d'impuissance et d'efficacité diminuée.
Il est tout aussi normal que leurs besoins, leurs attentes et leurs limites se modifient avec le temps sans pour autant altérer la qualité de leur accompagnement.
La sélection des bénévoles
Dans ce type d'accompagnement, une sélection rigoureuse des bénévoles nous apparaît absolument nécessaire pour deux raisons majeures : l'une d'ordre éthique et l'autre d'ordre fonctionnel.
Sur le plan éthique, il faut toujours garder à l'esprit la toute première ligne de conduite en importance, à savoir le respect des malades et des familles. La fin de la vie appartient à chaque individu ; au-delà des grands principes et théories de base, au-delà des contraintes de toute intervention, chaque patient et chaque famille sont uniques et ont leurs réactions et cheminements propres. Il nous apparaît capital que les accompagnants bénévoles soient imprégnés de cette règle fondamentale.
La deuxième raison a trait au fonctionnement de l'équipe multidisciplinaire. Pour qu'il y ait cohérence au sein d'une équipe, tous ses membres doivent travailler dans une démarche commune, poursuivre des objectifs communs ; la sélection et la formation visent à établir clairement les assises de notre credo et à assurer la cohésion de l'équipe. 
Comme dans toute forme d'embauche, il semble normal d'évaluer les postulants et de s'assurer qu'ils possèdent les dispositions requises. De plus les entrevues de sélection aident parfois certains candidats à se rendre compte que ce type d'accompagnement ne leur convient pas et que d'autres activités de bénévolat correspondent davantage à leur personnalité et à leurs attentes ; il est alors souhaitable de les diriger vers d'autres secteurs.
Les critères de sélection
La coordonnatrice effectue les entrevues de sélection qui consistent généralement en un entretien de deux ou trois heures avec chaque candidat.
Cet entretien permet non seulement d'identifier les critères requis, mais aussi de bien cerner la philosophie fondamentale et de poser les bases de l'encadrement et des relations confraternelles qui se poursuivront dans l'avenir.
L'une des dispositions de base les plus recherchées et valorisées s'avère aussi la plus difficile à décrire en un seul mot. Il s'agit d'une forme d'«appréhension», constituée de questionnement, de réceptivité et de non-certitude face au travail qui sera demandé.
Il est souhaitable de retrouver beaucoup de souplesse, une grande ouverture d'esprit, ce qui exclut les gens directifs qui n'ont que des certitudes ou la conviction que leurs valeurs sont les vraies et les seules.
L'écoute attentive et non directive relève presque obligatoirement de cette forme "d'appréhension".
La discrétion et la confidentialité constituent également des préalables absolument indispensables.
La délicatesse, le discernement, le tact, la modération comptent parmi les qualités recherchées décrites souvent par l'expression familière « y aller sur la pointe des pieds ».
En ce qui concerne la confidentialité, les bénévoles sont astreints au secret professionnel au même titre que tout intervenant dans le domaine de la santé. 
Aucune information de quelque nature que ce soit, obtenue aussi bien des patients, des familles que du personnel soignant, ne doit être échangée avec qui que ce soit et en aucune circonstance en dehors (domicile ou service). Il s'agit tout simplement de confiance et elle ne doit jamais être trahie. Cette attitude fondamentale peut et doit être maîtrisée dès l'instant où l'on entre en contact avec les patients et les familles.
Une autre forme de discrétion doit être soulignée, dans la façon d'être et d'agir des bénévoles : la capacité d'accepter l'autre tel qu'il est, de ne pas porter de jugements, ou en tout cas, de ne pas les laisser transparaître ; la faculté, dirions-nous, de mettre de côté momentanément ses opinions, ses croyances et ses convictions. Sortir de soi en sortant de chez soi.
Sans chercher à surprotéger les malades, nous ne saurions trop insister sur le fait que les patients en fin de vie et leurs familles peuvent être vulnérables et facilement soumis aux influences « salvatrices » de toutes sortes, et nous croyons que la dernière étape de la vie n'est ni le lieu ni l'occasion de les imposer.
L'accompagnement se démarque de toute forme d'intervention, de thérapie ou de conversion puisqu'il ne vise pas à un changement en soi. Tout acte posé de quelque nature que ce soit doit être imprégné de cette règle.
