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Le toucher
- Le toucher -
chapitre I Le
toucher
- chapitre II . Le
toucher - chapitre III .Le
toucher
- chapitre IV et V .Le toucher - appendice
A .
-
Tome II - Chapitre
III 11 pages
-
Les notes de
bas de page ont
été incluses dans le texte.
-
NDA = note de
l'auteur, en 1935 ; NDÉ : note de l'éditeur, en
1964
- «
Les centres sexuels secondaires de la
peau. - Les
contacts d'orifices. - Cunnilingus et fellatio. - Le baiser. - Les
bouts des seins. - La connexion des seins avec les centres sexuels
primaires. - Comment cette connexion opère autant par les
nerfs que par le sang. - L'influence de l'allaitement sur les centres
sexuels. - L'allaitement et l'émotion sexuelle. - La
signification du rapport entre l'allaitement et l'émotion
sexuelle. - Ce rapport comme cause de perversité sexuelle.
- Nous avons vu que la peau en général
possède
un degré élevé de
sensibilité, qui tend
fréquemment à s'associer d'une manière
plus ou
moins définie avec les centres sexuels.
- Nous avons vu aussi
que la sensation sexuelle centrale et spécifique,
l'étreinte sexuelle elle-même, est, à
un haut
degré, une sorte de réflexe cutané
spécialisé.
- Entre les sensations
cutanées
généralisées et le grand centre
primaire et
sexuel de sensation, il y a certains centres sexuels secondaires qui,
en raison de leur importance, seront considérés
ici
succinctement. Ces centres secondaires ont ceci de commun qu'ils
impliquent toujours les entrées et les sorties du corps,
c'est-à-dire les endroits où la peau se
transforme en
membrane muqueuse, et où, au cours de
l'évolution, la
sensibilité tactile est devenue très
raffinée.
On peut dire en général de ces régions
frontières du corps que leur contact avec les
mêmes
régions ou des régions analogues d'une personne
du sexe
opposé, sous certaines conditions favorables à la
tumescence, aura une tendance à produire un degré
minimum et parfois même un degré maximum
d'excitation
sexuelle.
- Le contact de ces régions entre elles ou avec la
région sexuelle elle-même stimule si
étroitement
le réflexe sexuel central qu'il se forme des canaux pour la
même énergie nerveuse et que des centres sexuels
secondaires se constituent. Il est important de se rappeler que les
phénomènes que nous considérons ici
sont
essentiellement normaux. Plusieurs de ces
phénomènes
recoivent communément le nom de perversion
(Freud insistera lui aussi, sur les
frontières fort
imprécises de la normalité et de la perversion,
en
particulier dans la sexualité infantile, et qualifiera
l'enfant normal de « pervers polymorphe » (N. D.
É)).
Mais en tant qu'ils aident
à la tumescence,
il faut les regarder comme entrant dans le champ des variations
normales.
On peut les
considérer comme non
esthétiques,
mais c'est un point de vue tout différent. Il faut
d'ailleurs
se rappeler que les valeurs esthétiques se modifient sous
l'influence de l'émotion sexuelle. Du point de vue de
l'amant,
beaucoup de choses sont belles, qui sont le contraire de tout autre
point de vue, et plus l'amant est possédé par sa
passion, plus son étalon esthétique normal est
sujet
à modification. Une considération superficielle
des
phénomènes chez les civilisés et chez
les
demi-civilisés suffit amplement à
démontrer quel
tort on a d'introduire des évaluations
esthétiques dans
la sphère sexuelle, comme le font si souvent des auteurs non
scientifiques qui s'occupent de ce sujet. Du point de vue normal de
la vie quotidienne, le processus tout entier du sexe n'est pas
esthétique, sauf aux étapes premières
de la
tumescence.
(Jonas
Cohn, Allgemeine
Æsthetik,
1901, p. Il, affirme que la psychologie n'a rien a faire avec le bon
ou le mauvais goût. « La différence
entre le bon
goût et le mauvais goût n'a aucune signification
pour la
psychologie. Pour cette raison, les conceptions fondamentales de
l'esthétique ne peuvent dériver de la
psychologie.
» I1 est douteux que cette opinion soit à accepter
sous
une forme aussi absolue (N. D. A.)).
- Pour autant que les
excitations sexuelles constituent une partie de la phase de
tumescence, il faut considérer leur utilisation comme
tombant
dans la sphère de la variation normale, ainsi que nous
pouvons
l'observer chez plusieurs animaux.
