Des
activités
d'éveil
Dr
Lucien Mias
- «
Sandra Zomerman raconte une histoire qui se déroule au
Moyen-âge. Trois ouvriers travaillent sur un chantier. Un
badaud passe et demande à chacun ce qu'il fait :
- -
Le premier dit : « Je pose des pierres les unes sur les
autres ».
- -
Le second dit : « Je construis un mur ».
- - Le
troisième dit : « Je bâtis une
cathédrale ».
Elle invite chaque apprenti en soin
à choisir un de ces trois ouvriers comme Maître de
stage : le
premier qui valorise le geste, le second l'objectif
immédiat, le troisième la finalité. De nos jours on
préfère répondre aux besoins en
fabriquant des "trucs" à la chaîne, vite
montés, vite utilisés, vite cassés,
soi-disant plus économiques, qu'on jette et qu'on
rachète... L'époque n'est plus à la
Quête, ni à l'édification de
cathédrales. Pourtant, nous sommes quelques uns à
penser qu'être infirmier, ça n'est pas seulement
répondre aux besoins, que ça n'est pas seulement
poser des pierres les unes sur les autres, que ça n'est pas
uniquement construire des murs, mais édifier un espace de
réflexion et de désir dans lequel
soignés et soignants auraient chacun une place. Nous sommes
quelques uns à penser qu'il faut jour après jour,
par un imperceptible "goutte à goutte" ou un laborieux
"pierre à pierre", tenter de bâtir de fragiles
citadelles sans cesse guettée par le néant.
» Marie Rajablat, Voyage au coeur du soin , La toilette,
éd Hospitalières, 1997
Dénommer
des soins de technique
relationnelle
- Pratiquer des activités dans le but de
stimuler les circuits neuronaux, peut paraître
superflu à ceux qui pensent qu'en Service de soins de longue
durée "il n'y a plus rien à faire". Cette opinion
reflète une vision unidimensionnelle, biologique, de
l'être humain. Il nous faut donc argumenter pour convaincre
que dans une vision pluridimensionnelle de l'art de soigner en Service
de soins de longue durée "tout reste à faire"...
avant d'exposer les exemples d'activités
réalisées.
- Nous avons
retenu le terme éveil, qui véhicule
l'idée d'attention et d'effort.
- Nous utilisons le terme activités
d'éveil, pour les activités que programment les
soignants en fin de matinée et certaines
après-midi. Le terme éveil véhicule
l'idée d'attention et d'effort du soignant pour prendre soin
des résidents.
- Nous réservons le terme "animation
occupationnelle" aux activités
récréatives proposés par des groupes
extérieurs venant donner un spectacle. Sans connotation
péjorative puisque ces animations exhaltent l'envie de
vivre.
- Les activités d'éveil ont
pour but de favoriser l'utilisation par la personne
âgée de ses circuits
cérébraux de mémoire, perception et
conceptualisation : l'utilisation de ses structures mentales.
Leur finalité diffère des activités de
conservation des gestes de la vie quotidienne. Ces dernières
sont un entraînement à la poursuite de gestes
mémorisés, de gestes d'habitude, qui
entretiennent des circuits neuronaux existants, mais ne mettent pas en
jeu de circuit nouveau.
Nous avons dans notre enfance appris les gestes de se laver,
s'habiller, etc., et nous les répétons
quotidiennement depuis engrangées dans notre
mémoire procédurale... à moins qu'un
excès d'aide nous entraîne à les
oublier. L'utilisation de ces fonctions ne doit pas être
mésestimée en Service de soins de longue
durée et les capacités restantes
méritent d'être entretenues.
Les préalables
- Analyse de situation de l'Unité de Soins de
Longue Durée
- La population
cible...
- Elle est atteinte dans ses fonctions
intellectuelles, est âgée et
désorientée, présente un
déficit cognitif, une démence par multi infarctus
ou du type Alzheimer et sundromes apparentés ... autant de mots différents
qui tentent de masquer nos ignorances devant des manifestations de
désorientation, d'erreurs dans la réalisation des
actes de la vie quotidienne, de comportements perturbateurs,
d'errance...
Les malades porteurs de ces syndromes ne sont pas semblables et n'ont
pas les mêmes besoins. Mais on ne peut pas
strictement classer cette population, car la polypathologie, constante
en gériatrie, vient rendre les limites bien
imprécises.
Il faut donc se contenter de définir cette
population comme « posant
essentiellement un problème de comportement »,
associé à des déficiences
additionnelles qui contribuent à
accélérer la détérioration
de l'estime de soi.
- Problèmes...
- de santé et handicaps physiques. Ce
qui rend la personne plus vulnérable à son
environnement et accentue la nécessité d'un
milieu de vie sain, sécurisant et facilitant la
mobilité.
- de perception sensorielle. Qui se
traduit par des pertes d'acuité auditive et visuelle
(réduction du champ de vision, sensibilité
à l'éblouissement, réduction de la
capacité de discriminer les couleurs, de localiser les
objets, de reconnaître les personnes).
- de la capacité à
accomplir les actes la vie quotidienne.
L'incapacité peut être aggravée par le
milieu institutionnel lui-même selon le choix du concept de
soins : aider ou faire à la place. Se substituer
à l'autre est parfois responsable de la naissance d'une
maladie.
- de comportements perturbateurs sociaux et
territoriaux. Ils représentent une source de
désagrément importante pour les personnes lucides
qui cohabitent et une souffrance pour les soignant
- On ne retourne
jamais en enfance...
- Les personnes âgées qui ont
été autonomes et responsables pendant leur vie
adulte savent intuitivement ou de façon
raisonnée, tirer les leçons de ce que la vie leur
présente, et même de leur actuelle
dépendance. Le temps qui passe est un maître
d'école.
Il arrive parfois qu'un accident de santé les fait
régresser et qu'elles aient alors besoin d'aide et de
stimulation pour remonter la pente ; chaque progrès vers
l'autonomie doit alors être remarqué,
souligné, encouragé par les soignants.