Autre condition préalable à l'accompagnement en fin de vie : une bonne connaissance et maîtrise de soi ce qui n'exclut pas, bien au contraire, le questionnement.
La maturité, l'équilibre affectif et le contrôle de l'émotivité sont des qualités essentielles dans toute relation d'aide, d'une part, afin d'éviter de projeter sur autrui des sentiments ressentis en situation difficile (particulièrement face à la mort) et, d'autre part, afin de se protéger soi-même de l'usure émotive et de l'anxiété.
Pour exercer ce genre de bénévolat, le bagage émotif et cognitif doit être suffisamment élaboré, l'expérience de vie assez étendue et approfondie.
Par conséquent, les adolescents et certains jeunes adultes se trouveraient constamment confrontés à leur manque de références et à leur vulnérabilité, en plus d'avoir à faire face à des deuils répétés. Comme cela pourrait les ébranler émotivement, il est préférable que les bénévoles aient au moins vingt-trois ou vingt-quatre ans.
La capacité de travailler en équipe, incluant bénévoles et professionnels, constitue une autre des qualités requises.
Cela demande une certaine forme d'humilité et la capacité de faire confiance aux autres. Dans une équipe cohérente et fonctionnelle, chacun ne doit pas dépasser ses limites et doit déléguer des tâches, si nécessaire, sans pour autant se sentir inefficace ou brimé. Chacun apporte sa contribution, reprenant là où l'autre la laissé.
Il est normal aussi d'éprouver à l'occasion la nécessité de se retirer et de demander d'être dégagé temporairement, à cause de limites particulières, d'un besoin de repos physique ou émotif, d'exigences familiales ou d'autres engagements. L'accompagnement bénévole ne doit pas être une contrainte ou une obligation.
Une autre disposition importante réside dans ce qu'on pourrait appeler l'intelligence du moment.
Les bénévoles se trouvent en effet très souvent seuls avec un malade ou une famille dans des moments d'échange personnalisé. Dans ces situations, ils doivent pouvoir compter sur leurs ressources intérieures et faire preuve de doigté et de jugement afin de manoeuvrer sûrement, sans créer de heurts. L'authenticité, la sensibilité et l'intuition peuvent aussi leur servir de guide.
Le fait de n'avoir pas vécu le deuil d'un proche durant les deux années qui précèdent et de ne pas avoir de cancer ou toute autre maladie sévère comptent aussi parmi les critères essentiels pour le choix des candidats. En présence de ces éléments, on verrait à notre avis s'accentuer des risques de transfert, d'identification et de projection qui ne pourraient que nuire aux malades, aux familles et même aux accompagnants.
À ces critères de base peuvent s'ajouter d'autres considérations ou circonstances qui méritent une attention particulière.
L'individualité des bénévoles
L'esprit de l'équipe est aussi coloré par la diversité des personnalités qui la composent. À la base, bien sûr, il y a une forme d'homogénéité chez les bénévoles recrutés, à cause des qualités essentielles à leur engagement. Néanmoins, chacun, sélectionné et formé, conserve sa personnalité et son authenticité À partir de critères de base.
Il ne s'agit pas de réunir des copies semblables d'un quelconque prototype ; c'est, de toute façon, impossible. Au contraire, la diversité des personnalités, une diversité appuyée sur la cohésion, contribue à la richesse de l'équipe.
La flexibilité des bénévoles et la variété de leurs tâches représentent des traits dominants de l'accompagnement.
Dans ce contexte, chacun peut individualiser son travail en y apportant une touche personnelle, que ce soit auprès des malades, des familles ou des soignants. Certains bénévoles se sentent plus à l'aise en apportant une aide pratique - coiffure, manucure, massage - tandis que d'autres privilégient l'écoute. L'individualité des bénévoles est importante dans les rapports avec les malades et les familles. En effet, l'Unité est un reflet de la société puisque les patients y sont admis sans distinction d'âge (dix-huit ans et plus), de milieu, de culture, de religion ou de race. 
Aussi l'équipe de bénévoles se veut-elle à l'image de cette société.