- Mais lorsque des contacts d'autres
orifices que les organes mâles et femelles
véritables
sont utilisés pour procurer non seulement la tumescence,
mais
la détumescence, ces contacts deviennent des perversions au
sens strict et technique. Ce sont des perversions exactement au
même sens que les méthodes de rapports sexuels qui
impliquent l'usage des préservatifs pour éviter
la
fécondation.
- Mais la question esthétique demeure
toujours la même. Il est nécessaire que cela soit
exposé clairement, car sur ce point les confusions sont
très communes.
- Le caractère sexuel essentiel de
la
sensibilité des contacts orificiels est
démontré
par le fait que cette sensibilité peut
éventuellement
se développer même dans la première
enfance. Cela
ressort pleinement d'un cas rapporté par
Féré.
Une fillette de quatre ans, de tempérament nerveux et
sujette
à des attaques de colère, pendant lesquelles elle
se
roulait par terre et déchirait ses vêtements,
sortit un
jour dans le jardin au cours d'une attaque et se jeta à
moitié nue dans l'herbe. Pendant qu'elle était
étendue ainsi, deux chiens arrivèrent avec
lesquels
elle avait l'habitude de jouer et ces chiens commencèrent
à lécher les parties découvertes de
son corps.
Il arriva ainsi qu'un chien lécha la bouche et l'autre les
parties sexuelles de l'enfant. La fillette éprouva un choc
de
sensation intense qu'elle n'a jamais pu depuis ni oublier ni
décrire, et en même temps il se produisit une
tension
délicieuse des organes sexuels. L'enfant se leva et se sauva
avec un sentiment de honte, bien qu'elle ne pût pas
comprendre
ce qui était arrivé. L'impression ainsi produite
fut si
profonde qu'elle dura sa vie entière et fut le point de
départ de perversions sexuelles ; ainsi plus tard le contact
d'une langue de chien avec sa bouche suffit à lui donner du
plaisir sexuel (Féré,
Archives de
neurologie. 1903, n° 90.).
- Je n'ai pas l'intention
de
discuter ici ni le cunnilingus (application de la bouche au pudendum
femelle), ni la fellation (application de la bouche à
l'organe
mâle). L'intermédiaire dans le premier cas est un
homme,
en cas de rapports normaux hétérosexuels ; dans
le
second cas, c'est une femme. Ce ne sont pas simples
phénomènes tactiles, mais ils impliquent
plusieurs
autres éléments physiques et psychiques.
- Le
cunnilingus
était une manifestation très familière
aux temps
classiques, ce qui ressort des allusions fréquentes et le
plus
souvent méprisantes d'Aristophane, Juvénal, et
plusieurs autres auteurs grecs et romains. Les Grecs regardaient
cette pratique comme d'origine phénicienne, de
même
qu'on la regarde maintenant à faux, comme d'origine
française. Cette pratique a tendance à dominer
surtout
en des périodes de civilisation
élevée.
- La
fellation a été également
répandue, aux
temps anciens comme aux temps modernes, et on la considère
surtout comme pratiquée par des hommes invertis.
- On peut
admettre que le cunnilingus aussi bien que la fellation sont
pratiqués par les deux sexes, par des personnes saines ou
morbides, dans des rapports hétérosexuels ou
homosexuels. Ils ont peu d'importance psychologique, sauf lorsqu'ils
sont pratiqués à l'exclusion des rapports sexuels
normaux. Dans ce dernier cas, ils deviennent des perversions, et,
comme tels, ils ont tendance à s'associer à
plusieurs
conditions de dégénérescence bien que
ces
associations ne soient pas nécessaires.
- Le
caractère
essentiellement normal du cunnilingus et de la fellation, lorsqu'ils
surviennent comme des incidents dans le processus de tumescence, est
démontré par le fait que nombre d'animaux les
pratiquent. C'est le cas, par exemple, chez les chiens. Moll constate
qu'il n'est pas rare que la chienne, tandis qu'elle est sous le
chien, mais avant l'intromission, modifie sa position pour
lécher le pénis, évidemment par suite
d'une
impulsion instinctive et pour augmenter l'excitation du chien et la
sienne. Après cela, la chienne reprend sa position
normale.
- Le
cunnilingus est une pratique constante chez les animaux.
- (Rosenbaum Geschichte der
Lustseuche im
Altertume, 5e éd pp. 260-278 ; Moll, Untersuchungen uber die
Libido sexualis, t. 1, pp. 134, 369 ; Bloch, Beitrage zur
Ætiologie der Psychopathia sexualis, t. Il, pp.