- L'examen des capacités restantes pour
l'utilisation des fonctions doit dégager les
possibilités que le sujet utilise lorsqu'il est
confronté à une tâche
précise à résoudre. Dans ce cas il
utilise ses acquisitions, ses expériences
antérieures, sédimentation culturelle de gestes.
- Du moins faut-il d'abord, vivre debout...
Les organes sensoriels qui transmettent les informations au cerveau, ne
fonctionnent de façon optimale que si le corps est en
position debout.
Les perceptions cérébrales sont tributaires de la
verticalisation et du déplacement du corps dans l'espace.
Aussi, pour un fonctionnement cérébral
performant, en éveil, est-il nécessaire que la
personne marche.
« La pensée sert à l'action, ou ne sert
à rien » dit Prajnânpad, philosophe
hindou, ce que le neurophysiologiste H. Laborit exprime aussi.
- « Un système nerveux ça
ne sert qu'à agir » H. Laborit.
- Nous passons quelques années de notre vie en
apprentissage alors que le restant de notre vie va se
dérouler dans la répétition de gestes
qui ne comportent aucun élément d'apprentissage.
Aimer ou imaginer
le changement, rechercher la formation permanente sont des
éléments à cultiver pour
éviter la désintégration
intellectuelle insidieuse de l'adulte... En ne
cultivant que des habitudes de gestes appris on perd peu à
peu l'habileté de perception et conceptualisation.
Il semble cependant que beaucoup de personnes ne peuvent remettre en
question leurs habitudes. Et si, pourtant, la remise en question de
soi-même était la clef de la liberté ?
La "connaissance de soi" nous amène à comprendre
que le développement personnel, l'épanouissement,
passe par une remise en cause de nos valeurs, et ce à chacun
des tournants de l'existence.
En Service de soins de longue durée, pour éviter
la désintégration intellectuelle des
Résidents, il convient d'utiliser une pédagogie
éducative d'intégration d'informations venant de
l'extérieur afin de maintenir une vie intérieure
de pensée : intelligence, faculté de lier les
choses, sensibilité, action.
- Tout est
langage... mais « codé »
- Si un asiatique vous demande des renseignements dans sa
langue direz-vous "Il est dément " ou "Il parle chinois" ?
Le décodage du discours est, là aussi, difficile.
- En institution, la souffrance du résident
cause un déphasage entre le bien-portant et celui qui
souffre ; tout envahissement d'angoisse de mort modifie la longueur
d'onde, le niveau de la communication.
Les propos délirants sont-ils la soupape de
sécurité d'une souffrance trop dure à
porter ? Souffrance cachée, enfouie depuis fort longtemps
qui dérègle la communication, voire la
personnalité : « Quand il n'y a plus de motif de
vivre le personnage que je suis ou que je crois être, je peux
m'en fabriquer un que je vais "jouer" par mon comportement et par mon
discours. » Psychogénèse
de certaines démences ?
Une adaptation à l'environnement,
nécessite de communiquer avec lui. Une communication
optimale est l'harmonie recherchée par l'homme avec
lui-même et avec son milieu ; donc avec les autres.
- La difficulté vient du fait que les
autres ne sont pas statiques mais changent sans arrêt,
d'où la nécessité d'une adaptation
dynamique.
- Selon les moments de la vie, le milieu, la culture,
chacun est appelé à entrer dans un
modèle de sens de vie associant le réel
vécu, les idées reçues, l'imaginaire.
Ce sens donné à la vie englobe le biologique, le
psychologique et le sociologique dans un cadre culturel
donné.
- Dans le cadre d'un EHPAD - lieu fixe et malades présentant, entre
autres, des troubles du comportement - cette communication avec le
monde environnant va utiliser certes le mode verbal mais, aussi et
surtout, le monde non-verbal. Le mode non-verbal s'intéresse
aux "vibrations" non formulées : il associe
l'affectivité, les comportements, les images, les sons, la
proximité humaine, le toucher.
- Tous ces langages "ressentis" activent le
système limbique stimulateur des perceptions
cérébrales d'une part, mais surtout lieu de
mémoire du narcissisme. Or, celui-ci permet de retrouver une
bonne image de soi (perdue du fait du changement de domicile),
condition préalable pour amorcer une vie sociale qui relance
la dynamique neuronale du désir de vivre. Être
désirant, à défaut d'être
désirable, empêche de devenir
"végétatif", "chômeur de projet".
- « Si seule la maladie me permet de
me faire reconnaître comme être vivant, il faut que
je sois malade pour qu'on s'occupe de moi. » Cas
fréquent : l'incontinence de "protestation "
- Ce processus ne se voit pas seulement chez les
personnes âgées, mais prend chez elles, la forme
d'un renoncement terminal : elles se laissent mourir.
- Nous remarquons que durant les quinze premiers
jours qui suivent l'entrée de la personne
âgée, celle-ci explore les lieux et ne
s'intéresse qu'à elle-même. Selon le
projet de soins et la qualité relationnelle des soignants,
elle va peu à peu s'intéresser à ce
qui est extérieur à elle ; puis aux
activités proposées en se demandant à
quoi elles servent ; enfin, après avoir exercé
ses talents, elle les réalise pour le plaisir
d'être et de faire.
- Nous sommes tous "des êtres
d'émotion avant que de raison" et la mémorisation
de l'information est d'abord tributaire du climat, de l'ambiance, dans
lequel elle est donnée. Les Résidents de EHPAD ne
dérogent pas à la règle.Vivre c'est
aussi rire, chanter, pleurer, discuter, toucher, sortir, aimer,
dormir... prendre soin de déguster sa vie.Sans projet de
soins de santé on ne se préoccupe que soins des
maladies, du repas et de l'hygiène.
- Prendre soin et traiter sont deux
modalités qui aident à fonctionner au mieux dans
l'environnement. Mais d'abord, prendre soin de tout ce qui entretient
les forces et le désir de vivre
- « Les
traitements sans les soins ne peuvent que nuire : pas une plante, pas
un animal ne le supporterait. Pour ce faire, il relève donc
impérativement de l'initiative et de la décision
infirmière de ne pas faire des traitements de simples
tâches d'exécution, mais de les restituer comme
complémentaires à tous les soins indispensables
pour maintenir le goût et le désir de vivre. »
M-F Collière
- La relation de
personne à personne est vitale et aide à vivre...
ou à revivre.