Néanmoins, au-delà des affinités, des préférences ou des dispositions naturelles, au-delà des modes d'approches inhérents à la personnalité de chacun, les attitudes et les gestes se fondent sur une philosophie commune et s'exercent dans une action cohérente, suivie et structurée.
Quelques caractéristiques
Si l'on considère l'ensemble des bénévoles qui travaillent au sein de l'équipe, il est difficile de tracer un profil sociologique et psychologique, à part le fait qu'environ quatre-vingts pour cent d'entre eux n'avaient jamais fait de bénévolat auparavant.
Ce sont des femmes et des hommes de tous âges, de milieux différents et exerçant des activités et des métiers variés.
Leur statut social ou leurs diplômes importent peu puisqu'ils sont choisis en vertu de leurs qualités humaines et non de leur titre ou profession.
Les acquis professionnels, spécialisés ou non, s'ils ne nuisent pas, ne déterminent d'aucune façon le choix des bénévoles. Au contraire, on leur demande plutôt de mettre leur savoir en sourdine au profit de leur présence. Pour certains, ce n'est pas facile (en particulier pour les intervenants du milieu de la santé, du service social ou de la psychologie) mais, en général, cela ne présente pas de grandes difficultés. 
On ne vient pas à l'Unité pour exercer une profession, mais pour travailler d'individu à individu, d'une main tendue à une main tendue.
On ne dénote pas non plus chez les bénévoles de points communs significatifs relativement à des expériences spéciales.
On ne leur demande pas d'avoir déjà accompagné des malades ou des mourants, ni d'avoir vécu personnellement des deuils.
Quant au point de vue religieux, l'éventail des valeurs et des croyances est aussi très large et ne constitue pas non plus un facteur déterminant pour l'accompagnement ; nul n'est tenu de modifier sa foi ou de la simuler. Sensibles aux dimensions spirituelles de l'existence, les bénévoles partagent surtout l'authenticité et le respect des autres.
L'être et l'agir des bénévoles
La façon d'être des bénévoles
De tous les rôles assumés par les membres de l'équipe, celui de bénévole est le moins bien défini et comporte inévitablement une part d'improvisation. Les changements nombreux et souvent inattendus dans le cheminement des patients et de leurs familles sont parfois éprouvants et déroutants, et s'y adapter demande une grande souplesse. On retrouve, bien sûr, dans l'accompagnement bénévole les mêmes éléments essentiels que dans l'accompagnement naturel : la présence, l'écoute et le silence, à cette différence que les bénévoles ont reçu la formation nécessaire pour les mettre en pratique.
Dans les gestes comme dans les attitudes, les qualités de présence se manifestent par une façon d'être plutôt que d'agir, et l'une d'elles consiste à se mettre à l'écoute des besoins du moment.
Pour faciliter l'écoute, il convient de se modeler sur les attitudes de l'interlocuteur ou de les refléter (par exemple, s'asseoir si la personne est assise, adopter un ton ou un rythme semblables, ou encore, dans certains cas, le même genre d'expressions physiques ou de langage).
Le reflet et la clarification constituent aussi des outils très utiles qui permettent d' aller chercher ce qui est sous-jacent ou fondamental, au-delà de ce qui est exprimé : le coeur même de la personne.
Considéré positivement, le silence évoque avec éloquence plusieurs réalités: souvent le simple fait qu'il n'y a rien à dire, que la parole est inutile ou qu'aucun mot ne peut traduire les sentiments, qu'aucune réponse ou conclusion ne peut être donnée. C'est aussi une façon de prendre ses distances, un temps de réflexion qui permet de trouver la réponse appropriée, ou un temps de repos dans l'échange verbal. Le silence peut signifier également une volonté, une tentative délibérée de faire cesser l'agitation, ou encore le besoin de laisser la place au regard ou au toucher.
L'accompagnement le plus approprié consiste parfois à rester tout simplement silencieux auprès d'une personne qui manifeste le besoin d'une présence, à respecter son désir de calme. Auprès des mourants, le silence prend une dimension, une intensité particulière au moment de l'ultime détachement. Parce qu'ils n'ont pas le même degré d'engagement émotif, les bénévoles, tout en étant touchés à l'instar des autres membres de l'équipe, peuvent aider à détendre l'atmosphère.
Dans le quotidien, la présence des bénévoles se manifeste concrètement de maintes façons auprès des malades, des familles et des soignants.

