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La place de la vérité dans l'accompagnement  images/logoPdf8k.jpg5 pages,
Source : Dr Schaerer - JALMALV n°24, mars 91

 I - L'information des personnes malades fait aujourd'hui l'objet d'un  consensus.

  1. Les bien-portants quand on leur pose la question pour eux-mêmes sont du même avis à 85% .
  2. Les malades, quand on leur demande s'ils font partie de ceux qui veulent "savoir la vérité", répondent tous "oui " à quelques exceptions près. Nombreux sont ceux qui se plaignent qu'on leur cache la vérité.
  3. A la suite du livre de P. Vianson-Ponté et L. Schwartzenberg (1977), Changer la mort, de nombreuses voix médicales se sont exprimées à leur tour pour dire le droit des malades à recevoir l'information qui les concerne. Les médecins peuvent se référer à l'ouvrage collectif publié par B. Hoerni, L'information des personnes malades. Dans cet ouvrage, on relève un accord pour que les malades soient informés du diagnostic de leur maladie, à la condition que cela soit fait de manière progressive et avec tact. Et d'ailleurs, la plupart des médecins donnent aujourd'hui le diagnostic des maladies les plus graves, Sida, Cancer, Sclérose en plaques, Infarctus, etc... Les malades se disent toujours satisfaits d'avoir été franchement mis au courant.
  4. Le Code de Déontologie et les commentaires qu'en a donné la jurisprudence font au médecin un devoir d'informer les malades.
  5. L'expression d'un arrêt de la Cours de Cassation résume bien l'esprit de ces différents textes en disant que le médecin doit au malade une information "simple, approximative, intelligible et loyale, qui lui permette de prendre la décision qui semble s'imposer". 
    Il y a cependant à cette information un certain nombre de difficultés :

 II - Peut-on et/ou faut-il, annoncer une mort possible, probable ou  certaine, proche ou éloignée ?

Quand on lit des articles britanniques ou américains, on a parfois l'impression que la question ne se pose pas : le malade doit savoir ; c'est de sa mort à lui qu'il s'agit, il doit pour s'y préparer, y faire face, régler les affaires matérielles ou relationnelles qu'il lui reste à régler. Mais cette façon de faire n'est pas systématique.

Il y a plusieurs raisons favorables à cette attitude : c'est au malade qu'il appartient de dire ce qu'il veut savoir ; l'importance des affaires à régler ; le droit au malade de vivre pleinement toutes les expériences de la vie comme il l'entend ; de pouvoir prendre les décisions lui-même, en particulier de vivre chez lui, ou d'interrompre un traitement qu'il juge inutile ; le bénéfice pour nous survivants de pouvoir entendre celui qui va mourir parler de nous-mêmes en parlant de ce qu'il vit à la fin de sa vie...

Mais il faut examiner la proposition inverse. Nos maîtres de médecine, la plupart âgés aujourd'hui, ne donnaient jamais un diagnostic grave à un malade ou rarement. On peut leur reprocher de n'avoir pas enseigné pourquoi, mais est-on si sûr que leur attitude, fondée sur leur expérience, ne contenait pas aussi une autre manière de respecter le malade comme un vivant ?

Une enquête de Bernheim, en Belgique, a été faite auprès d'une vingtaine de malades cancéreux en phase avancée. On a révélé à ceux qui le demandaient la gravité de leur pronostic ; ils étaient 8 ; sur les 8, 7 se sont plaints qu'ils n'avaient pas demandé cela, qu'ils avaient demandé en fait une vérité rassurante et qu'on les avait ainsi privés d'espoir ; aucun des 8 n'a plus été capable d'élaborer le déni de ce qui lui avait été dit, au contraire des 12 autres auxquels une information partielle avait été donnée.

Il y a ainsi "du pour et du contre", et tout ceci dans l'intérêt même du patient. Plusieurs psychothérapeutes se sont exprimés sur ce sujet et, sans déformer leur pensée, je crois pouvoir le traduire de la manière suivante : il y a dans l'annonce d'une mort prochaine deux choses que le malade n'a pas souhaitées ou demandées:
Mais alors, y a-t-il une issue à ce dilemme, une troisième voie ? C'est ce que je crois. Elle est à la fois simple et difficile.
Le plus simple est de laisser un malade parler de "sa mort prochaine".
Mais c'est difficile : croyez bien que c'est dur aussi pour le malade !
" Il n'est guère facile de dire la mort qui vient, guère facile non plus d'écouter celui qui en parle, parfois il est impossible d'échapper à la souffrance qui peut envahir le champ de la conscience du malade et celui de la relation ". (E. Goldenberg)
Mais difficile ne signifie pas impossible et nous avons ici des possibilités :
- J'ai évoqué celle de la formation. Se former à l'écoute, c'est notamment apprendre à entendre les sentiments qu'exprime le malade et à lui montrer qu'il a été entendu.
- Il faut aussi dire que la réponse n'est pas nécessairement verbale, qu'elle peu résider dans l'attitude : prendre une chaise pour s'asseoir au lieu de s'excuser et de partir ; rester silencieux et accepter un regard les yeux dans les yeux ; s'approcher et offrir sa main... El si j'osais dire - mais suis-je trop irréaliste en le disant : ne pas refouler ses larmes quand elles disent notre émotion.
- Enfin la Vérité sur lui-même, que je vous propose de laisser le malade exprimer librement, est à sa place dans un accompagnement car elle sera plutôt le début d'un processus que sa fin. Elle peut instaurer une relation dans laquelle, souvent de façon accélérée, le malade va vivre intensément en exprimant non seulement sa souffrance, mais son désir de vivre ; dans laquelle il va faire non seulement le travail de deuil de ce qu'il quitte peu à peu, mais aussi le travail spirituel qui fera à ses yeux de sa vie un tout cohérent et signifiant.

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