- Il est inutile de chercher à vouloir
démontrer à tous ceux qui ne raisonnent plus
"normalement", qui vivent hors du temps et de l'espace, que nous avons
raison et qu'ils ont tort. Cela ne sert que notre vaine satisfaction
personnelle et masque une insuffisance de notre savoir-percevoir : la
rencontre humaine n'est pas faite que de discours.
- Ces malades sont sensibles à notre
présence chaleureuse. Nos comportements qui montrent notre
« intelligence
du coeur », témoignent
qu'ils existent toujours pour nous. Gratification qui tisse des liens
affectifs et procure des moments de bien-être.
- À tout âge, les paroles ne
véhiculent que 7 % du message émis. Le ton de la
voix véhicule 38 % du message. Les gestes et mouvements
corporels véhiculent les 55% restants.
- Orientations du
projet de soins
- Tout projet est honorable, s'il est pleinement
assumé, s'il y a cohérence entre le discours et
la pratique. L'évaluation des résultats
obtenus vient ensuite pour apprécier les valeurs du projet.
- Notre projet, en
résumé : la médecine
adaptative tient compte du malade qui vit sa maladie dans un
environnement donné ; alors que la
médecine étiologique s'adresse essentiellement
à la maladie.
- Nos objectifs, quant à la prise en
compte des Résidents :
- améliorer leur fonctionnement sensoriel
;
- augmenter leur autonomie dans la
réalisation des actes de la vie quotidienne ;
- améliorer leurs fonctions cognitives, en
particulier l'orientation dans l'espace et dans le temps, les
mémoires ;
- augmenter l'utilisation active du temps ;
- augmenter la quantité d'interactions
sociales, la qualité des relations familiales ;
- améliorer l'image ou la perception que
les personnes ont d'elles-mêmes.
- Le cadre d'action de l'équipe
soignante, en résumé : management
participatif, hiérarchie de compétence,
évaluation RAI, plan de soins avec projet
individualisé d'autonomie fonctionnelle, polyvalence des
soignants pour les activités d'éveil.
- Tous les soignants sont impliqués
dans la recherche des conditions les plus adéquates du
soin.Les soignants, doivent se former à toujours avoir des
pensées positives, à voir le bon
côté des choses, à remarquer les
progrès même minimes. En fait, cette attitude sera
adaptée à la fois à la personne qu'ils
aident mais aussi à leur propre bien-être.
L'équipe soignante doit d'avoir bon moral et chacun des
membres de l'équipe doit se sentir soutenu par les autres,
même quand, et cela arrive inévitablement, des
événements bouleversants les touchent
personnellement.
S'occuper de personnes âgées est un travail
difficile physiquement et psychologiquement. C'est en effet une remise
en question quotidienne de soi-même, à accepter
avec une égalité d'humeur permanente.
- Pour
les soignants, ce qui donne envie d'exister, de progresser, ce qui
propulse vers l'avenir, se loge dans les projets à
édifier, dans de nouvelles perceptions à
intégrer.
- Les divers professionnels de santé
de formation distincte doivent apporter leurs savoir-percevoir et
savoir-faire différents, agir en
complémentarité, pour mettre en action ce qui
chez le patient âgé peut et doit fonctionner
d'abord, ses capacités restantes.
- Stimuler les capacités restantes,
au lieu de ne faire que la liste des incapacités
Privilégier le pragmatisme : se méfier
des mots et décrire avant de définir, car en
pathologie comportementale, la définition ne doit pas
être a priori, mais a posteriori. Utiliser les
symptômes offerts en tant que boussole d'orientation, la
catégorisation ne devant pas entraîner de
systématisation guillotine.
- Déduire
les capacités à partir des incapacités
ne conduit pas au même résultat qu'isoler les
incapacités à partir des capacités !
- La mise en évidence des
capacités restantes (souvent ignorées par la
personne elle-même) va permettre d'utiliser les moyens de
facilitation et les méthodes d'apprentissage. Elle ne suit
pas la même procédure et ne répond pas
aux mêmes intentions d'action thérapeutique que la
liste des déficits, cahier de doléances
réductionniste.
- Se centrer sur les
potentialités restantes permet de lutter contre
l'idée que les personnes âgées
présentant des troubles du comportement ont une insuffisance
cérébrale globale et permet d'introduire la
notion de déficits cognitifs fragmentaires
aggravés par l'entrée en institution.
- Voir, dans une bouteille remplie à
moitiéÉ une bouteille à
moitié pleine est une démarche de
pensée positive.
- Se centrer sur les potentialités
restantes permet de lutter contre l'idée que les personnes
âgées présentant des troubles du
comportement ont une insuffisance cérébrale
globale et permet d'introduire la notion de déficits
cognitifs fragmentaires aggravés par l'entrée en
institution.
- Rentrer en institution, provoque une modification
de l'espace-temps qui touche à notre conception de
l'existence : c'est l'utilisation de l'espace et du temps qui nous ont
fait « devenir ce que nous sommes.»
- Brutalement, il y a "rupture" du temps, coupure
avec le fonctionnement habituel ; l'espace se
rétrécit, en marge de la vie
extérieure ; l'espace est imposé : la personne ne
peut modifier son environnement que partiellement, dans sa chambre.
- Il faut
toujours du grain à moudre... sinon on broie du noir
- La réalisation des soins au quotidien nous
apprend que le
savoir-être, le savoir-percevoir et le savoir-faire,
conditionnent l'utilisation du savoir. Et que
c'est dans une situation de responsabilité
que se fixent les connaissances vraies, celles qui profitent avant tout
au patient.
- Aussi doit-il y avoir une place pour la critique
des connaissances, afin de déterminer leur origine logique,
leur valeur et leur portée : les concepts doivent
être considérés comme provisoires et
révocables.
- Vivre debout
Les organes sensoriels qui transmettent
les informations au cerveau, ne fonctionnent de façon
optimale que si le corps est en position debout.