216
sq.).
- L'occurrence du cunnilingus comme un
épisode
sexuel de tumescence chez les races humaines primitives trouve une
illustration frappante dans certaine pratique des indigènes
des îles Carolines (Rapporté
par Kubary
dans son étude ethnographique de ce peuple et
cité par
Ploss et Bartels, Das Weib, t. 1. ). C'est ainsi que
l'homme
place un morceau de poisson entre les lèvres, tout en
stimulant celles-ci de sa langue et de ses dents, jusqu'au moment
où la femme urine sous l'empire de l'excitation sexuelle. On
considère que c'est l'indication du moment propice pour
avoir
des rapports. Une telle pratique repose avant tout sur des faits
physiologiques, quelle que puisse être l'opinion qu'on s'en
forme d'un point de vue esthétique.
- Le contraste entre le point de vue esthétique
normal et
celui de l'amant est bien illustré, pour ces
matières,
par les documents suivants.
- Le docteur A.-B. Holder remarque sur la
fellation, au cours de sa description des Amérindiens
Boté : « De toutes les
variétés de
perversion sexuelle, celle-ci me semble être la plus
dégradante qu'on puisse imaginer. »
- Il y a,
d'autre part,
dans une communication que m'a envoyée un savant d'une
distinction intellectuelle supérieure, la constatation
suivante : « J'affirme que, de tous les actes sexuels, la
fellation est au plus haut degré une affaire de sympathie et
d'imagination. »
- Il faut observer qu'il n'y a aucune
contradiction entre ces deux affirmations et que chacune des deux est
justifiée, selon que nous adoptons le point de vue du
spectateur ordinaire ou celui de l'amant passionné,
désireux de fournir une preuve décisive de son
amour.
Nous devons ajouter que d'un point de vue scientifique nous n'avons
aucun droit de prendre parti pour une appréciation
plutôt que pour l'autre.
Dans
ce groupe entier de
phénomènes, l'exemple le plus typique et le plus
répandu est sans doute le baiser.
Nous avons dans les
lèvres une région frontière, entre
peau et
membrane muqueuse, qui est très sensible et ressemble sous
bien des rapports à l'orifice vulvo-vaginal. L'importance du
baiser est renforcée encore par les mouvements actifs de la
langue, qui est encore plus sensible que les lèvres. Le
contact intime et prolongé de ces régions, sous
des
conditions favorables à la tumescence, doit donc produire un
courant puissant de stimulation nerveuse Après les contacts
auxquels les régions sexuelles elles-mêmes
prennent une
part directe, il n'existe sans doute aucun canal plus important que
le baiser, pour diriger la force nerveuse vers la sphère
sexuelle.
Nulle part on n'a reconnu cela comme en France, où
les lèvres d'une jeune fille sont religieusement
réservées à son amant, à un
tel point que
parfois des jeunes filles se figurent que le côté
physique tout entier de l'amour ne consiste que dans un baiser sur la
bouche. Une femme intelligente, Mme Adam, a décrit l'agonie
qu
elle éprouva dans sa jeunesse lorsqu'elle reçut
un
baiser d'un homme sur les lèvres et s'imagina ainsi avoir
perdu sa vertu.
Bien que les lèvres occupent la position
très importante d'un foyer sexuel secondaire dans la
sphère tactile le baiser est - contrairement au cunnilingus
et
à la fellation - limité à l'homme, en
grande
partie à l'homme civilisé. Il est le
résultat
d'une évolution compliquée, qui a ses
débuts en
dehors de la sphère tactile, et dont la discussion serait
pour
cette raison déplacée ici. Nous traiterons
ailleurs de
son développement (Voir
Appendice A :
L'origine du baiser.).
- Il y a encore une autre
région
frontière orificielle qui est un foyer sexuel tactile de
haute
importance : le bout du sein. Les seins ont cette signification
spéciale, parmi les centres sexuels, qu'ils existent
primairement, non pour le contact de l'amant, mais pour le contact de
l'enfant. Et c'est là sans doute le fait fondamental sur
lequel se sont développés tous les contacts
tactiles
dont nous avons à nous occuper ici.