La façon d'être auprès des malades

Afin de mieux définir la nature du bénévolat, il convient d'abord de se pencher attentivement sur le malade et sur la période difficile qu'il traverse. L'être humain, arrivé à la phase terminale de sa vie, voit sa capacité et son besoin d'activités grandement diminués.
Lire, écouter de la musique ou regarder la télévision lui demandent une énergie, un effort de concentration, un intérêt que, souvent, il n a plus. Ce qu'il souhaite au plus haut point, c'est de vivre les jours qui lui restent dans les meilleures conditions possibles.
En plus du contrôle de la douleur et des soins appropriés, cette «qualité de vie» est reliée à mille et un petits riens pourtant inestimables pour la personne en perte d'autonomie.
Des besoins que l'on jugerait superficiels en toute autre circonstance, prennent soudain valeur d'absolu :
- Une réponse prompte à un appel, un verre d'eau fraîche, une couverture douce et chaude ou une présence réconfortante.
- Tenir la main, offrir le bras dans les déplacements.
- Aider un patient à s'alimenter.
- Prier avec lui ou l'accompagner à un office religieux.
- Écouter un malade raconter les moments heureux de sa vie et le laisser pleurer doucement.
- Partager des instants de loisir, de détente.
- Tendre une oreille attentive à l'expression de ses craintes et de ses peurs.
- Demeurer silencieux auprès d'un malade anxieux qui ne veut pas s'endormir de crainte de ne pas se réveiller.
- Veiller un patient semi-conscient ou inconscient qui n'a personne à ses côtés. Tous ces gestes imprégnés de tendresse sont offerts spontanément et ne doivent pas être imposés.
La façon d'être auprès des familles
Les familles souvent vivent à l'Unité jour et nuit. Un des premiers rôles des bénévoles consiste à accueillir les familles et les malades à l'Unité. 
Faire visiter les lieux, expliquer leur rôle et offrir leur disponibilité, voilà autant de façons d'aider le malade et ses proches à se familiariser avec ce nouveau lieu de séjour et d'adoucir le choc de la transition.

Après l'accueil, l'accompagnement se poursuit et s'adapte aux besoins du moment, des besoins aussi variés que peuvent l'être les personnes et les situations.

L'anxiété, la fatigue, l'épuisement de leur entourage sont souvent ressentis par les malades ; c'est pourquoi l'une des formes d'accompagnement consiste à épauler les proches.
La présence d'un tiers se révèle souvent rassurante. Aussi, les bénévoles sont parfois appelés à réconforter un père, une mère, une épouse, un frère ou une amie en détresse, à l'écouter exprimer sa tristesse ou sa colère.
À la demande de la famille, la présence d'un bénévole auprès du malade aide souvent à diminuer la tension et l'anxiété. L'accompagnant peut aussi, par exemple, distraire un jeune enfant venu rendre visite à sa mère ou à son père, ce qui permet aux parents de retrouver un peu d'intimité et de prendre quelques instants de repos.

À l'occasion, les bénévoles servent d'intermédiaires entre les familles et les professionnels. Si la famille en exprime le désir, les bénévoles demeurent présents au moment du décès.

Certains proches se sentent rassurés par la présence d'un membre de l'équipe, médecin, infirmière, aumônier ou bénévole, tandis que d'autres préfèrent vivre ce moment dans l'intimité.
Comme derniers gestes de présence, les bénévoles peuvent répondre aux questions des proches sur les démarches à suivre après le décès et les accompagner jusqu'au moment de leur départ de l'hôpital.