Les perceptions cérébrales sont tributaires de la
verticalisation et du déplacement du corps dans
l'espace.Aussi, pour un fonctionnement cérébral
performant, en éveil, est-il nécessaire que la
personne marche.Quand une personne est reçue
alitée les soignants doivent utiliser tous leurs talents
pour favoriser la déambulation.
- Soigner
l'environnement
L'équipe de Lawton,
à Philadelphie, qui a établi que plus la
compétence cérébrale de la personne
diminue, plus elle est affectée par un environnement nocif ;
un aménagement environnemental adapté peut
produire une amélioration considérable dans le
comportement d'une personne ayant des habiletés
diminuées.
Concept
d'activités
d'éveil intégrées
- Il est utopique de
croire que la majorité des institutions pour personnes
âgées auront les moyens économiques
(autrement dit, un coût "d'hébergement"
supportable par les familles) leur permettant d'intégrer
dans leur personnel des Infirmières (soins infirmiers) des
Aides Soignantes (soins du corps), des Aides Médico
Psychologiques (assistance), des Auxilliaires de vie (accompagner), des
Récréologues... Le taylorisme ne peut et ne doit
avoir cours si l'on veut une unité de lieu de temps et
d'action, répondant à un Projet de Vie
élaboré avec la participation de tous. Il faut
former pour réformer, en ayant en point de mire les
perspectives démographiques de 2020.
- Les
activités d'éveil sont des ateliers
thérapeutiques pris en charge par les soignants dont le
rôle ne se limite pas aux soins d'hygiène, ce qui
leur permet de rejoindre le résident, de le rencontrer sous
forme de rendez-vous quotidien, dans d'autres moments. Les
médiateurs de la relation dépendent des
désirs du résident mais aussi des aptitudes des
soignants. Ce
peut être le dessin, la terre, les jeux de
société, la cuisine, la lecture, la gymnastique,
le chant ou les promenades dans le jardin... Ce peut être
encore l'organisation de sorties au marché, à la
fête du quartier pour certains résidents et pour
d'autres un pique-nique à l'orée d'un bois. Ces
différentes activités sont planifiées
au titre d'un soin.
- Les
activités d'éveil ont pour but de favoriser
l'utilisation par la personne âgée de ses circuits
cérébraux de mémoire, perception et
conceptualisation : l'utilisation de ses structures mentales. Leur finalité diffère
des activités de conservation des gestes de la vie
quotidienne, entraînement à la poursuite de gestes
mémorisés depuis l'enfance (se laver, s'habiller,
etc.) qui entretiennent des circuits neuronaux existants mais ne
mettent pas en jeu de circuits nouveaux : nous les
répétons quotidiennement É
à moins qu'un excès d'aide nous
entraîne à les oublier !
- La personne
âgée, est à considérer comme
un être vivant, riche d'un vécu
antérieur, d'une émotivité, d'une
affectivité, de désirs.
- Les
activités d'éveil sont des moyens pour donner
à la personne l'envie d'exister jour après jour
jusqu'à la mort. Elles sollicitent le potentiel sensoriel de
la personne âgée pour réactiver sa
mémoire ancienne, ouvrir les "tiroirs" où sont
rangés des connaissances, des émotions, des
moments vécus.
Par la libération des souvenirs enfouis elles
entraînent aussi une mobilisation psychique.Elles
dépendent des désirs du résident mais
aussi des aptitudes des soignants. Ce peut être le dessin, la
terre, les jeux de société, la cuisine, la
lecture, la gymnastique, le chant ou les promenades dans le jardin...
- Les
activités d'éveil ne nécessitent pas
un matériel spécialisé ni
coûteux (balles, sacs de graines, carrés de
linoleum ou de moquette, tapis de sol, peinture) et l'animateur le plus
souvent crée lui-même le matériel qu'il
utilisera, ce qui est motivant pour lui. Les sorties au marché,
à la fête du quartier pour certains
résidents et pour d'autres un pique-nique à
l'orée d'un bois demandent une organisation plus
élaborée (autorisations, véhicule et
une plus importante mobilisation du personnel).
- Ces
activités sont un soin de santé, un soin relationnel animé d'un
profond désir d'éveiller et de
répondre aux désirs de vie de l'adulte
âgé.
- Les objectifs
des activités d'éveil
- Conserver et stimuler ses fonctions
intellectuelles : mémoire verbale ;mémoire dite
sémantique (concepts, connaissances) ; mémoire
imagée (mémoire symbolique) ; mémoires
sensorielles
- Solliciter les sens
- Trouver et retrouver du
plaisir
- Nourrir son imaginaire
- Retrouver son
identité : la personne âgée est souvent
dépossédée des papiers
d'identité, vêtue d'habits où le
fonctionnel à la priorité au détriment
du respect de ses goûts.
- Réapprendre
à communiquer
- Ressentir des
émotions : la chaleur humaine
réchauffeÉ le coeur
- Trouver des appartenances
nouvelles : mémoire collective
- Réapprendre
à désirer
- Reconstituer son trajet de
vie.
Quelle
méthodologie
utiliser avec des résidents présentant des
troubles
cognitifs ?
- On peut concevoir dans ce cadre, deux grands types
d'activités d'éveil" qui stimulent soit
l'activation des différentes mémoires
(activités mémorielles), soit la
créativité, la mise en relation des
données (activités remue-méninges).
- Dans le mode activité
mémorielle l'accent est davantage mis sur la
participation personnelle et sociale à une
activité dans un climat festif.
- Dans le mode remue-méninges
on stimule les modalités de fonctionnement
cérébral : on donne des consignes mais on laisse
chacun les utiliser à sa manière. La recherche
prime dans une ambiance chaleureuse et stimule les connexions
synaptiques cérébrales.
- Chaque exercice entraîne tout un
processus d'observation, de déchiffrage, de
déduction, de comparaison, de veille, de contrôle,
de réflexion ainsi que des tâtonnements et des
ajustements. Tout cela entretient une activité
intellectuelle, motrice et affective sur laquelle est en grande partie
basée la recherche de chacun.
