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 Les patients en phase terminale
ont-ils besoin de perfusions ?   images/logoPdf8k.jpg4  pages
 Traduction et résumé d'un article de Joyce V. Zerwekh 
Do dying patients really need IV fluids ?,
mars 1997, American journal of nursing 
  Physiologie de la déshydratation.
En phase terminale de la maladie, le patient est souvent atteint de déshydratation. Il boit de moins en moins à cause de la dysphagie, des nausées, de l'anorexie, de la faiblesse, de la diminution de l'état de conscience ou d'un repli émotionnel des activités de la vie ou une combinaison de ces facteurs.
En même temps, le patient peut perdre des liquides à cause de saignements, vomissements, diarrhées, ou drainage de plaie et fistules.
Du fait que les liquides jouent un rôle physiologique très important, vous pouvez alors anticiper sur la survenue du décès en observant la progression de la réduction des prises de liquides et des urines.
L'expression "déshydratation terminale" est couramment utilisée pour parler du processus qui se développe quand l'agonie du patient lui cause une réduction graduelle de prise de boissons. Le patient buvant moins, une réduction du volume sanguin et, éventuellement, une déshydratation s'en suivent.
Les signes de la déshydratation terminale sont une peau et des muqueuses sèches, une hypotension orthostatique, des sécrétions épaisses, une oligurie et une diminution de la circulation induisant une hypoxie cérébrale.
Les changements ioniques et acido-basiques dus à la déshydratation terminale sont peu compris, mais les connaissances de la physiologie nous permettent de dire qu'il existe une :
- hypernatrémie due à des boissons insuffisantes pour maintenir une dilution suffisante ;
- azotémie due à une atteinte rénale ou pré-rénale ;
- acidose due à une atteinte pré-rénale aiguë, l'accumulation d'acide lactique, l'acétonémie due à l'anorexie et l'hypoventillation ;
- hyperkaliémie causée par l'acidose, le catabolisme tissulaire et l'atteinte rénale ; et
- hypercalcémie due à l'immobilité, la concentration augmentée du sérum et les métastases osseuses.
Ces changements physiologiques sont en effet courants, mais ne sont pas systématiques, contrairement à ce que beaucoup ont pensé. Des études, telles que celles de John Ellershaw et col. à St Christopher's Hospice, ont trouvé des taux sanguins étonnamment normaux chez des patients mourants déshydratés. Le "pourquoi ?" est encore inconnu.
Le changement le plus souvent remarqué est l'azotémie : élévation de l'urée, de la créatinine et de l'acide urique. Depuis que l'on sait que les taux ne changent pas nécessairement de manière attendue, plusieurs symptômes rencontrés chez les patients mourants qui sont déshydratés, tels que la fatigue, la léthargie, ou l'irritabilité neuromusculaire, ne sont plus automatiquement attribués au déséquilibre électrolytique.
   "Souffrance" due à la déshydratation : théorie versus réalité.
Ceux qui insistent en disant que nous sommes moralement mandatés pour donner des liquides à tous les patients en phase terminale afin de prévenir la "souffrance»" décrivent souvent une horrible image de la déshydratation : un assoiffé, squelettique, brûlant de fièvre, convulsivant et ayant des hauts le coeur avec un estomac vide. Cette image est basée sur des études où des personnes saines sont privées de boissons : elles disent avoir des céphalées, crampes abdominales, nausées, vomissements, bouche sèche ; c'est affreux.
Mais la physiologie du bien-portant est différente de la physiologie du mourant. Les scènes horrifiantes n'ont pas été observées durant des années de pratiques par les soignants des hospices. Plusieurs articles ont rapporté que les patients au stade terminal ne souffrent pas d'inconfort dû à la déshydratation.
La soif.
Le symptôme le plus souvent associé à la déshydratation est la soif. Il n'est toutefois pas évident que ce soit la déshydratation qui cause la soif. Soixante trois pour cent des infirmières disent que les patients qui sont déshydratés se plaignent rarement de soif et plusieurs études ont confirmé ce pourcentage. D'autres études démontrent qu'une majorité de patients disent ressentir la soif mais celle-ci ne peut être corrélée avec le degré de déshydratation.
Un symptôme invariablement rencontré chez les patients déshydratés en phase terminale est la bouche sèche. Ceci peut amener des gerçures sur la muqueuse buccale et de l'inflammation. Le patient sera plus facilement sujet à ce moment à des candidoses, des infections virales ou bactériennes. Cependant, la déshydratation n'est pas la seule raison de la bouche sèche. Les médicaments tels que les opiacés, les antihistaminiques, les antidépresseurs..., ainsi que respirer par la bouche, les débris alimentaires et un dépôt de salive séchée peuvent assécher la muqueuse buccale.
L'inconfort de la bouche sèche peut être soulagé avec quelques gorgées de la boisson favorite du patient, des glaçons ou des bonbons forts. Des soins de bouches méticuleux peuvent prévenir les problèmes dus à sa sécheresse. Enlever les dépôts de la bouche par des rinçages à l'eau et au peroxyde (eau oxygénée). Brosser les gencives, les dents et la langue avec une brosse à dents souple.
Même si la déshydratation ne cause pas d'inconfort, elle peut hâter la mort. Ne pratiquons-nous pas alors de l'euthanasie en laissant le patient se déshydrater ?