La façon d'être des bénévoles auprès des soignants

Comment s'exerce la présence des bénévoles auprès du personnel ? Soulignons d'abord que les bénévoles ne posent pas d'actes reliés aux soins infirmiers et ne donnent jamais d'avis sur l'état de santé du malade ou sur sa médication. Cette règle s'applique à tous les bénévoles, même s'ils sont infirmiers ou membres du milieu hospitalier.

Alors, comment peuvent-ils venir en aide au personnel ? Rester auprès d'un patient anxieux qui appelle constamment, en assister un autre qui est agité ou confus, veiller sur un malade qui est en difficulté respiratoire, voilà autant de moyens d'alléger la tâche de l'infirmière et de lui permettre d'être auprès d'autres patients qui ont besoin d'elle.

Passer quelque temps avec une famille qui vit difficilement la séparation imminente s'avère aussi une bonne façon de soutenir le personnel soignant.

Les échanges spontanés à propos des joies, des peines, des difficultés vécues, en équipe ou individuellement, constituent également une forme de soutien réciproque entre soignants et bénévoles.

La formation des bénévoles

Parce que les bénévoles sont appelés à travailler en milieu hospitalier, d'une part, et en équipe pluridisciplinaire, d'autre part, il importe de leur offrir une formation adaptée.

Les bénévoles sélectionnés doivent recevoir un cours théorique (six heures) donné par la coordonnatrice.

Ce cours aborde les principes de base de l'accompagnement en fin de vie ainsi que les particularités d'ordre fonctionnel et relationnel, de façon que l'engagement des bénévoles soit fondé dès le départ sur le projet de soins déjà établi par l'équipe en place.

Les bénévoles poursuivent ensuite une formation pratique d'environ soixante heures sous la supervision d'un pair expérimenté. Ce dernier offre au débutant l'encadrement nécessaire et lui permet ainsi de manifester ses aptitudes et d'acquérir un savoir-faire dans un climat de sécurité émotive, sans pour autant être exposé à faire face seul et trop rapidement aux situations difficiles.

Bien entendu, la formatrice ou le formateur n'initie pas le nouveau bénévole qu'aux attitudes appropriées ; elle ou il lui apprend également les mille et un gestes concrets qu'il sera appelé à faire, le renseigne sur les lieux et les choses, tous des aspects indispensables.

Dans le cadre de cet entraînement, les bénévoles sont aussi invités à participer à la réunion hebdomadaire de révision et de mise à jour, qui regroupe des représentants de diverses disciplines (médecins, infirmières, travailleuse sociale, psychiatre, diététicienne, musicothérapeute, aumônier, responsable de l'aide aux personnes en deuil et bénévoles). Cette réunion, habituellement supervisée par le psychiatre consultant, sert en premier lieu à évaluer et à ajuster les interventions médicales, infirmières et psychosociales.

Elle offre aux membres de l'équipe le soutien nécessaire et assure la diffusion d'une information d'autant plus intéressante qu'elle est multidisciplinaire, permettant ainsi de poser des actes plus éclairés et mieux adaptés aux besoins de chaque patient et de chaque famille.

Cette rencontre est également le moment de faire le point et de vérifier si tous les intervenants sont sur la même longueur d'onde, adoptent une démarche cohérente et restent fidèles à la philosophie commune. La réunion offre aussi aux participants l'occasion de faire part des difficultés, des tensions parfois ressenties dans leurs rapports avec les patients ou leurs familles et d'éviter ainsi l'accumulation de frustrations et d'incompréhensions susceptibles de perturber leur travail. Cet échange permet aux membres du personnel et aux bénévoles de prendre conscience qu'ils ne sont pas les seuls à éprouver ces difficultés. Bien sûr, le fait d'exprimer tout cela aide à diminuer les tensions.

La dernière étape de cette réunion est consacrée aux décès récents et donne lieu à l'échange des émotions suscitées par la perte de personnes auxquelles des membres de l'équipe s'étaient attachés. L'accompagnement bénévole fait appel à des connaissances reliées à divers domaines. Selon les circonstances, ces références sont utiles à l'accompagnant pour évaluer les besoins immédiats ; elles lui apportent une meilleure compréhension de la situation et une assurance quant aux actes à poser. Certaines informations sont particulièrement importantes sur le plan de la cohésion et du fonctionnement de l'équipe. En outre, elles expliquent le rôle, le travail et l'orientation des accompagnants ; renseignent sur la nature et l'évolution de certains projets ; mettent à jour et complètent des données relatives au travail quotidien ; enseignent ou rappellent les préceptes de base.

