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 Le toucher
Le toucher - chapitre I  Le toucher - chapitre II . Le toucher - chapitre III .Le toucher - chapitre IV et V .Le toucher - appendice A .
 Tome II - Chapitre III  images/logoPdf8k.jpg 11 pages
Les notes de bas de page ont été incluses dans le texte. 
NDA = note de l'auteur, en 1935 ; NDÉ : note de l'éditeur, en 1964
« Les centres sexuels secondaires de la peau. - Les contacts d'orifices. - Cunnilingus et fellatio. - Le baiser. - Les bouts des seins. - La connexion des seins avec les centres sexuels primaires. - Comment cette connexion opère autant par les nerfs que par le sang. - L'influence de l'allaitement sur les centres sexuels. - L'allaitement et l'émotion sexuelle. - La signification du rapport entre l'allaitement et l'émotion sexuelle. - Ce rapport comme cause de perversité sexuelle.
Nous avons vu que la peau en général possède un degré élevé de sensibilité, qui tend fréquemment à s'associer d'une manière plus ou moins définie avec les centres sexuels. 
Nous avons vu aussi que la sensation sexuelle centrale et spécifique, l'étreinte sexuelle elle-même, est, à un haut degré, une sorte de réflexe cutané spécialisé. 
Entre les sensations cutanées généralisées et le grand centre primaire et sexuel de sensation, il y a certains centres sexuels secondaires qui, en raison de leur importance, seront considérés ici succinctement. Ces centres secondaires ont ceci de commun qu'ils impliquent toujours les entrées et les sorties du corps, c'est-à-dire les endroits où la peau se transforme en membrane muqueuse, et où, au cours de l'évolution, la sensibilité tactile est devenue très raffinée. On peut dire en général de ces régions frontières du corps que leur contact avec les mêmes régions ou des régions analogues d'une personne du sexe opposé, sous certaines conditions favorables à la tumescence, aura une tendance à produire un degré minimum et parfois même un degré maximum d'excitation sexuelle. 
Le contact de ces régions entre elles ou avec la région sexuelle elle-même stimule si étroitement le réflexe sexuel central qu'il se forme des canaux pour la même énergie nerveuse et que des centres sexuels secondaires se constituent. Il est important de se rappeler que les phénomènes que nous considérons ici sont essentiellement normaux. Plusieurs de ces phénomènes recoivent communément le nom de perversion 
(Freud insistera lui aussi, sur les frontières fort imprécises de la normalité et de la perversion, en particulier dans la sexualité infantile, et qualifiera l'enfant normal de « pervers polymorphe » (N. D. É))
Mais en tant qu'ils aident à la tumescence, il faut les regarder comme entrant dans le champ des variations normales. 
On peut les considérer comme non esthétiques, mais c'est un point de vue tout différent. Il faut d'ailleurs se rappeler que les valeurs esthétiques se modifient sous l'influence de l'émotion sexuelle. Du point de vue de l'amant, beaucoup de choses sont belles, qui sont le contraire de tout autre point de vue, et plus l'amant est possédé par sa passion, plus son étalon esthétique normal est sujet à modification. Une considération superficielle des phénomènes chez les civilisés et chez les demi-civilisés suffit amplement à démontrer quel tort on a d'introduire des évaluations esthétiques dans la sphère sexuelle, comme le font si souvent des auteurs non scientifiques qui s'occupent de ce sujet. Du point de vue normal de la vie quotidienne, le processus tout entier du sexe n'est pas esthétique, sauf aux étapes premières de la tumescence.

(Jonas Cohn, Allgemeine Æsthetik, 1901, p. Il, affirme que la psychologie n'a rien a faire avec le bon ou le mauvais goût. « La différence entre le bon goût et le mauvais goût n'a aucune signification pour la psychologie. Pour cette raison, les conceptions fondamentales de l'esthétique ne peuvent dériver de la psychologie. » I1 est douteux que cette opinion soit à accepter sous une forme aussi absolue (N. D. A.)). 
Pour autant que les excitations sexuelles constituent une partie de la phase de tumescence, il faut considérer leur utilisation comme tombant dans la sphère de la variation normale, ainsi que nous pouvons l'observer chez plusieurs animaux. 