- La
sensibilité
sexuelle des lèvres de l'amant ou de l'amante à
des
contacts d'orifices s'est développée à
partir de
la sensibilité des lèvres de l'enfant pour le
contact
avec les bouts des seins de la mère. C'est à
cause de
cette évolution que nous sommes obligés ici de
considérer la valeur précise des seins comme
centre
sexuel. La fonction des seins, organes qui secrètent le
lait,
doit commencer au moment même où l'enfant est
privé de la nutrition qui provient du contact direct avec le
sang de la mère. Pour cette raison il est essentiel que le
rapport entre les organes sexuels proprement dits, plus
spécialement la matrice, et les seins soit excessivement
intime, afin que les seins soient capables de répondre
convenablement à la demande des lèvres de
l'enfant
dès le moment de la naissance. Cette connexion est
réellement très intime, tellement intime qu'elle
a lieu
par deux voies tout à fait distinctes : par le
système
nerveux et par le sang.
- À l'âge de la
puberté, les
seins
des jeunes filles entrent parfois en sympathie étroite avec
l'évolution des organes sexuels, bien que le gonflement des
seins à cette époque ne soit pas normalement un
processus glandulaire. Aux périodes de la menstruation, des
sensations aux seins ne sont pas rares non plus. Mais les changements
décisifs aux seins n'ont lieu qu'après
l'imprégnation.
- « Aussitôt que l'ovule
est
imprégné, c'est-à dire en quelques
jours, des
changements apparaissent aux seins, des changements aussi
élaborés que ceux dans l'utérus et
dans le
vagin, qui, dès le début de la grossesse,
préparent le travail qui se produira neuf mois plus tard. Ce
sont des changements dans le sens d'une activité
rehaussée des fonctions. Un organe qui,
jusque-là,
était tout à fait passif, sans
activité de
circulation et sans les effets de cette activité, commence
à augmenter en activité et en étendue
et
continue d'augmenter ainsi pendant la grossesse (W.
D. A. Griffith, The Diagnosis of pregnancy, British medical Journal,
11 avril 1903.). »
- L'association entre les seins et
l'utérus est si évidente qu'elle n'a pas
échappé aux peuples primitifs, qui sont souvent
d'excellents observateurs. Il y a tout au moins une tribu primitive
chez laquelle l'activité des seins au moment de
l'imprégnation est clairement reconnue. Les Sinaugolo de la
Nouvelle-Guinée britannique considèrent que la
conception a lieu dans les seins ; pour cette raison, ils estiment
que le coït ne doit jamais être pratiqué
avant que
l'enfant soit sevré ; autrement, I'enfant pourrait s'imbiber
de semen
en même temps que de lait (Seligmann,
Journal of the Anthropological Institute juillet-déeembre
1902, p. 298.).
- Nous arrivons ainsi naturellement
à la
supposition que ce rapport entre l'activité de
l'utérus
et l'activité glandulaire des seins est un rapport nerveux,
par l'intermédiaire de la corde spinale et un rapport
semblable existe certainement et joue un rôle très
important dans l'action stimulante des seins sur les organes sexuels.
Mais le fait que la sécrétion de lait aura lieu
à la parturition, même si le rapport nerveux a
été détruit prouve qu'il y a un canal
de
communication plus direct encore que le système
nerveux.
- Mironoff a découvert que, lorsque la glande
mammaire est
complètement séparée du
système nerveux
central, la sécrétion continue tout de
même,
quoique légèrement diminuée.
À deux
chèvres, il coupa ces nerfs peu de temps avant la
parturition :
après la naissance, les mamelles gonflèrent tout
de
même et fonctionnèrent normalement (Archives
des
sciences biologiques, Saint-Pétersbourg 1896
résumé dans L 'Année biologique, 1895,
p. 329) .
- Ribbert a excisé la
glande mammaire d'une
jeune lapine et transplanté cette glande dans I'oreille.
Cinq
mois plus tard la lapine eut des petits et la glande
sécréta du lait en abondance.
- On a
rapporté le
cas d'une femme dont la corde spinale fut détruite par un
accident au niveau de la cinquième et de la
sixième
vertèbre dorsale. Pourtant la lactation était
parfaitement normale (British medical Journal, 5
août 1899 p.
374).
- Nous sommes portés à supposer qu'il y
a une
espèce de changement chimique dans le sang, une
sécrétion interne de l'utérus ou des
ovaires,
qui agit comme un stimulant direct sur les seins
- (Il
y a un examen détaillé du rapport entre les seins
et
les organes sexuels, par Temesvary, dans le Journal of Obstetrics and
gvnocology of the British Empire, juin 1903. Mais les conclusions ne
sont pas inattaquables (N D A)) .