- Découlant des travaux de Piaget, cela a
débouché en éducation à des
méthodes d'apprentissage qui utilisent la recherche commune
en groupe (Freinet, Montessori,etc.). Nous utilisons la
méthode Ramain qui favorise la recherche individuelle en
groupe.
- Elle
est employée notamment dans les centres d'enfants infirmes
moteurs profonds ou IMP. C'est grace à Monique Zambon, AS du
service, qui l'a découverte et adaptée aux
personnes âgées après s'être
formée à titre personnel, que nous l'utilisons.
- Activités
mémorielles
- Ces activités utilisent , tour
à tour, l'arsenal des thérapies cognitives :
- Exercices pour
entretenir le langage (rapidité verbale,
compréhension, logique et abstraction, reconnaissance des
choses ou interprétation des
événements ou mémoire des faits,
reconnaître les formes et les caractéristiques
d'objets cachés à la vue ou non) ; exercices pour
stimuler la conservation des praxies ; exercices pour stimuler la
mémoire immédiate, etc ;
- Journal personnel, autobiographie guidée,
réminiscences, récit ;
- Stimulation sensorielle, maintien de la mobilité,
remotivation , toucher intentionnel, massage, restructuration de
l'identité, etc.
- Cultiver le jugement et la prise de décisions ;
orientation à la réalité individuelle
ou en groupe ; la validation de Feil, etc.
Elles stimulent les différents types de mémoires
et par expérience nous ne pouvons que souscrire aux propos
de P. Dewavrin, parus dans Psychothérapie des
démences. Ils montrent que dans les
démences, pendant longtemps, si le chemin d'une
mémoire est perdu d'autres cheminns fonctionnent. En voici
un extrait :
- « .../... Depuis une dizaine
d'années, les neuropsychologues nous ont apporté
de nouveaux modèles de la mémoire,
très féconds pour la prise en charge des patients
déments. Ces modèles ont
été mis au point par des chercheurs, Tulving aux
États-Unis, Baddeley en Grande-Bretagne, qui ont
appliqué les concepts de l'intelligence artificielle
à l'étude de la mémoire humaine. Ils
ont mis en évidence que notre mémoire
n'était pas un système unitaire et que nous
disposions tous de nombreuses mémoires qui accomplissent
chacune des tâches spécifiques. Ils ont
décrit ainsi cinq sous-systèmes qui sont
parfaitement autonomes.
La mémoire de travail
C'est une mémoire ultra courte qui enregistre
temporairement, pas plus de deux minutes, les informations d'origine
visuelle et verbale qui nous parviennent à chaque instant.
Elle a pour fonction de faire le tri entre les nombreuses perceptions
auxquelles nous ne prêtons pas attention et celles qu'il faut
garder en mémoire ou qui nécessitent une action
immédiate de notre part.
- Prenons un exemple : si je marche dans la rue, je
n'attacherai aucune importance à la couleur de la voiture
qui me dépasse, ni au passant qui me croise, ni à
des dizaines de petites scènes de rue, mais je
réagirai en voyant mon fils arrêté
devant une vitrine de magasin alors que je le croyais au
lycée.
- Cette mémoire, que l'on appelle
également superviseur attentionnel, est localisée
dans le cortex préfrontal. Elle
est constamment altérée dans les premiers stades
de la maladie d'Alzheimer. Les patients ne peuvent plus traiter
plusieurs informations en même temps pour les
sélectionner. Les conséquences cliniques sont
nombreuses et parfois inattendues.
- Un patient atteint
de maladie d'Alzheimer déjeune en face d'un autre patient
qui se lève de table. Il risque fort de se lever lui aussi :
n'étant pas capable de comparer cette information avec le
fait que son assiette est encore vide et que le repas n'a pas
commencé, il pensera que le repas est terminé. De
même dans les groupes d'animation demandant la poursuite
d'une tâche un peu spécialisée, comme
des activités manuelles, les patients sont très
sensibles aux stimulations parasites. Une simple porte qui s'ouvre peut
complètement désorganiser un groupe. Un patient
Alzheimer ne peut traiter qu'une seule information à la
fois, là où nous en traitons des dizaines.
- La mémoire
épisodique
C'est la mémoire de notre
histoire personnelle, celle de nos événements de
vie, les plus importants comme les plus anodins. Notre mère
qui nous refuse une deuxième crème
glacée, nos premiers émois amoureux, etc. C'est
aussi la petite madeleine de Marcel Proust.
- Chacun remplit sa mémoire
épisodique avec son roman personnel. On distingue une
mémoire épisodique à court terme
(moins d'une heure) et une mémoire épisodique
à long terme. Elle enregistre des informations
situées dans un contexte visuo-spatial. Le mode visuel est
prédominant.
- Dans la maladie
d'Alzheimer à son stade débutant, c'est la
mémoire épisodique à court terme qui
est atteinte en premier : le patient parle normalement,
évoque sans difficultés les grands
événements de son passé, donne sa date
de naissance mais oublie ce qu'il a fait dans les heures qui
précèdent.
Dans toute institution spécialisée qui accueille
des personnes âgées psychiquement
dépendantes, une partie des résidents
présente une atteinte isolée de la
mémoire épisodique sans atteinte des autres
mémoires. C'est avec eux que l'on peut faire les programmes
d'animation les plus ambitieux : ateliers "mémoire
souvenirs" pour stimuler la mémoire épisodique
à long terme, "revue de presse" pour les
réorienter dans le présent, "atelier de
stimulation cognitive" pour entretenir les facultés
d'apprentissage et stimuler le lobe frontal.
- Grâce aux techniques modernes d'imagerie
cérébrale (TEP : tomographie par
émission de positons, technique nécessitant la
présence d'un cyclotron) qui nous permettent de visualiser
le cerveau en activité, on a pu localiser les structures
cérébrales concernées par cette
mémoire : il s'agit de l'hippocampe, du thalamus, du cortex
préfrontal et du cortex occipital.