Mais lorsque des contacts d'autres orifices que les organes mâles et femelles véritables sont utilisés pour procurer non seulement la tumescence, mais la détumescence, ces contacts deviennent des perversions au sens strict et technique. Ce sont des perversions exactement au même sens que les méthodes de rapports sexuels qui impliquent l'usage des préservatifs pour éviter la fécondation. 
Mais la question esthétique demeure toujours la même. Il est nécessaire que cela soit exposé clairement, car sur ce point les confusions sont très communes. 
Le caractère sexuel essentiel de la sensibilité des contacts orificiels est démontré par le fait que cette sensibilité peut éventuellement se développer même dans la première enfance. Cela ressort pleinement d'un cas rapporté par Féré. Une fillette de quatre ans, de tempérament nerveux et sujette à des attaques de colère, pendant lesquelles elle se roulait par terre et déchirait ses vêtements, sortit un jour dans le jardin au cours d'une attaque et se jeta à moitié nue dans l'herbe. Pendant qu'elle était étendue ainsi, deux chiens arrivèrent avec lesquels elle avait l'habitude de jouer et ces chiens commencèrent à lécher les parties découvertes de son corps. Il arriva ainsi qu'un chien lécha la bouche et l'autre les parties sexuelles de l'enfant. La fillette éprouva un choc de sensation intense qu'elle n'a jamais pu depuis ni oublier ni décrire, et en même temps il se produisit une tension délicieuse des organes sexuels. L'enfant se leva et se sauva avec un sentiment de honte, bien qu'elle ne pût pas comprendre ce qui était arrivé. L'impression ainsi produite fut si profonde qu'elle dura sa vie entière et fut le point de départ de perversions sexuelles ; ainsi plus tard le contact d'une langue de chien avec sa bouche suffit à lui donner du plaisir sexuel (Féré, Archives de neurologie. 1903, n° 90.)
Je n'ai pas l'intention de discuter ici ni le cunnilingus (application de la bouche au pudendum femelle), ni la fellation (application de la bouche à l'organe mâle). L'intermédiaire dans le premier cas est un homme, en cas de rapports normaux hétérosexuels ; dans le second cas, c'est une femme. Ce ne sont pas simples phénomènes tactiles, mais ils impliquent plusieurs autres éléments physiques et psychiques. 
Le cunnilingus était une manifestation très familière aux temps classiques, ce qui ressort des allusions fréquentes et le plus souvent méprisantes d'Aristophane, Juvénal, et plusieurs autres auteurs grecs et romains. Les Grecs regardaient cette pratique comme d'origine phénicienne, de même qu'on la regarde maintenant à faux, comme d'origine française. Cette pratique a tendance à dominer surtout en des périodes de civilisation élevée. 
La fellation a été également répandue, aux temps anciens comme aux temps modernes, et on la considère surtout comme pratiquée par des hommes invertis. 
On peut admettre que le cunnilingus aussi bien que la fellation sont pratiqués par les deux sexes, par des personnes saines ou morbides, dans des rapports hétérosexuels ou homosexuels. Ils ont peu d'importance psychologique, sauf lorsqu'ils sont pratiqués à l'exclusion des rapports sexuels normaux. Dans ce dernier cas, ils deviennent des perversions, et, comme tels, ils ont tendance à s'associer à plusieurs conditions de dégénérescence bien que ces associations ne soient pas nécessaires. 
Le caractère essentiellement normal du cunnilingus et de la fellation, lorsqu'ils surviennent comme des incidents dans le processus de tumescence, est démontré par le fait que nombre d'animaux les pratiquent. C'est le cas, par exemple, chez les chiens. Moll constate qu'il n'est pas rare que la chienne, tandis qu'elle est sous le chien, mais avant l'intromission, modifie sa position pour lécher le pénis, évidemment par suite d'une impulsion instinctive et pour augmenter l'excitation du chien et la sienne. Après cela, la chienne reprend sa position normale. 
Le cunnilingus est une pratique constante chez les animaux.
