Retour au Grenier
à texte
Une vision
rythmique
des
âges de la vie 5 pages
-
Les rythmes sont
partout dans l'univers : la marée et les
équinoxes, etc.
Dans la vie humaine le
rythme respiratoire ou celui de veille-sommeil en sont deux exemples ;
la chronobiologie est un rythme fondamental encore mal connu mais qui
sera riche d'enseignements.
Qu'en est-il de notre croissance et
développement au
cours d'une vie humaine ?
-
On ne peut comprendre le
chemin de vie d'un être humain dans une démarche
linéaire. Il est dans une démarche rythmique, de
bonds successifs qui le font progresser dans une spirale de la
spiritualisation. Celle-ci commence dans les empreintes de l'enfance :
il y a en l'adulte un élément qui se trouve en
germe dans l'enfance.
-
La biographie d'un
être humain retrouve des rites de passage qui ont une
certaine rythmicité. Force est de constater que ce rythme
semble épouser le chiffre sept et qu'il est
composé de pertes et d'acquisitions.
-
À chaque fois
qu'un rythme s'achève et qu'un autre commence, il y a une
trace biographique comprenant tout à la fois forces et
difficultés, pertes et acquisitions.
Les Grecs
connaissaient
déjà ce rythme...
Ainsi que le montre un
texte de
Solon, cité dans Philon, sur
La Genèse 24,
traduit par
Marguerite Yourcenar
-
« Sept.
L'enfant perd ses dents et d'autres les remplacent.
Et son esprit
s'accroît. Sept encore se passent,
Et son corps florissant se
prépare à l'amour.
Trois fois sept, sa vigueur va
grandissant toujours
Et sur sa fraîche
joue un blond duvet se lève.
Sept encore. Il est
mûr pour les travaux du glaive
Son esprit et son corps sont
tous deux accomplis.
Cinq fois sept : il est temps
que vers de justes lits
Il tourne sa pensée
et choisisse une femme.
Six fois sept : il a su
enrichissant son âme
Vivre, penser, combattre,
obtenir, s'efforcer,
S'il le fallait, sans deuil il
pourrait renoncer
Aux bien trop
éloignés, au but peu accessible,
Content dorénavant
de jouir du possible.
Sept fois sept, huit fois
sept, il se connaît
soi-même,
Neuf fois sept : tout en lui a
gardé sa fierté,
Mais sa voix au Conseil est
désormais moins sûre,
Il sent diminuer sa vieille
autorité.
Dix fois sept : de la vie il a
pris la mesure,
Il va pouvoir dormir avec
sérénité
»
Cela voudrait-il
dire "qu'à sept
ans tout est joué" ?
Si on est en droit de le penser
pour le développement psycho affectif, par contre
l'éducation va modifier l'enfant, être en devenir.
On ne peut décider en fonction d'un cliché,
"image arrêtée" à sept ans car :
- Rudolf Steiner, qui a élaboré une pédagogie se fondant
essentiellement sur les rythmes...
- " Éduquer
la jeunesse
C'est prendre soin
De l'esprit dans la matière
De demain dans aujourd'hui
De l'être spirituel dans la vie terrestre."
Les cycles de
l'identité
- On retrouve la notion de
rythmes dans le livre de de Pamela Levin,
Les cycles de l'identité, qui
définit six
étapes fondamentales de croissance et
développement, étapes qui se déroulent
jusqu'à 19 ans puis qui nous guident tout le long de notre
vie.
- Pour Levin l'homme, en
suivant une évolution cyclique, exécute
simplement les tâches de développement qui lui
permettent de se réaliser, d'atteindre ses objectifs.
- « Chacun
de nous possède une "horloge" de développement
qui nous fournit le plan de base de notre existence. Les
étapes du cycle marquent les différentes phases
de notre vie tout comme les heures d'une pendule indiquent les
divisions de la journée. Le cycle de vie, depuis la
naissance jusqu'à dix neuf ans se renouvelle dans un ordre
immuable, mais de durée variable. »
- Les six
étapes fondamentales de Pamela Levin.
-
- Exister : de la naissance à six mois.
- La
tâche du nourrisson consiste à exister. Son
travail se résume à toucher et accepter les soins
qu'on lui donne. S'occuper de lui avec tendresse, le toucher, le tenir,
le laver, le nourrir, le dorloter, lui parler, le prendre dans les
bras, fortifie le pouvoir d'être. Lui offrir attention,
amour, crée un sentiment de confiance. Les contacts tendres,
sécurisants, gais, sensuels déclenchent la
première prise de conscience de son existence ainsi que les
liens émotionnels qu'il tisse avec autrui. Ses cris, ses
pleurs nous font savoir qu'il a besoin de quelque chose, de
réponses immédiates, de protection.