- Le fait que
l'enlèvement des deux ovaires pendant la grossesse ne suffit
pas pour empêcher la lactation semble indiquer que cette
sécrétion hypothétique provient de
l'utérus plutôt que des ovaires.
- (Cette
intuition a été vérifiée
d'un
déclenchement hormonal de la lactation, mais par
sécrétion hypophysaire et non utérine
(N.D.É.)).
- Plus récemment, Claypon
et Starling
ont affirmé, sur la foi du résultat de
l'enlèvement de l'utérus et des ovaires chez des
lapines à diverses phases de grossesse, que la lactation ne
provient pas de l'excitation des glandes mammaires par des substances
spéciales produites par les autres organes de la
génération, mais de la cessation d'un stimulus
qui
pendant la grossesse était responsable du
développement
des glandes. Ils considèrent ce stimulus comme produit par
une
substance chimique spécifique (hormone) qui provient de
l'ovule fertilisé et cause le développement des
seins
tout en prohibant leur fonction (Proceedings
of the
Royal Soeiety, t. 77, 1906.).
- Mais quelque complexes et mal
comprises que soient les communications des organes sexuels avec les
seins, la communication inverse des seins avec les organes sexuels
est sans doute en majeure partie nerveuse. Lorsque l'enfant est mis
au sein, après la naissance, la succion des bouts des seins
cause une contraction réflexe de l'utérus, et
plusieurs
savants, mais pas tous, sont d'avis que, chez une femme qui n'allaite
pas son enfant, il y a quelque risque que l'utérus ne
retourne
pas à sa forme normale.
- On a aussi affirmé que
donner
le sein à un enfant pendant les premiers mois de la
grossesse
cause un si fort degré de contraction utérine que
l'avortement peut s'ensuivre.
- Freud a observé en Allemagne
que
la stimulation des bouts des seins par un appareil
électrique
produisait la contraction de l'utérus
fécondé.
Autrefois on recommandait d'irriter les bouts des seins afin
d'exciter l'utérus à l'action parturitive.
Simpson
expose que cela peut difflcilement produire l'effet
désiré, mais il pense qu'en plaçant un
enfant au
sein après le début du travail d'enfantement on
peut
augmenter l'action utérine (J-Y.
Simpson, Obstetric
Memoirs, t. 1, p. 836, voir aussi Feré, L'instinct
sexuel, 2° édition p. 132).
- L'influence
de la
lactation sur l'utérus, en prévenant le retour de
la
menstruation, est bien connue. D'après une enquête
sur
900 cas en Angleterre, par Remfry, il y a eu dans 57 % des cas
absence de menstruation pendant la lactation (L.
Remfry, communication à la Société
d'Obstétrique,1896 Résumée dans
British medical
Journal,1896).
- Bendix a observé en Allemagne
qu'à peu près dans 40 % de 140 cas il n'y avait
pas de
menstruation pendant la lactation (Communication
au
Congrès, à Dusseldorf, en 1899 à la
Société des naturalistes et des
médecins
allemands).
- Si un enfant n'est pas allaité par
la
mère, la menstruation a tendance à
réapparaître environ six mois après
l'accouchement.
- Il est possible que les opinions divergentes des
spécialistes sur l'influence nécessairement
favorable
de la lactation pour favoriser le retour de l'utérus
à
sa forme normale proviennent d'une confusion de deux influences
distinctes : l'action réflexe des bouts de seins sur
l'utérus et les effets de la sécrétion
glandulaire prolongée des seins chez des personnes
affaiblies.
- La lactation détermine sans doute une
contraction
utérine, et, d'après Vimberg, il peut
même
arriver chez des femmes saines que l'utérus soit
temporairement plus petit pendant la lactation qu'avant
l'imprégnation, en produisant ainsi ce qu'on appelle
«
l'atrophie de lactation ». Mais, chez ces femmes affaiblies,
l'effort de la production de lait peut conduire à une
absence
générale de force musculaire, et alors
l'involution de
l'utérus est empêchée par la lactation
plutôt que favorisée.