(Rosenbaum Geschichte der Lustseuche im Altertume, 5e éd pp. 260-278 ; Moll, Untersuchungen uber die Libido sexualis, t. 1, pp. 134, 369 ; Bloch, Beitrage zur Ætiologie der Psychopathia sexualis, t. Il, pp. 216 sq.). 
L'occurrence du cunnilingus comme un épisode sexuel de tumescence chez les races humaines primitives trouve une illustration frappante dans certaine pratique des indigènes des îles Carolines (Rapporté par Kubary dans son étude ethnographique de ce peuple et cité par Ploss et Bartels, Das Weib, t. 1. ). C'est ainsi que l'homme place un morceau de poisson entre les lèvres, tout en stimulant celles-ci de sa langue et de ses dents, jusqu'au moment où la femme urine sous l'empire de l'excitation sexuelle. On considère que c'est l'indication du moment propice pour avoir des rapports. Une telle pratique repose avant tout sur des faits physiologiques, quelle que puisse être l'opinion qu'on s'en forme d'un point de vue esthétique.
Le contraste entre le point de vue esthétique normal et celui de l'amant est bien illustré, pour ces matières, par les documents suivants. 
Le docteur A.-B. Holder remarque sur la fellation, au cours de sa description des Amérindiens Boté : « De toutes les variétés de perversion sexuelle, celle-ci me semble être la plus dégradante qu'on puisse imaginer. » 
Il y a, d'autre part, dans une communication que m'a envoyée un savant d'une distinction intellectuelle supérieure, la constatation suivante : « J'affirme que, de tous les actes sexuels, la fellation est au plus haut degré une affaire de sympathie et d'imagination. » 
Il faut observer qu'il n'y a aucune contradiction entre ces deux affirmations et que chacune des deux est justifiée, selon que nous adoptons le point de vue du spectateur ordinaire ou celui de l'amant passionné, désireux de fournir une preuve décisive de son amour. Nous devons ajouter que d'un point de vue scientifique nous n'avons aucun droit de prendre parti pour une appréciation plutôt que pour l'autre. 
Dans ce groupe entier de phénomènes, l'exemple le plus typique et le plus répandu est sans doute le baiser.
Nous avons dans les lèvres une région frontière, entre peau et membrane muqueuse, qui est très sensible et ressemble sous bien des rapports à l'orifice vulvo-vaginal. L'importance du baiser est renforcée encore par les mouvements actifs de la langue, qui est encore plus sensible que les lèvres. Le contact intime et prolongé de ces régions, sous des conditions favorables à la tumescence, doit donc produire un courant puissant de stimulation nerveuse Après les contacts auxquels les régions sexuelles elles-mêmes prennent une part directe, il n'existe sans doute aucun canal plus important que le baiser, pour diriger la force nerveuse vers la sphère sexuelle.
Nulle part on n'a reconnu cela comme en France, où les lèvres d'une jeune fille sont religieusement réservées à son amant, à un tel point que parfois des jeunes filles se figurent que le côté physique tout entier de l'amour ne consiste que dans un baiser sur la bouche. Une femme intelligente, Mme Adam, a décrit l'agonie qu elle éprouva dans sa jeunesse lorsqu'elle reçut un baiser d'un homme sur les lèvres et s'imagina ainsi avoir perdu sa vertu.
Bien que les lèvres occupent la position très importante d'un foyer sexuel secondaire dans la sphère tactile le baiser est - contrairement au cunnilingus et à la fellation - limité à l'homme, en grande partie à l'homme civilisé. Il est le résultat d'une évolution compliquée, qui a ses débuts en dehors de la sphère tactile, et dont la discussion serait pour cette raison déplacée ici. Nous traiterons ailleurs de son développement (Voir Appendice A : L'origine du baiser.).
Il y a encore une autre région frontière orificielle qui est un foyer sexuel tactile de haute importance : le bout du sein. Les seins ont cette signification spéciale, parmi les centres sexuels, qu'ils existent primairement, non pour le contact de l'amant, mais pour le contact de l'enfant. Et c'est là sans doute le fait fondamental sur lequel se sont développés tous les contacts tactiles dont nous avons à nous occuper ici. 