- La mémoire
sémantique
Sous ce terme, on désigne la
mémoire des mots : une table, une fleur, etc. Les mots sont
les outils du langage. Contrairement à la mémoire
épisodique qui est strictement personnelle, la
mémoire sémantique est commune à tous
ceux qui parlent la même langue.
- Lorsque des résidents participent
à un atelier de "jeux de mots" ou aux "chiffres et les
lettres", c'est leur mémoire sémantique que nous
sollicitons.
- Les connaissances générales font
également partie de la mémoire
sémantique ([es tables de multiplication, les capitales des
pays, etc.).
- Certains
résidents ont une mémoire épisodique
très altérée : ils ne savent pas
où ils se trouvent, ne connaissent pas la date actuelle,
ignorent le nom du Président de la République,
oublient cinq minutes après ce qu'ils ont fait. Et pourtant,
lorsqu'ils participent à l'atelier des "jeux de mots", ils
construisent des mots de cinq lettres comme vous et moi lorsque nous
jouons au Scrabble. Leurs performances sont proches de celles d'un
sujet normal. Cela provient du fait que la
mémoire épisodique et la mémoire
sémantique n'ont pas la même localisation
anatomique dans le cerveau. L'une des deux peut être
lésée alors que l'autre est intacte.
- La mémoire sémantique est
localisée dans le néocortex.
Parler nécessite l'intégrité de la
mémoire sémantique. Mais lorsque celle-ci est
altérée et que nous avons perdu l'usage de la
parole, nous disposons encore de deux autres types de
mémoire qui continuent à fonctionner.
La mémoire procédurale
C'est la mémoire des "savoir faire" gestuels et
intellectuels :
- marcher, se servir d'un couteau et d'une fourchette, s'habiller,
faire un noeud de cravate, dessiner, chanter, jouer d'un instrument de
musique ;
- jouer aux dames, aux échecs, relève
également d'un savoir faire qui peut être
appliqué de façon automatique sans paroles.
- Certains patients
qui ont de grosses difficultés à trouver leurs
mots peuvent encore chanter très correctement. Nous en avons
fait l'expérience dans notre chorale. Cela s'explique par le
fait que leur mémoire procédurale est
relativement bien préservée, alors que leur
mémoire sémantique est
lésée. De même, certains patients qui
jargonnent sont encore capables de jouer d'un instrument de musique.
- On nous a
cité le cas d'une patiente qui battait tout le monde aux
dames alors qu'elle avait perdu tout langage et qu'elle
était complètement
désorientée. Même chez des patients
très avancés dans la maladie nous avons pu mettre
en évidence la conservation d'automatismes gestuels qui ne
demandent qu'à s'exprimer si on les sollicite.
- De nombreux patients
sont capables de renvoyer correctement un ballon ou de
répondre à votre sourire alors qu'ils ont perdu
tout langage. Ils ne vous reconnaissent pas mais ils ont
gardé les automatismes de la politesse.
- Peut-être
avez-vous fait cette expérience d'observer de loin deux
patients en train de converser. Lorsque vous vous êtes
approché, vous avez constaté que leur
conversation était incohérente et qu'il n'y avait
aucun échange verbal. Ces patients ont reproduit le rituel
de la conversation avec ses gestes et ses mimiques. Et ils semblaient
en tirer certaines satisfactions.
- C'est en cela que la neuropsychologie peut nous aider
à mieux communiquer avec les patients. Lorsque l'outil du
langage verbal est perdu, il reste encore le langage du corps et
l'utilisation de tous les gestes de convivialité. Lorsqu'un
patient a un langage incohérent, il ne sert à
rien de rechercher à tout prix du sens et de lui faire
répéter ce que l'on arrive pas à
comprendre. Mais on peut lui donner le sentiment qu'une relation entre
lui et nous a eu lieu si nous utilisons de façon
appropriée le langage infraverbal de la
convivialité.
- De même,
il est utile d'essayer de réactiver tous les automatismes
gestuels que les patients ont appris pendant leur vie, depuis les plus
simples acquis dès la petite enfance (marcher, renvoyer un
ballon, chanter), jusqu'aux plus complexes acquis plus tardivement
(jouer d'un instrument, peindre, se relaxer, etc.). La
mémoire procédurale se situe dans les noyaux gris
centraux et dans le cervelet.
- La mémoire implicite
C'est certainement le concept le plus
étonnant mis en évidence par les
neuropsychologues. La mémoire implicite est une
mémoire automatique : on apprend mais on ne se souvient pas.
- Le meilleur exemple en est la publicité
sublirninale au cinéma (qui est interdite). Toutes les 24
images, on intercale une image de publicité qui vous
suggère d'acheter une marque de boisson. À la
sortie du film, les spectateurs affirment n'avoir vu aucune
publicité, et pourtant si on leur présente sur
une table une dizaine de boissons différentes, ils
choisiront en majorité celle qui correspond à
l'image sublirninale. Ils ne se souviennent de rien mais leur
comportement montre qu'ils ont enregistré le message.
- On s'est beaucoup
interrogé pour savoir si la mémoire implicite
était préservée chez les patients
Alzheimer. La réponse est oui, sauf dans les tout demiers
stades de la maladie.
- Nous avons
constaté des phénomènes
d'apprentissage implicites chez les patients qui participent
à notre groupe de chant. D'une séance
à l'autre, ils ne se souviennent pas de ce qu'ils ont fait,
mais à chaque séance ils chantent de plus en plus
facilement le répertoire qui a été
répété.
- Les phénomènes de
mémoire implicite peuvent concerner tous les types de
mémoire : épisodique, sémantique,
procédurale.
- La mémoire implicite n'est pas
localisée. Cela veut dire que les patients continuent
à enregistrer toutes nos attitudes, nos gestes, nos
mimiques, l'ambiance générale qui les entoure, le
ton de notre voix et que cela module leur comportement. Ils ne peuvent
pas nous restituer par la parole ce que nous avons fait ou dit mais ils
en gardent une trace. C'est la raison pour laquelle nous devons veiller
à ce que leur environnement humain soit le meilleur possible.