Laissant le côté éthique de l'euthanasie, il est évident que les patients en phase terminale qui ne sont pas hydratés meurent plus tôt que les autres. Il n'existe pas toutefois d'étude qui montre que l'hydratation artificielle prolonge la survie d'un patient en phase terminale.
   Les bénéfices de la déshydratation.
La déshydratation ...
- diminue la quantité d'urine.
Le patient aura donc moins souvent besoin de l'urinal ou de la chaise percée ou de la sonde vésicale. Elle diminue les épisodes d'incontinence.
Mais ceci n'est pas très clair, spécialement si on considère que beaucoup de patients déshydratés ont des taux normaux d'électrolytes. Des études sur les rats laissent à penser que la déshydratation terminale et la faim peuvent induire une augmentation de la production d'opiacé naturel. En fait, il a été démontré que l'acétonémie due à la faim a un effet anesthésique chez l'animal.
    Pour ou contre l'hydratation artificielle.  
     Pour...
Les perfusions intraveineuses ou sous-cutanées peuvent parfois corriger les déséquilibres ioniques, stabiliser le patient et diminuer certains symptômes. Chez des patients qui ne sont pas tout à fait en fin de vie, la déshydratation causée par l'hypercalcémie, la diarrhée ou les diurétiques peut être réversible et l'hydratation peut prolonger la vie.
Des études démontrent que l'hydratation réduit la désorientation et l'agitation. Mais, cependant, aucune étude ne démontre que l'hydratation augmente le confort en fin de vie.
Pour plusieurs cliniciens, il y a des raisons éthiques à hydrater un patient mourant mais ils ne sont pas certains des bénéfices cliniques. Ils disent que les liquides ont une signification symbolique et que l'hydratation artificielle montre les soins et l'engagement des professionnels. Mais on peut riposter en disant que c'est une présence humaine qui convient, pas une perfusion ou une autre forme de technologie.
  Toutefois, l'hydratation a des effets néfastes.
Elle augmente le débit urinaire et si le patient est extrêmement faible, étant incontinent ou en coma, il sera nécessaire de placer une sonde vésicale qui peut être inconfortable pour le patient et une charge supplémentaire pour la famille.
  Faire un choix informé.
L'hydratation peut être un traitement palliatif lors de nausées sur une hypercalcémie par exemple. Pour beaucoup de patient mourant, l'hydratation n'apporte rien.
La décision de commencer une hydratation ou de maintenir une thérapie déjà commencée ailleurs doit être prise individuellement, suivant une analyse systématique des charges et des bénéfices de la thérapie.
Une telle analyse peut être facilitée par des observations méticuleuses du patient. On peut se référer à différents signes qui limiteraient l'apport liquidien : oedéme pulmonaire et périphérique, vomissements, incontinence urinaire, fistule...
De plus, l'équipe doit connaître les préférences du patient : s'il ne désire pas d'interventions spécifiques et qu'il désire juste avoir une qualité de vie acceptable.
S'il n'est pas conscient, on s'adressera à la famille.
Une fois tous ces éléments en mains, l'équipe se posera les questions fondamentales suivantes :

- Quels seront les effets de l'hydratation sur le patient ? Est-ce que le patient se sentira mieux ? Améliorera-t-elle son bien-être ?
- Peut-on croire que le symptôme sera soulagé par l'hydratation ? Si oui, quel symptôme ?
- Quel symptôme sera aggravé ?
- Peut-on penser que l'hydratation améliorera l'état de conscience du patient et sa vigilance ?
Si oui, est-ce le désir du patient ?
- Est-ce que l'hydratation peut prolonger la survie du patient ?
Si oui, est-ce que le patient le veut ?
- Quels sont les effets psychosociaux de la perfusion sur le patient ? Se plaint-il d'être attaché ou «dépendant» d'une machine ? Devient-il agité ? Est-ce que la technologie interfère dans ses relations avec ses proches ?
- Quels sont les effets de la perfusion sur la famille ? Est-ce que le maintien d'une perfusion augmente le stress de la famille ? Est-ce que la charge financière imposée à la famille par la thérapie est justifiée par le bénéfice apporté au patient ?

L'ordre d'hydrater le patient est sous la responsabilité du médecin et le médecin peut prescrire une perfusion sans considérer tous les effets sur le processus de la mort ou les conditions du patient.
Si on pense que l'ordre est inapproprié, il faut demander au médecin de reconsidérer et en discuter avec lui en expliquant les raisons selon lesquels on croit que la thérapie n'apportera rien pour le patient et sa famille.
   Conseiller et soutenir le patient et sa famille.
Les bioéthiciens disent que, sauf en cas d'urgence, le recours à la technique invasive nécessite l'accord du patient. S'il n'y a pas d'indication à hydrater, le patient et sa famille seront prévenus que la déshydratation du patient n'est pas cause de souffrance mais peut réduire celle-ci.
Notre rôle est de travailler en collaboration avec les autres professionnels pour éduquer et aider le patient et sa famille. Il est nécessaire d'expliquer les bénéfices et les inconvénients dans des termes que le patient et sa famille comprennent.
Quand les différents membres de la famille ne sont pas d'accord entre eux à propos de l'hydratation, vous pouvez être d'un soutien fondamental pour résoudre ce conflit en les aidant à dresser une liste des points positifs et négatifs d'une hydratation.
Éditique : Dr Lucien Miias
1998
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