La sensibilité sexuelle des lèvres de l'amant ou de l'amante à des contacts d'orifices s'est développée à partir de la sensibilité des lèvres de l'enfant pour le contact avec les bouts des seins de la mère. C'est à cause de cette évolution que nous sommes obligés ici de considérer la valeur précise des seins comme centre sexuel. La fonction des seins, organes qui secrètent le lait, doit commencer au moment même où l'enfant est privé de la nutrition qui provient du contact direct avec le sang de la mère. Pour cette raison il est essentiel que le rapport entre les organes sexuels proprement dits, plus spécialement la matrice, et les seins soit excessivement intime, afin que les seins soient capables de répondre convenablement à la demande des lèvres de l'enfant dès le moment de la naissance. Cette connexion est réellement très intime, tellement intime qu'elle a lieu par deux voies tout à fait distinctes : par le système nerveux et par le sang. 
À l'âge de la puberté, les seins des jeunes filles entrent parfois en sympathie étroite avec l'évolution des organes sexuels, bien que le gonflement des seins à cette époque ne soit pas normalement un processus glandulaire. Aux périodes de la menstruation, des sensations aux seins ne sont pas rares non plus. Mais les changements décisifs aux seins n'ont lieu qu'après l'imprégnation. 
« Aussitôt que l'ovule est imprégné, c'est-à dire en quelques jours, des changements apparaissent aux seins, des changements aussi élaborés que ceux dans l'utérus et dans le vagin, qui, dès le début de la grossesse, préparent le travail qui se produira neuf mois plus tard. Ce sont des changements dans le sens d'une activité rehaussée des fonctions. Un organe qui, jusque-là, était tout à fait passif, sans activité de circulation et sans les effets de cette activité, commence à augmenter en activité et en étendue et continue d'augmenter ainsi pendant la grossesse (W. D. A. Griffith, The Diagnosis of pregnancy, British medical Journal, 11 avril 1903.). » 
L'association entre les seins et l'utérus est si évidente qu'elle n'a pas échappé aux peuples primitifs, qui sont souvent d'excellents observateurs. Il y a tout au moins une tribu primitive chez laquelle l'activité des seins au moment de l'imprégnation est clairement reconnue. Les Sinaugolo de la Nouvelle-Guinée britannique considèrent que la conception a lieu dans les seins ; pour cette raison, ils estiment que le coït ne doit jamais être pratiqué avant que l'enfant soit sevré ; autrement, I'enfant pourrait s'imbiber de semen en même temps que de lait (Seligmann, Journal of the Anthropological Institute juillet-déeembre 1902, p. 298.)
Nous arrivons ainsi naturellement à la supposition que ce rapport entre l'activité de l'utérus et l'activité glandulaire des seins est un rapport nerveux, par l'intermédiaire de la corde spinale et un rapport semblable existe certainement et joue un rôle très important dans l'action stimulante des seins sur les organes sexuels. Mais le fait que la sécrétion de lait aura lieu à la parturition, même si le rapport nerveux a été détruit prouve qu'il y a un canal de communication plus direct encore que le système nerveux. 
Mironoff a découvert que, lorsque la glande mammaire est complètement séparée du système nerveux central, la sécrétion continue tout de même, quoique légèrement diminuée. À deux chèvres, il coupa ces nerfs peu de temps avant la parturition : après la naissance, les mamelles gonflèrent tout de même et fonctionnèrent normalement (Archives des sciences biologiques, Saint-Pétersbourg 1896 résumé dans L 'Année biologique, 1895, p. 329) 
Ribbert a excisé la glande mammaire d'une jeune lapine et transplanté cette glande dans I'oreille. Cinq mois plus tard la lapine eut des petits et la glande sécréta du lait en abondance. 
On a rapporté le cas d'une femme dont la corde spinale fut détruite par un accident au niveau de la cinquième et de la sixième vertèbre dorsale. Pourtant la lactation était parfaitement normale (British medical Journal, 5 août 1899 p. 374)
Nous sommes portés à supposer qu'il y a une espèce de changement chimique dans le sang, une sécrétion interne de l'utérus ou des ovaires, qui agit comme un stimulant direct sur les seins 
(Il y a un examen détaillé du rapport entre les seins et les organes sexuels, par Temesvary, dans le Journal of Obstetrics and gvnocology of the British Empire, juin 1903. Mais les conclusions ne sont pas inattaquables (N D A))
Le fait que l'enlèvement des deux ovaires pendant la grossesse ne suffit pas pour empêcher la lactation semble indiquer que cette sécrétion hypothétique provient de l'utérus plutôt que des ovaires.