Souvenir et sentiment de
familiarité
D'autres recherches ont mis en
évidence qu'il fallait distinguer le souvenir et le
sentiment de familiarité. Le souvenir se rattache
à des événements que nous avons
vécus et que nous pouvons dater : je me souviens ce matin
être monté dans ma voiture à 9 heures
pour prendre la route et vous rejoindre. C'est un souvenir. C'est ce
que l'on perd en premier dans la maladie d'Alzheimer. Le souvenir
dépend de la mémoire
épisodique.
En arrivant à Strasbourg et en regardant la
décoration de mon hôtel, j'éprouve un
sentiment de familiarité. Je ne sais pas pourquoi mais cela
doit sûrement me rappeler un hôtel similaire
où j'ai peut-être séjourné.
Pourtant, je n'arrive pas à y associer un souvenir
particulier, pas de lieu, pas de date, pas d'image, mais seulement un sentiment
de familiarité.
- Chez le patient
atteint de maladie d'Alzheimer, le sentiment de familiarité
est conservé beaucoup plus longtemps que le souvenir. Le
sentiment de familiarité dépendrait à
la fois de la mémoire sémantique et de la
mémoire procédurale qui ne sont pas
touchées aux premiers stades de la maladie :
- Mme D. jargonne,
cela fait déjà plus d'un an qu'elle ne
reconnaît plus sa famille. Souvent elle chantonne,
même si on ne comprend rien à ce qu'elle chante.
Quand sa petite-fille vient lui rendre visite, elle chante nettement
plus fort et uniquement en sa présence. C'est sa
façon à elle d'exprimer qu'elle l'a reconnue.
Cela passe par le sentiment de familiarité qu'elle a
éprouvé en sa présence.
- Tel patient qui
mange difficilement en institution est emmené dans un
restaurant. On constate alors qu'il reste à table sans
difficultés et mange proprement. L'ambiance du restaurant a
provoqué chez lui un sentiment de familiarité et
réactivé des automatismes sociaux de
convivialité et de politesse.
- De même,
lorsque l'on constitue des petits groupes de malades qui se
réunissent à jour fixe et à heure fixe
pour faire des animations, on observe que les patients y participent de
plus en plus facilement au fil des séances. Ils ne se
souviennent pas de ce qui a été fait lors des
réunions précédentes, mais leur
comportement montre qu'ils se sont familiarisés avec le
groupe et qu'un apprentissage inconscient s'est produit.
- L'hétérogénéité
des déficits
Quatre grandes fonctions sont
habituellement touchées dans les démences : la
mémoire, le langage, les praxies (c'est-à-dire la
coordination des gestes), les gnosies, (c'est-à-dire la
faculté de reconnaître ce que nous percevons par
le toucher, la vue, l'ouïe).
- Chez deux tiers des
patients, les atteintes de ces quatre grandes fonctions
évoluent de façon parallèle. Chez un
tiers d'entre eux, les atteintes sont dissociées. Cela
signifie, par exemple, qu'on peut être très
atteint au niveau du langage et garder cependant une excellente
mémoire visuelle. Nous avons eu des patients qui
étaient encore capables de lire ou de jouer du piano alors
qu'ils jargonnaient.
- Il faut donc systématiquement tester les
malades pour vérifier s'il n'existe pas chez eux des
fonctions préservées qui seraient
restées méconnues..../... » P. Dewavrin, Neuropsychologie et psychanalyse : une
rencontre inattendue, in Psychothérapie des
démences, Grosclaude M., éd John
Libbey Eurotext, Paris, 1996, p 48.
- Activités
de remue-méninges ou
éducationnelles
- La méthodologie utilisant la
méthode Ramain est peu connue, l'ensemble des soignants ne
voyant pas chez les résidents une possibilité
d'activation cérébrale. Elle est peu connue aussi
en gérontologie car les soignants qui l'utilisent sont
isolés dans leurs institutions et leur moyen de diffusion de
l'information est faible.
- Les travaux de recherche sur la mémoire
et l'apprentissage ont montré la capacité
adaptative du cerveau humain en réponse à la
sollicitation des capacités cognitives de la personne. Cette
plasticité cérébrale prend la forme
d'une modification prolongée du fonctionnement et de la
structure du cerveau.
Différentes circonstances peuvent induire ce remodelage qui
s'opère soit par développement neuronal, soit par
restauration fonctionnelle des cellules lésées.
De nombreux travaux confirment cette plasticité
cérébrale et l'utilité de la
sollicitation chez les personnes présentant des troubles de
mémoire de nature démentielle et un
état altéré
d'attention-vigilance-concentration.
- La méthode Ramain a pour objectif de
rendre le participant acteur de ses propres apprentissages ; de mettre
en jeu ses capacités à s'adapter aux situations
nouvelles ; de susciter sa mobilité intellectuelle, sa
disponibilité émotionnelle, son aisance motrice ;
de faire évoluer sa perception et son attention. Vivre une
situation et non apprendre un mécanisme.Elle est en phase
avec les avancées scientifiques qui ont montré
que la plasticité neuronale existe à tout
âge.
- «
À la hantise de l'inéluctable perte quotidienne
à partir de 20 ans, de milliers de neurones
succède l'espoir euphorisant d'une
régénération des neurones
jusqu'à une âge avancé, grâce
au NFG, le "nerve growth factor". Ceci est constaté par le
mise en évidence de bourgeonnement et de repousse des
prolongements pré-synaptiques, à condition de
s'en servir. Mieux encore, le processus de repousse neuronale n'est pas
seul à oeuvrer dans ce sens. Il y en a au moins deux ou
trois autres : polylocalisation des neurotransmetteurs dans la synapse
et potentialisation de l'activité pré-synaptique.
Cette multiplication des moyens semble indiquer qu'il s'agit d'un
processus systémique, possiblement extensible et ouvert au
"plus on s'en sert, mieux et plus longtemps ça marche".
» Pr Gayral, Psychologie médicale,
n° 26, 1993.
- Ainsi la stimulation cognitive à tout
âge, repose sur une plasticité des structures
neuronales support de leur plasticité fonctionnelle,
l'efficacité des circuits neuronaux est relancée.