Un comité de formation continue constitué de bénévoles et de leur coordonnatrice a été créé dans le but de poursuivre cet enseignement.

Tous les deux mois, des rencontres avec des professionnels offrent aux bénévoles l'occasion d'échanger sur divers sujets reliés à leur travail (l'écoute, la musicothérapie, la confusion des malades, l'intervention psychosociale, la spiritualité, entre autres).

La bibliothèque et le centre de documentation de l'Unité sont aussi à la disposition des bénévoles. Des articles, des parutions récentes et diverses informations reliées à l'accompagnement ou à des sujets connexes circulent régulièrement parmi les membres de l'équipe.

La participation aux congrès, colloques, conférences, exposés et ateliers sur divers aspects de l'accompagnement en fin de vie constitue de plus une source importante d'enseignement et de ressourcement. La formation continue s'exerce aussi en dehors des réunions, de façon informelle.

Dans le quotidien, les communications importantes, les informations essentielles sur les gestes à faire sont partagées et discutées avec les équipes médicale, soignante, psychosociale, pastorale et autres. Par définition, cet échange se fait dans les deux sens, c'est-à-dire que tous ces renseignements sont acheminés à l'équipe des bénévoles, soit les décisions reliées aux changements d'attitudes ou d'orientation, les raisons de ces virages, l'explication de ces comportements.

Enfin, les activités sociales et les rapports interpersonnels et amicaux, à l'Unité comme à l'extérieur, fournissent également l'occasion d'échanges multiples souvent reliés au travail et peuvent être considérés comme un élargissement de la formation continue. Ces activités permettent de cimenter, de resserrer les liens de l'équipe.

L'intégration des bénévoles dans l'équipe professionnelle

L'équipe des bénévoles est complémentaire et ne devrait en aucun cas priver le personnel soignant ou les familles de leur place respective auprès des malades. L'une de ses particularités vient de ce qu'elle est intégrée dans une équipe multidisciplinaire formée de médecins, psychiatre, infirmières, infirmières auxiliaires, préposés, travailleuse sociale, aumônier, diététicienne, musicothérapeute, responsable du suivi de deuil. 

Les bénévoles ne travaillent qu'en concertation et avec la participation de ces professionnels. L'intégration des bénévoles dans une équipe de professionnels ne s'effectue pas à sens unique et comporte des préalables essentiels dont le plus important est sans contredit le désir, l'intention d'intégrer l'accompagnement des bénévoles et d'accepter ceux-ci dans l'équipe. Car ils n'auraient jamais le sentiment d'être intégrés ni la conviction d'être utiles si les professionnels n'étaient pas d'abord ouverts, accueillants et respectueux à leur égard.

En revanche, si les professionnels ont choisi d'intégrer les bénévoles dans leur équipe, il est important qu'ils aient, dès le début, l'occasion d'exprimer (en collaboration avec la responsable des bénévoles) leurs besoins et leurs attentes face à ce bénévolat. Puisqu'elle est responsable de la formation de l'équipe, il est essentiel que la coordinatrice des bénévoles soit choisie et acceptée, sans restriction, par l'équipe multidisciplinaire, qu'elle partage la philosophie commune et qu'elle soit à l'écoute des besoins des soignants.

Bien intégrée à cette équipe, la responsable pourra établir le lien entre les représentants des autres disciplines et les bénévoles, transmettre et maintenir chez ces derniers les valeurs fondamentales ainsi que les priorités fonctionnelles et relationnelles.

Ce sont les bénévoles qui s'engagent dans le milieu hospitalier et non l'inverse. Ce milieu complexe auquel ils se joignent n'est pas un cadre facile ; la transparence, la capacité de ne pas empiéter sur le terrain des professionnels, de se référer aux personnes-ressources, le professionnalisme (par opposition à l'amateurisme) sont des éléments essentiels à leur rôle d'accompagnant.