(Cette intuition a été vérifiée d'un déclenchement hormonal de la lactation, mais par sécrétion hypophysaire et non utérine (N.D.É.))
Plus récemment, Claypon et Starling ont affirmé, sur la foi du résultat de l'enlèvement de l'utérus et des ovaires chez des lapines à diverses phases de grossesse, que la lactation ne provient pas de l'excitation des glandes mammaires par des substances spéciales produites par les autres organes de la génération, mais de la cessation d'un stimulus qui pendant la grossesse était responsable du développement des glandes. Ils considèrent ce stimulus comme produit par une substance chimique spécifique (hormone) qui provient de l'ovule fertilisé et cause le développement des seins tout en prohibant leur fonction (Proceedings of the Royal Soeiety, t. 77, 1906.)
Mais quelque complexes et mal comprises que soient les communications des organes sexuels avec les seins, la communication inverse des seins avec les organes sexuels est sans doute en majeure partie nerveuse. Lorsque l'enfant est mis au sein, après la naissance, la succion des bouts des seins cause une contraction réflexe de l'utérus, et plusieurs savants, mais pas tous, sont d'avis que, chez une femme qui n'allaite pas son enfant, il y a quelque risque que l'utérus ne retourne pas à sa forme normale. 
On a aussi affirmé que donner le sein à un enfant pendant les premiers mois de la grossesse cause un si fort degré de contraction utérine que l'avortement peut s'ensuivre. 
Freud a observé en Allemagne que la stimulation des bouts des seins par un appareil électrique produisait la contraction de l'utérus fécondé. Autrefois on recommandait d'irriter les bouts des seins afin d'exciter l'utérus à l'action parturitive. Simpson expose que cela peut difflcilement produire l'effet désiré, mais il pense qu'en plaçant un enfant au sein après le début du travail d'enfantement on peut augmenter l'action utérine (J-Y. Simpson, Obstetric Memoirs, t. 1, p. 836, voir aussi Feré, L'instinct sexuel, 2° édition p. 132). 
L'influence de la lactation sur l'utérus, en prévenant le retour de la menstruation, est bien connue. D'après une enquête sur 900 cas en Angleterre, par Remfry, il y a eu dans 57 % des cas absence de menstruation pendant la lactation (L. Remfry, communication à la Société d'Obstétrique,1896 Résumée dans British medical Journal,1896). 
Bendix a observé en Allemagne qu'à peu près dans 40 % de 140 cas il n'y avait pas de menstruation pendant la lactation (Communication au Congrès, à Dusseldorf, en 1899 à la Société des naturalistes et des médecins allemands). 
Si un enfant n'est pas allaité par la mère, la menstruation a tendance à réapparaître environ six mois après l'accouchement.
Il est possible que les opinions divergentes des spécialistes sur l'influence nécessairement favorable de la lactation pour favoriser le retour de l'utérus à sa forme normale proviennent d'une confusion de deux influences distinctes : l'action réflexe des bouts de seins sur l'utérus et les effets de la sécrétion glandulaire prolongée des seins chez des personnes affaiblies. 
La lactation détermine sans doute une contraction utérine, et, d'après Vimberg, il peut même arriver chez des femmes saines que l'utérus soit temporairement plus petit pendant la lactation qu'avant l'imprégnation, en produisant ainsi ce qu'on appelle « l'atrophie de lactation ». Mais, chez ces femmes affaiblies, l'effort de la production de lait peut conduire à une absence générale de force musculaire, et alors l'involution de l'utérus est empêchée par la lactation plutôt que favorisée. 