En
tout cas, il faut donc
regarder
le bout du sein comme un organe érectile, pourvu en
abondance
de nerfs et de vaisseaux. Cet organe, stimulé par les
lèvres de l'enfant, ou par une compression similaire, et
même sous l'influence d'émotions ou de froid,
devient
ferme, vient en érection surtout comme suite de la
contraction
musculaire. Car, différent du pénis et du
clitoris, le
bout du sein ne contient pas de tissu érectile
véritable et n'est que peu capable d'engorgement vasculaire (Hellier On the nipple reflex, British medical
Journal, 7 nov 189). Il faut donc supposer qu'une
impulsion
tend à être transmise par la corde spinale aux
organes
sexuels, en mettant en activité un degré plus ou
moins
grand d'excitation nerveuse et musculaire avec contraction
utérine. Si les manifestations objectives sont telles,
quelles
sont les manifestations qu'on peut observer du
côté
subjectif ? Il y a une preuve remarquable de l'indifférence
générale avec laquelle on a traité en
Europe,
jusqu'à ces derniers temps, les caractères,
même
assez constants et évidents, de la psychologie des femmes:
c'est que - pour autant que je sache, sans avoir fait des recherches
spéciales à ce sujet - personne n'a
noté avant
la fin du XVII° siècle le fait que l'allaitement
tend
à produire chez les femmes des émotions sexuelles
voluptueuses.
- En 1802, Cabanis a écrit que plusieurs femmes
allaitant
leurs enfants lui firent part de ce que la succion de l'enfant au
sein leur faisait éprouver une vive sensation de plaisir,
dans
laquelle les organes sexuels prenaient part à un certain
point
(Cabanis, L'influence des sexes. Rapports
du physique
et du moral de l'homme.).
- Il n'y a aucun doute que, chez
des
femmes saines, ce phénomène est excessivement
commun
pendant la lactation, bien que, en l'absence de toute enquête
méthodique et précise, on ne puisse pas affirmer
que
toute femme l'éprouve à un degré
quelconque, et
il est même très probable que tel n'est pas le
cas.
- Une
dame, parfaitement normale, dit qu'elle a éprouvé
des
sensations sexuelles plus fortes pendant l'allaitement de ses enfants
qu'elle n'en a jamais éprouvé avec son mari, mais
qu'elle a fait tout son possible pour réprimer ces
sensations
qu'elle considérait comme animales sous cette forme.
Plusieurs
autres femmes affirment que l'allaitement est la sensation physique
la plus délicieuse qu'elles aient jamais
éprouvée. Dans la plupart des cas, il
paraît
pourtant que ces sensations n'amènent pas le
désir de
rapports sexuels, et plusieurs femmes qui ont fait ces observations
n'ont eu aucun désir de coït pendant l'allaitement,
bien
qu'elles puissent avoir eu des besoins sexuels assez forts à
d'autres époques. Il est probable que cela correspond
à
la condition normale, et que les sensations voluptueuses
éveillées par l'allaitement sont suffisamment
satisfaites par l'enfant.
- Nous pouvons ajouter que plusieurs femmes
peuvent probablement dire, avec une dame citée par
Féré (Féré,
L'instinct
sexuel, 2°éd. p14), que le seul plaisir
sexuel
réel qu'elles aient jamais connu, c'est celui que leur cause
l'allaitement de leurs enfants.
Il
n'est pas difficile de voir
à quoi sert cette association normale de
l'émotion
sexuelle avec l'allaitement. Il est essentiel, pour la conservation
de la vie des jeunes mammifères, que les mères
aient un
motif sufflsant dans une sensation agréable pour les
déterminer à accepter les difficultés
de
l'allaitement. La méthode la plus directe pour obtenir le
degré nécessaire de sensation agréable
réside dans l'utilisation du réservoir
d'émotion
sexuelle dont on peut dire que les canaux sont
déjà
ouverts par l'action des organes sexuels sur les seins pendant la
grossesse. L'élément voluptueux de l'allaitement
peut
donc être regardé comme une ruse de la nature pour
assurer l'entretien de l'enfant. Cabanis semble avoir compris
l'importance de cette connexion, base de la sympathie entre la
mère et l'enfant
(La
satisfaction
instinctuelle ainsi éprouvée par la
mère
compense les frustrations causées par la
maternité, et
contribue a augmenter l'intensité de sa bonne relation avec
on
enfant (N. D. É.).).
- Plus près de
nous, Lombroso
et Ferrero ont signalé
(Lombroso et Ferrero, La
Donna delinquente, p. 438. ) que l'amour
maternel a une
base sexuelle dans l'élément du plaisir
vénérien, quoique le plus souvent faible, qui est
éprouvé pendant l'allaitement.