De nombreux programmes élaborés
d'après les techniques de stimulation cognitive (De Rotrou,
1997, 1998) consistent en l'application d'exercices cognitifs
variés (basés sue le processus attentionnels,
mnésiques, perceptifs, verbaux, intellectuels...) ayant des
objectifs à trois niveaux
- - au niveau cognitif : apprentissage de
stratégies (association, classification, planification,
processus basés sur l'imagerie mentale...) visant
à renforcer l'encodage et le rappel des informations
à mémoriser.
- - au niveau psychologique : la prise en charge
tente de restaurer la confiance en soi, la motivation, le dynamisme des
participants.
- - au niveau social : les exercices se font en
groupe et s'appuient sur la convivialité et
l'émulation conférées à une
prise en charge collective.
- La perception de soi par l'attitude et le mouvement
est la partie centrale des exercices Ramain. De quoi s'agit-il ?
Il s'agit de mouvements du corps, des recherches d'attitudes statiques
et dynamiques, des propositions de travail sur le tonus, la relaxation,
le rythme, la coordination comme la dissociation, d'amener le sujet
à ressentir progressivement ce qui se passe en lui.
Par l'expression corporelle (qui n'est que le vécu d'un
mouvement qui se déroule) le sujet est conduit à
une perméabilité qui transforme peu à
peu sa manière d'être.
Protocole de base pour la
réalisation des activités
d'éveil
- Nous avons
débuté en 1988 par
des activités mémorielles puis ajouté
des
activités utilisant la méthodologie Ramain.
Quelle que
soit la méthode choisie, la conduite à tenir pour
diriger une activité est identique.
- La séance commence toujours par l'appel
: celui-ci permet à la personne âgée
d'être reconnue en tant que personne active, d'avoir une
identité propre intégrée au groupe et
de développer son sentiment d'appartenance ; c'est le
réveil de l'esprit.
- Ensuite, mobilisation pour
réveiller le corps (membres, tronc,
tête). Une fois que tout le monde a réagi aux deux
premières étapes, le groupe s'est
animé, chacun est là non pas en spectateur passif
voire même oublié, mais en tant qu'acteur reconnu
; l'effort est structurant, la mémoire est
stimulée, chacun a pris conscience de son corps. Les
observations nous ont convaincus qu'il est souhaitable de faire des
exercices de mobilisation du corps avant toute autre
activité afin de développer la
réceptivité des participants.
- Le groupe est alors apte à passer
à des exercices qui demandent une réflexion.
Le type d'exercice est choisi en fonction des objectifs
établis à partir de la démarche de
soins.
- L'activité d'éveil se
termine toujours par le chant. Celui-ci a une action
sécurisante, valorisante, structurante et permet aux
personnes qui ont des difficultés de mobilisation d'avoir
elles aussi un rôle d'acteur à
l'intérieur du groupe.
-
Évaluer
les résultats de la participation à
l'activité permet de voir si le but
recherché est atteint certes, mais permet aussi au soignant
de progresser dans son approche thérapeutique.
Une
séance d'activité d'éveil se
déroule en plusieurs phases :
- choix de l'activité et des Résidents
observés, définis par écrit ;
- préparation du matériel; appel,
mobilisation, activité dirigée, chant ;
- évaluation rédigée avec
l'observateur ;
- après validation d'une activité,
création d'une fiche technique facilitant l'adaptation
d'autres soignants à la pratique de cette
activité.
Les soignants et la
réalisation des activités d'éveil
- La qualité des relations
soignant/soigné motivant l'affectif, ces
activités sont intégrées dans le
rôle de chaque membre de l'équipe soignante.
- Il est inutile d'élaborer des
activités compliquées à faire
réaliser par des personnes
âgées ; c'est courir à
l'échec. Nous devons nous adapter et utiliser des moyens
appropriés qui rejoignent souvent ceux utilisés
à l'école primaire. Leur mise en oeuvre demande
une vertu première : la patience.
- Les "animations", épisodiques, venant de
l'extérieur, sont des activités passives pour les
Résidents et ne nécessitent pas de
référence commune pour les membres de
l'équipe soignante.
- L'adhésion de tous n'est pleine et
entière que si les soignants ont été
partie prenante de la définition et de la fixation des
objectifs à atteindre pour réaliser le projet .
- L'objectif une fois fixé, chaque participant
à la marche du service doit tenir compte des principes du
projet de soins pour réaliser son action personnelle.
- Cette solution personnelle doit être le
fruit d'une synergie activité
cérébrale-conduite motrice, car elle
débouche sur la prise de conscience par chaque soignant de
son rôle dans la "thérapeutique non
médicamenteuse".
- Si le problème le plus difficile est de
réduire l'inhibition (oser oser) afin de mieux percevoir et
mieux réussir, cela implique de mieux réussir
pour diminuer l'inhibition et mieux percevoir. Il y a donc un
système interactif personnel où la
volonté est déterminante.
- La résolution des
problèmes par les soignants eux-mêmes,
les oblige à prendre leurs responsabilités en
discutant sur un pied d'égalité avec les autres,
ce qui favorise la disparition du non-dit, première source
de conflits. De plus, mettre tout soignant en situation d'apprendre
à "solutionner" lui permet de se construire au fur et
à mesure qu'augmentent ses savoirs et ses
compétences. À l'inverse, créer des
automatismes le met dans l'impossibilité d'être
efficace devant des problèmes différents. Exister
permet à chacun de mieux travailler.
- La mémorisation permet
d'accumuler des connaissances, d'engranger des matériaux. L'intelligence,
c'est l'efficacité avec laquelle, grâce
à ces matériaux, on va synthétiser,
donc être efficace. La différence d'intelligence
(d'efficacité) de la personne est fonction du nombre de
rapports qu'elle a eu avec des problèmes concrets.
- Plus on a de problèmes à
résoudre, plus on apprend, plus on devient efficace ; moins
on vieillit.
I Conception d'activités d'éveil II Activités d'éveil
mémorielles
III Activités d'éveil et
méthodologie Ramain
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- Dr Lucien Mias