En tout cas, il faut donc regarder le bout du sein comme un organe érectile, pourvu en abondance de nerfs et de vaisseaux. Cet organe, stimulé par les lèvres de l'enfant, ou par une compression similaire, et même sous l'influence d'émotions ou de froid, devient ferme, vient en érection surtout comme suite de la contraction musculaire. Car, différent du pénis et du clitoris, le bout du sein ne contient pas de tissu érectile véritable et n'est que peu capable d'engorgement vasculaire (Hellier On the nipple reflex, British medical Journal, 7 nov 189). Il faut donc supposer qu'une impulsion tend à être transmise par la corde spinale aux organes sexuels, en mettant en activité un degré plus ou moins grand d'excitation nerveuse et musculaire avec contraction utérine. Si les manifestations objectives sont telles, quelles sont les manifestations qu'on peut observer du côté subjectif ? Il y a une preuve remarquable de l'indifférence générale avec laquelle on a traité en Europe, jusqu'à ces derniers temps, les caractères, même assez constants et évidents, de la psychologie des femmes: c'est que - pour autant que je sache, sans avoir fait des recherches spéciales à ce sujet - personne n'a noté avant la fin du XVII° siècle le fait que l'allaitement tend à produire chez les femmes des émotions sexuelles voluptueuses.
En 1802, Cabanis a écrit que plusieurs femmes allaitant leurs enfants lui firent part de ce que la succion de l'enfant au sein leur faisait éprouver une vive sensation de plaisir, dans laquelle les organes sexuels prenaient part à un certain point (Cabanis, L'influence des sexes. Rapports du physique et du moral de l'homme.). 
Il n'y a aucun doute que, chez des femmes saines, ce phénomène est excessivement commun pendant la lactation, bien que, en l'absence de toute enquête méthodique et précise, on ne puisse pas affirmer que toute femme l'éprouve à un degré quelconque, et il est même très probable que tel n'est pas le cas. 
Une dame, parfaitement normale, dit qu'elle a éprouvé des sensations sexuelles plus fortes pendant l'allaitement de ses enfants qu'elle n'en a jamais éprouvé avec son mari, mais qu'elle a fait tout son possible pour réprimer ces sensations qu'elle considérait comme animales sous cette forme. Plusieurs autres femmes affirment que l'allaitement est la sensation physique la plus délicieuse qu'elles aient jamais éprouvée. Dans la plupart des cas, il paraît pourtant que ces sensations n'amènent pas le désir de rapports sexuels, et plusieurs femmes qui ont fait ces observations n'ont eu aucun désir de coït pendant l'allaitement, bien qu'elles puissent avoir eu des besoins sexuels assez forts à d'autres époques. Il est probable que cela correspond à la condition normale, et que les sensations voluptueuses éveillées par l'allaitement sont suffisamment satisfaites par l'enfant. 
Nous pouvons ajouter que plusieurs femmes peuvent probablement dire, avec une dame citée par Féré (Féré, L'instinct sexuel, 2°éd. p14), que le seul plaisir sexuel réel qu'elles aient jamais connu, c'est celui que leur cause l'allaitement de leurs enfants. 
Il n'est pas difficile de voir à quoi sert cette association normale de l'émotion sexuelle avec l'allaitement. Il est essentiel, pour la conservation de la vie des jeunes mammifères, que les mères aient un motif sufflsant dans une sensation agréable pour les déterminer à accepter les difficultés de l'allaitement. La méthode la plus directe pour obtenir le degré nécessaire de sensation agréable réside dans l'utilisation du réservoir d'émotion sexuelle dont on peut dire que les canaux sont déjà ouverts par l'action des organes sexuels sur les seins pendant la grossesse. L'élément voluptueux de l'allaitement peut donc être regardé comme une ruse de la nature pour assurer l'entretien de l'enfant. Cabanis semble avoir compris l'importance de cette connexion, base de la sympathie entre la mère et l'enfant
(La satisfaction instinctuelle ainsi éprouvée par la mère compense les frustrations causées par la maternité, et contribue a augmenter l'intensité de sa bonne relation avec on enfant (N. D. É.).).
Plus près de nous, Lombroso et Ferrero ont signalé (Lombroso et Ferrero, La Donna delinquente, p. 438. ) que l'amour maternel a une base sexuelle dans l'élément du plaisir vénérien, quoique le plus souvent faible, qui est éprouvé pendant l'allaitement. 