- Houzeau a
indiqué
que chez la majorité des animaux le rapport entre la
mère et sa progéniture n'est intime que pendant
la
période de l'allaitement, et cela est certainement en
relation
avec le fait que la femelle ne peut tirer du soulagement physique de
sa progéniture que pendant l'allaitement.
- J'ai
remarqué, en résidant dans une ferme, que les
vaches
font preuve parfois, mais pas souvent, de signes légers
d'excitation sexuelle avec une sécrétion
muqueuse,
pendant qu'on les trait. La fermière elle-même
observa
que « c'est comme si la vache était avec le
taureau.»
- La truie, comme certains autres mammifères,
mange
souvent ses propres petits ; on pense que c'est par méprise,
étant donné que le placenta est mangé
normalement par la plupart des mammifères; mais la truie ne
mange jamais ses petits une fois que ceux-ci ont
tété.
Il
arrive quelquefois que cette tendance normale de l'allaitement
à produire des émotions sexuelles voluptueuses
soit
poussée à un degré extrême
et puisse
conduire à des perversions sexuelles. Il ne paraît
pas
que les sensations sexuelles éveillées par
l'allaitement aillent d'habitude jusqu'au point culminant de
l'orgasme. Toutefois, cela fut observé dans un cas
décrit par Féré chez une femme
faiblement
névrosée qui éprouvait une excitation
sexuelle
intense pendant l'allaitement, surtout pendant l'allaitement
prolongé. Autant que possible, cette femme
abrégeait
les périodes d'allaitement pour éviter l'orgasme,
ce
qui ne lui réussissait pas toujours (Féré,
Archives de ncurologie, n° 30,
1903.).
Icard décrit le cas d'une femme qui
désirait la grossesse, uniquement à cause des
sensations voluptueuses qu'elle éprouvait pendant
l'allaitement, et Yellowlees parle « du caractère
écrasant des tempêtes du sentiment sexuel,
observées parfois pendant la lactation. » (Article «
Masturbation »,
Dictionary of
Psychologica Medicin)
Il faut remarquer que la
fréquence du rapport entre la lactation et les sensations
sexuelles est indiquée par le fait que, comme le dit Savage,
l'aliénation mentale lactationnelle est souvent
accompagnée d'hallucinations se rapportant aux organes
reproducteurs.
- Nous ajouterons que la connexion nerveuse entre les
bouts des seins et l'utérus n'est pas spécifique,
comme
l'a démontré Kurdinovsky par des
expériences sur
les lapins (Archiv fur Gynaekologie,
1907, t. LXXXI,
p. 340). La stimulation d'autres orifices, par exemple de
l'oreille, produit aussi une forte contraction de l'utérus.
« Tout stimulus appliqué n'importe où
à la
périphérie peut éveiller par
réflexe une
contraction utérine. » Ce fait est en rapport avec
la
sensibilité sexuelle générale de la
peau.
Quand
nous nous sommes rendu compte de la sensibilité
spéciale des régions orificielles et des rapports
particulièrement intimes entre les seins et les organes
sexuels, nous pouvons facilement comprendre le rôle
considérable que les seins jouent normalement dans l'art
d'aimer. Les seins constituent un des principàux
caractères sexuels secondaires de la femme et une de ses
principales beautés. Si les seins s'offrent aux
lèvres
de l'amant avec une attraction moins forte que la bouche, c'est
uniquement parce que la bouche est mieux à même de
répondre. Du côté de la femme, ce
contact est
souvent instinctivement désiré.
Comme le trouble
sexuel
de la grossesse est accompagné d'un trouble sympathique dans
les seins, ainsi l'excitation sexuelle produite par la
proximité de l'amant réagit sur les seins ; les
bouts
des seins deviennent turgescents et fermes, en sympathie avec le
clitoris ; la femme désire mettre son amant à la
place
de l'enfant, et elle éprouve une sensation où ces
deux
objets suprêmes de son désir sont confondus
délicieusement.
L'effet puissant sur la sphère
sexuelle
produit par la stimulation des bouts des seins a fait que les seins
jouent un rôle accentué dans l'art
érotique des
pays où cet art a été le plus
soigneusement
cultivé.
D'après Vatsyayana, par exemple,
plusieurs
auteurs de l'Inde sont d'avis qu'en approchant une femme l'amant doit
débuter en suçant les bouts des seins, et, dans
les
chants des bayadères de l'Inde méridionale, la
succion
des bouts des seins est mentionnée comme l'un des
préliminaires naturels du coït.