Les bénévoles doivent trouver auprès de leur coordonnatrice un « agent de communication» entre eux et les soignants ainsi qu'un soutien efficace et constant. Les différentes pathologies, les nombreux parents et amis, la durée plus ou moins longue des séjours, la diversité des personnalités qui se côtoient à l'Unité, ainsi que la rotation des équipes, imposent un rythme changeant qui nécessite une adaptation incessante.

Des périodes de stabilité relative alternent avec des cycles plus occupés. L'accompagnant bénévole fait face à beaucoup d'imprévus et il se trouve souvent au coeur d'une dynamique nouvelle pour lui. Dans un tel contexte, si la valeur du travail est étroitement liée à la qualité des gens en place, elle dépend aussi de structures solides et de mécanismes souples qui facilitent l'articulation et la cohésion de l'équipe entière.

Sur le plan fonctionnel, les rapports (transmission des données), les communications verbales et écrites, les échanges formels et informels, l'accessibilité aux professionnels et la disponibilité de ces derniers sont des éléments indispensables.

Plus spécifiquement, comme ce sont les infirmières qui assurent la continuité des services de soins, le premier rapport matinal donné aux bénévoles par l'infirmière chef est précieux puisqu'il permet d'identifier les besoins immédiats, de dresser le plan général de la journée, et ainsi d'orienter leurs activités.

Au cours de la journée, les bénévoles en place transmettent à ceux qui leur succèdent les données relatives à l'évolution des événements, toujours en coordination avec leur responsable et avec les soignants.

On utilise un cahier où sont consignées des observations pertinentes pour compléter l'information. Ce cahier, accessible à toute l'équipe, ne contient que des données relatives à l'accompagnement et non d'ordre professionnel.

À cause de la nature même de leur engagement, on ne peut pas exiger des bénévoles plus de temps qu'ils ne peuvent en consacrer au service des malades, car ces moments de générosité et d'humanisme empiètent souvent sur leurs obligations familiales, sociales ou autres. Par ailleurs, des périodes de participation trop longues et trop rapprochées risquent d'entraîner une certaine usure émotive, surtout en contexte de fin de vie où les décès sont fréquents.

Ces deux raisons expliquent le roulement observé dans les périodes de présence des bénévoles. Ces périodes de présence, qui varient entre cinq et huit heures par semaine, sont en général assidues, assurant ainsi continuité et stabilité dans les rapports interpersonnels. Cette forme de relève continue, en plus de diminuer les risques d'usure, apporte une « fraîcheur » renouvelée tout en offrant aux malades, aux familles et aux soignants un large éventail d'accompagnants.

Un tel fonctionnement contribue grandement à la richesse de l'équipe et à la valeur du soutien qu'offrent les bénévoles, constituent aussi des facteurs d'intégration importants tout comme les liens de camaraderie, d'amitié et de tendresse qui se nouent entre les membres de l'équipe.

L'accompagnement des personnes en fin de vie est bien sûr affaire de compétence professionnelle, mais aussi de compétence humaine.

Chaque milieu se caractérise par ses structures, ses besoins, ses ressources, ses avantages et ses inconvénients et ce n'est qu'en tenant compte de toutes ces particularités qu'il est possible de créer une organisation physique et humaine adéquate.

Cette approche globale laisse place à l'imagination, à l'innovation et à l'adaptation.

Il n'est pas facile de mettre sur pied une équipe de bénévoles et de l'intégrer à celle des professionnels, à moins d'obtenir de ces derniers leur consentement et leur complicité.

Professionnels et bénévoles forment une équipe qui peut être d'une grande fragilité, certes, mais aussi d'une force insoupçonnée grâce à une complicité rassurante. L'équipe peut assurer un soutien efficace et fournir une tendresse réconfortante sans lesquels il serait difficile de résister aux départs successifs des malades et des familles avec lesquels très souvent on a tissé des liens affectifs profonds.

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Janvier 1995
Dr Lucien Mias

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