Houzeau a indiqué que chez la majorité des animaux le rapport entre la mère et sa progéniture n'est intime que pendant la période de l'allaitement, et cela est certainement en relation avec le fait que la femelle ne peut tirer du soulagement physique de sa progéniture que pendant l'allaitement. 
J'ai remarqué, en résidant dans une ferme, que les vaches font preuve parfois, mais pas souvent, de signes légers d'excitation sexuelle avec une sécrétion muqueuse, pendant qu'on les trait. La fermière elle-même observa que « c'est comme si la vache était avec le taureau.» 
La truie, comme certains autres mammifères, mange souvent ses propres petits ; on pense que c'est par méprise, étant donné que le placenta est mangé normalement par la plupart des mammifères; mais la truie ne mange jamais ses petits une fois que ceux-ci ont tété. 
Il arrive quelquefois que cette tendance normale de l'allaitement à produire des émotions sexuelles voluptueuses soit poussée à un degré extrême et puisse conduire à des perversions sexuelles. Il ne paraît pas que les sensations sexuelles éveillées par l'allaitement aillent d'habitude jusqu'au point culminant de l'orgasme. Toutefois, cela fut observé dans un cas décrit par Féré chez une femme faiblement névrosée qui éprouvait une excitation sexuelle intense pendant l'allaitement, surtout pendant l'allaitement prolongé. Autant que possible, cette femme abrégeait les périodes d'allaitement pour éviter l'orgasme, ce qui ne lui réussissait pas toujours (Féré, Archives de ncurologie, n° 30, 1903.).
Icard décrit le cas d'une femme qui désirait la grossesse, uniquement à cause des sensations voluptueuses qu'elle éprouvait pendant l'allaitement, et Yellowlees parle « du caractère écrasant des tempêtes du sentiment sexuel, observées parfois pendant la lactation. » (Article « Masturbation », Dictionary of Psychologica Medicin)
Il faut remarquer que la fréquence du rapport entre la lactation et les sensations sexuelles est indiquée par le fait que, comme le dit Savage, l'aliénation mentale lactationnelle est souvent accompagnée d'hallucinations se rapportant aux organes reproducteurs.
Nous ajouterons que la connexion nerveuse entre les bouts des seins et l'utérus n'est pas spécifique, comme l'a démontré Kurdinovsky par des expériences sur les lapins (Archiv fur Gynaekologie, 1907, t. LXXXI, p. 340). La stimulation d'autres orifices, par exemple de l'oreille, produit aussi une forte contraction de l'utérus. « Tout stimulus appliqué n'importe où à la périphérie peut éveiller par réflexe une contraction utérine. » Ce fait est en rapport avec la sensibilité sexuelle générale de la peau.
Quand nous nous sommes rendu compte de la sensibilité spéciale des régions orificielles et des rapports particulièrement intimes entre les seins et les organes sexuels, nous pouvons facilement comprendre le rôle considérable que les seins jouent normalement dans l'art d'aimer. Les seins constituent un des principàux caractères sexuels secondaires de la femme et une de ses principales beautés. Si les seins s'offrent aux lèvres de l'amant avec une attraction moins forte que la bouche, c'est uniquement parce que la bouche est mieux à même de répondre. Du côté de la femme, ce contact est souvent instinctivement désiré.
Comme le trouble sexuel de la grossesse est accompagné d'un trouble sympathique dans les seins, ainsi l'excitation sexuelle produite par la proximité de l'amant réagit sur les seins ; les bouts des seins deviennent turgescents et fermes, en sympathie avec le clitoris ; la femme désire mettre son amant à la place de l'enfant, et elle éprouve une sensation où ces deux objets suprêmes de son désir sont confondus délicieusement.
L'effet puissant sur la sphère sexuelle produit par la stimulation des bouts des seins a fait que les seins jouent un rôle accentué dans l'art érotique des pays où cet art a été le plus soigneusement cultivé.
D'après Vatsyayana, par exemple, plusieurs auteurs de l'Inde sont d'avis qu'en approchant une femme l'amant doit débuter en suçant les bouts des seins, et, dans les chants des bayadères de l'Inde méridionale, la succion des bouts des seins est mentionnée comme l'un des préliminaires naturels du coït.