Dans certains cas,
et
surtout chez des personnes neurotiques, le plaisir sexuel obtenu par
la manipulation des bouts des seins dépasse les limites
normales ; on va jusqu'à le préférer
au
coït et il devient une perversion. On dit que dans des
écoles de filles, surtout en France, la succion et la
titillation des seins n'est pas rare. Chez les hommes aussi, la
titillation des mamelons produit parfois des sensations sexuelles (Féré, L'Instinct sexuel,
2°
éd.. p. 132.).
Hildebrandt cite le cas d'une
jeune
femme dont les mamelons avaient été
sucés par un
amant ; en tirant constamment ses seins, cette femme réussit
enfin à pouvoir les sucer elle-même, pour
atteindre de
la sorte un plaisir sexuel extrême.
A.-J. Bloch, de la
Nouvelle-Orléans, a observé le cas d'une femme
qui se
plaignait d'un gonflement des seins ; la manipulation la plus
légère produisait un orgasme, et on
découvrit
que le gonflement avait été produit avec
intention par
cette manipulation.
Moraglia a connu en Italie une femme
très
belle qui était parfaitement froide pour des relations
sexuelles normales, mais furieusement excitée lorsque son
mari
pressait ou suçait ses seins ; Lombroso a décrit
un cas
similaire : une femme qui manquait de sensibilité sexuelle
au
clitoris, au vagin ou aux lèvres, et qui n'avait pas de
satisfaction au coït sauf dans des positions très
étranges, mais qui possédait des sensations
sexuelles
intenses dans le mamelon droit et dans la partie supérieure
de
la cuisse (Lombroso, Archivio di
Psichiatria, 1855,
fasc.I).
- Il est remarquable que la lactation puisse
être
accompagnée d'un plaisir sexuel pour la mère ; il
ne
l'est pas moins que, dans certains cas, l'enfant aussi
éprouve
une sensation analogue. Cela ressort d'un cas intéressant
rapporté par Féré (Féré,
L'Instinet sexuel, 2°
éd..
p. 257) : un enfant du sexe féminin,
d'hérédité faiblement neurotique, fut
sevré à l'âge de quatorze mois, mais
son
désir pour les seins de sa mère était
si grand,
quoiqu'il fut déjà accoutumé
à d'autres
nourritures, que le sevrage n'eut lieu qu'avec une grande
difficulté et en permettant à l'enfant de
caresser les
seins nus plusieurs fois par jour.
- Cela continua ainsi pendant plusieurs mois :
ensuite la mère, devenue enceinte à nouveau,
voulut
mettre un terme à cet état de choses. Mais la
fillette
était si jalouse qu'on dut lui cacher le fait que sa
soeur
cadette était allaitée, et une fois, à
l'âge de trois ans, voyant son père aider sa
mère
à se déshabiller, elle devint violemment jalouse
de son
père. Cette jalousie et cette passion pour les seins
maternels
durèrent jusqu'à l'âge de la
puberté,
quoiqu'elle ait appris à les cacher.
- A treize ans, aux
débuts de la menstruation, elle observa, en dansant avec ses
meilleures amies, que, lorsque ses seins venaient en contact avec les
seins des autres, elle éprouvait une sensation
très
agréable avec érection des mamelons ; mais ce ne
fut
qu'à l'âge de seize ans qu'elle observa que la
région sexuelle prenait part à cette excitation
et
devenait humide. Dès ce moment, elle eut des rêves
érotiques concernant des jeunes filles. Elle
n'éprouva
jamais aucune attraction vers les jeunes hommes, mais elle se maria.
Elle avait beaucoup d'estime et d'affection pour son mari, mais elle
n'éprouva jamais qu'un faible plaisir sexuel dans ses bras,
et
seulement en évoquant des images féminines. Ce
cas,
où les sensations d'un bébé au sein
forment le
point de départ d'une perversion sexuelle qui.continua
à travers la vie entière, est unique, pour autant
que
je sache.
- (Féré,
souvent oublié, apparaît
ici comme un précurseur de la théorie freudienne
des
instincts.
La fixation à la mère comme objet
d'amour
exclusif, préparant l'homosexualité
ultérieure,
a été manifestement favorisée dans le
cas
présent par l'hyperexcitation sexuelle de l'enfant au stade
oral, présentée comme permettant le sevrage (N.
D.
É.).) »
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- chapitre II Le
toucher -
chapitre III .
Le toucher
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