- Pendant
cette période, le bébé est en
symbiose, il ne fait pas la différence entre ce qui est
à lui ou à maman.
- Dans cette
étape, phase de sensations, le bébé
vers les six mois, est dans le stade du miroir.
- En
psychanalyse (Freud), c'est l'oral primitif et en analyse
transactionnelle (Berne), l'attachement.
- Faire : de six à dix huit mois.
- La
tâche essentielle du bébé plus
âgé est de faire. Il doit explorer avec ses sens
le monde qui l'entoure. A cette époque, il teste
l'attachement, a besoin de partir et de revenir ; il suit ses
impulsions, s'oppose à sa mère, a envie de
prendre, d'avoir sa place : c'est l'étape de
l'individuation. Il est capable de prendre des initiatives : s'asseoir,
ramper, marcher, parler. Pour tirer profil de cette phase, il explore
l'environnement, libre de circuler à travers le monde, de
satisfaire sa curiosité et son appétit sensoriel
grandissant (incorporation des objets). Il développe aussi
le sixième sens, la sensibilité
kinesthésique, qui lui permet de bouger, de ressentir ses
mouvements, d'établir le contact avec le sol, de sentir la
terre.
- A cet
âge, c'est le stade du langage. Il y a pathologie, si au
delà de deux ans, l'enfant ne parle pas. Le nourrisson,
avant d'acquérir une pensée logique et
conceptuelle, a besoin et profite de toute la richesse sensorielle.
- En
psychanalyse, c'est analogue à l'oral exploratoire et en
analyse transactionnelle, à l'attachement.
- Penser : de dix huit mois à trois ans.
- Chez les touts
petits, la tâche principale est d'apprendre à
penser. Ils doivent affiner leur individualité en se
confrontant et en se heurtant aux autres. C'est à ce moment
que se met en place un nouvel État du Moi,
débordant d'énergie.
L'enfant expérimente l'expérience : il est
capable d'établir le lien entre la cloque qui se forme sur
le doigt, le mot chaud et le brûleur de la
cuisinière.
C'est l'époque des exigences, des crises de rage, du "non",
il affirme sa séparation. Il passe par une phase
oscillée entre la soumission et la rébellion, qui
s'accompagne de sentiments de colère (période des
larmes). C'est une colère dite colère de
séparation permettant de briser la relation de
dépendance. Il faut la différencier de la
colère née de désirs insatisfaits (le
bébé qui pleure de faim devient furieux si on ne
le nourrit pas) et de la colère paranoïde qui sert
à masquer la peur (nous avons besoin de nous sentir en
sécurité).
Il affirme son indépendance : il acquiert des gestes qui lui
donnent la liberté de faire et créent un
sentiment d'autonomie (il lâche la main de maman). C'est la
période des pourquoi permettant de traduire la
réalité et la formulation de questions concernant
le temps.
Il découvre ses limites, c'est à dire des
expériences qui déterminent les
frontières du comportement acceptable et de la
sécurité : l'indépendance constitue
une menace, une victoire ou quelque chose à mi-chemin entre
les deux.
- Il
développe sa capacité de penser en
découvrant qu'il peut être indépendant
tout en conservant l'amour des autres. Pour l'entourage, c'est une
période très fatigante.
- En
psychanalyse cela correspond au stade anal et en analyse
transactionnelle, à la séparation.
- Identité : de trois à six ans.
- L'essentiel du
travail de l'enfant d'âge scolaire est de
découvrir son identité. Il a pour tâche
d'affirmer qui il est au sein d'un réseau de relations
sociales. Il a besoin de chercher et de découvrir qui il est
: "qui suis-je" (fille ou garçon). C'est la phase
d'identification dans laquelle il teste son pouvoir, il grappille
quelques minutes sur l'heure accordée (ex : voir un copain,
à quelle heure est le goûter).
Il découvre les conséquences de ses actes, de son
comportement : il vérifie si les interdits sont
accordés, par exemple, en présence de
grand-mère qui lui rend visite.
Il est vraiment séparé de sa mère,
n'est pas obligé d'être malade, triste pour
qu'elle s'occupe de lui.
Il apprend à créer sa propre version du monde, en
manipulant ses parents, en observant l'influence qu'il exerce sur eux,
en particulier lorsqu'il incorpore une troisième personne
dans son jeu.
Il vérifie ce qu'est la réalité,
distingue l'imaginaire du réel. Il faut adapter
l'éducation à l'enfant qui, entre quatre et sept
ans, a un besoin important de jouer.