Dans certains cas, et surtout chez des personnes neurotiques, le plaisir sexuel obtenu par la manipulation des bouts des seins dépasse les limites normales ; on va jusqu'à le préférer au coït et il devient une perversion. On dit que dans des écoles de filles, surtout en France, la succion et la titillation des seins n'est pas rare. Chez les hommes aussi, la titillation des mamelons produit parfois des sensations sexuelles (Féré, L'Instinct sexuel, 2° éd.. p. 132.).
Hildebrandt cite le cas d'une jeune femme dont les mamelons avaient été sucés par un amant ; en tirant constamment ses seins, cette femme réussit enfin à pouvoir les sucer elle-même, pour atteindre de la sorte un plaisir sexuel extrême.
A.-J. Bloch, de la Nouvelle-Orléans, a observé le cas d'une femme qui se plaignait d'un gonflement des seins ; la manipulation la plus légère produisait un orgasme, et on découvrit que le gonflement avait été produit avec intention par cette manipulation.
Moraglia a connu en Italie une femme très belle qui était parfaitement froide pour des relations sexuelles normales, mais furieusement excitée lorsque son mari pressait ou suçait ses seins ; Lombroso a décrit un cas similaire : une femme qui manquait de sensibilité sexuelle au clitoris, au vagin ou aux lèvres, et qui n'avait pas de satisfaction au coït sauf dans des positions très étranges, mais qui possédait des sensations sexuelles intenses dans le mamelon droit et dans la partie supérieure de la cuisse (Lombroso, Archivio di Psichiatria, 1855, fasc.I).
Il est remarquable que la lactation puisse être accompagnée d'un plaisir sexuel pour la mère ; il ne l'est pas moins que, dans certains cas, l'enfant aussi éprouve une sensation analogue. Cela ressort d'un cas intéressant rapporté par Féré (Féré, L'Instinet sexuel, 2° éd.. p. 257) : un enfant du sexe féminin, d'hérédité faiblement neurotique, fut sevré à l'âge de quatorze mois, mais son désir pour les seins de sa mère était si grand, quoiqu'il fut déjà accoutumé à d'autres nourritures, que le sevrage n'eut lieu qu'avec une grande difficulté et en permettant à l'enfant de caresser les seins nus plusieurs fois par jour. 
Cela continua ainsi pendant plusieurs mois : ensuite la mère, devenue enceinte à nouveau, voulut mettre un terme à cet état de choses. Mais la fillette était si jalouse qu'on dut lui cacher le fait que sa soeur cadette était allaitée, et une fois, à l'âge de trois ans, voyant son père aider sa mère à se déshabiller, elle devint violemment jalouse de son père. Cette jalousie et cette passion pour les seins maternels durèrent jusqu'à l'âge de la puberté, quoiqu'elle ait appris à les cacher. 
A treize ans, aux débuts de la menstruation, elle observa, en dansant avec ses meilleures amies, que, lorsque ses seins venaient en contact avec les seins des autres, elle éprouvait une sensation très agréable avec érection des mamelons ; mais ce ne fut qu'à l'âge de seize ans qu'elle observa que la région sexuelle prenait part à cette excitation et devenait humide. Dès ce moment, elle eut des rêves érotiques concernant des jeunes filles. Elle n'éprouva jamais aucune attraction vers les jeunes hommes, mais elle se maria. Elle avait beaucoup d'estime et d'affection pour son mari, mais elle n'éprouva jamais qu'un faible plaisir sexuel dans ses bras, et seulement en évoquant des images féminines. Ce cas, où les sensations d'un bébé au sein forment le point de départ d'une perversion sexuelle qui.continua à travers la vie entière, est unique, pour autant que je sache. 
(Féré, souvent oublié, apparaît ici comme un précurseur de la théorie freudienne des instincts.
La fixation à la mère comme objet d'amour exclusif, préparant l'homosexualité ultérieure, a été manifestement favorisée dans le cas présent par l'hyperexcitation sexuelle de l'enfant au stade oral, présentée comme permettant le sevrage (N. D. É.).)
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