- En fin
d'étape, l'enfant met en place un scénario que
l'on retrouve tout au long de son vécu. Le
scénario est l'attitude que l'on prend pour
échapper à une situation, d'un milieu qui nous
dérange (quelqu'un sonne : "excusez-moi, je suis
occupé" ou au téléphone :
"excusez-moi, j'ai quelqu'un à la porte).
- En
psychanalyse, c'est le stade génital, phallique et en
analyse transactionnelle, l'autonomie.
- Structure : pouvoir de réussir, de six
à douze ans.
- L'enfant a pour
tâche d'acquérir des compétences. Il
doit développer de nouvelles aptitudes et
élaborer son propre système de valeurs pour
survivre de manière autonome.
Il expérimente son savoir personnel en commettant des
erreurs pour découvrir comment les choses fonctionnent.
Il discute, conteste et exprime son désaccord pour s'emparer
d'une partie des valeurs d'autrui pour les faire siennes. Il renforce
sa propre dynamique.
Il s'intéresse à la sexualité, apprend
les normes, les lois du monde dans lequel il est. Pour les parents,
c'est un temps de repos. Le pouvoir de réussir se
développe dans la famille et dans la culture.
Le comportement d'exclusion (inciter les autres à
créer des structures et en même temps, nous
protéger contre elles) est essentiel à
l'élaboration d'une structure.
- En
psychanalyse, c'est l'étape de latence et en analyse
transactionnelle, la décision.
- Socialisation : de treize à plus ou moins dix
neuf ans.
- La
tâche essentielle des adolescents est de donner une
unité à sa personnalité.
Il doit vivre en tant qu'individu doté d'une
sexualité et se développer comme quelqu'un ayant
une vie sexuelle réelle. Pour l'adolescent, c'est bien de
prendre place parmi les adultes. Il va où il veut et fait ce
qu'il veut.
Il possède déjà tous les
éléments de sa personnalité, retourne
en arrière et bénéficie d'une nouvelle
occasion de développer les étapes
antérieures qu'il retraverse brièvement.
Il ressent le besoin d'unifier sa personnalité : c'est
l'étape de l'unification. Grâce aux
tâches qu'il réalise dans cette phase
d'automatismes, il subit une réforme morale totale.
Il dépasse la relation qu'il a avec ses parents,
crée son propre système de soutien
indépendant qu'il affirme (avoir une profession, envie de
fonder une famille et assumer des responsabilités sociales):
c'est l'étape de l'humanisation.
- D'après
la culture sociale et religieuse qu'on lui a inculqué, il
développe sa philosophie personnelle.
- En
psychanalyse c'est la puberté et en analyse
transactionnelle, la socialisation.
Ce cycle complet de la vie
constitue maintenant sa zone de pouvoir dans lequel il peut
concrétiser son rêve d'avenir. C'est à
lui de décider de ce qu'il fera, de réaliser son
propre potentiel de croissance.
- Pour nous
développer harmonieusement, nous avons besoin de retraverser
ces étapes.
- Nous pouvons vivre
soit une étape, soit à la fois deux
étapes continues ou deux étapes vis à
vis. Nous accédons, à partir d'aptitudes
élémentaires, à des
capacités beaucoup plus complexes tout comme nous apprenons
à marcher en commençant par ramper.
- Nos attitudes sont
tributaires de ce dont nous a imprégnés le milieu
familial, scolaire, social, culturel et d'où
découlent nos comportements. Notre comportement par nos
paroles, nos actes, a un impact sur les autres et sur
nous-mêmes, lorsque, ne pouvant pas nous exprimer ou faire,
notre corps parle. Décrypter les symptômes de
l'être humain, observer les jeux auxquels il se livre pour
éviter les tâches propres à chaque
étape, nous permet de trouver l'étape de
développement dans laquelle il se situe.
Les éthologues,
montrent que
dans le règne
animal il y a des périodes sensibles d'empreinte bien
fixées dans le temps de vie. C'est peut-être de
leurs
observations que viendra la démonstration de ce que d'aucuns
on pressenti :
la vie est pleine de
rythmes... une vie bien rythmée est pleine...
- Le rythme de
l'enfant et l'école
... est un autre sujet, celui des rythmes scolaires
- « L'être humain tout entier va
à l'école et pas seulement sa tête »
Bibliographie
- Calmé N., Laborit
H., Pelt J-M,
Salomé J., This B., L'enfant du possible, Albin Michel,
Paris,
1991.
- Cyrulnik B.,
Mémoire de singe et
paroles d'Homme, Hachette, Paris, 1983.
- Cyrulnik B., Les nourritures affectives, Odile Jacob, Paris , 1993,
244 p.
- Levin P., Les cycles de l'identité,
Interéditions,
Paris, 1986, 255 p.
mai 1995
Dr Lucizn Mias
Retour au Grenier
à texte