La mort a de tout temps fait peur et pleurer mais, faisant partie de la vie, l'humain lui faisait face. Dans des époques pas très lointaines, la différence entre vie et mort n'était pas aussi tranchée qu'elle l'est devenue. L'enfant était averti d'un mort dans le village : dais noir posé sur une porte close, tocsin non masqué par les bruits de la ville ou de la maison, corbillard noir marchant au pas du cheval, assistance en noir, veuve en deuil ...
C'était le temps d'une civilisation « paroissiale ».
Les rituels accompagnant la mort et le mort avaient un sens collectif, même si celui-ci était inconscient.
Depuis 1950, l'urbanisation et la motorisation de la société ont fait disparaître ces signes collectifs de deuil : dans la vie quotidienne chacun fait comme si elle n'existait pas ; et quand elle survient elle intéresse le groupe familial élargi et non plus la communauté.
Pour le plus grand nombre, certains rituels conservés mais non pas pensés, sont vides de signification. Dès lors, la mort apparaît comme un échec, un néant. Face à ce vide, nombreux sont ceux qui ont adopté une attitude de fuite. La mort existe toujours pourtant. Alors elle est devenue un objet de réflexion et un objet de science (études démographiques, coût économique et social de la mort, médecine légale, thanathologie...). C'est comme si notre époque avait perdu une dimension et n'arrivait plus à situer la mort.
La mort ne fut jamais un phénomène purement biologique ; elle a toujours été une notion construite, élaborée, une façon d'être culturelle, une marque de l'existence morale et religieuse, un élément de l'humanitude du monde.
Aussi, dans cette décennie, la façon de la considérer, de l'accepter et non plus de la fuir, est devenue à redécouvrir. Comme s'il y avait un grand manque à combler, comme s'il fallait reconquérir la dimension oubliée...
Il en découle que les besoins du mourant aujourd'hui ne sont peut-être pas les mêmes que ceux du mourant « paroissial » d'hier et que l'accompagnement, s'il a toujours été vécu n'est pas chose facile dans un monde où les cultures se mélangent malgré les résistances intégristes.
Dans "La mort restituée", Rosette Poletti classe les sept peurs fondamentales que le mourant va rencontrer sur son chemin :
De façon générale, le vieillard ne voit pas la mort comme la voit une personne plus jeune. Sa vieillesse l'a comme peu à peu préparé à mourir. Il n'a donc pas besoin de passer par les stades de révolte et d'agressivité. S'il parle de la mort, le dialogue est tout à fait possible.
Avec les malades déments pour qui les
repères se sont évanouis, c'est comme s'il
fallait, pour tenter la communication entrer un peu dans leur
démence tout en sachant en ressortir. Sa dignité
est à respecter, car l'absence de ce respect est
perçue aussi bien par le malade conscient, que le
dément. Le lien affectif dans la relation est ce qui est le
plus chargé de sens et le dément utilise encore
ce lien. La relation passe essentiellement par le toucher.
Les nouvelles têtes lui font peur : il a besoin
d'être en confiance. Aussi est-il bon, en règle
générale, que l'accompagnant à la mort
soit celui qui l'a accompagné pendant sa vie, car lui seul,
peut-être, possède les clefs pour entrer dans sa
solitude par empathie.
- En général, un homme est plus
difficile à accompagner qu'une femme.Plus
angoissé peut-être par la menace de mort, l'homme
lutte inutilement contre et se servira de l'agressivité
comme mode réactionnel.
S'il a peur, c'est bien plus de la douleur que de la mort en
elle-même, ou de la peur qu'il lit dans le regard des autres.
- La femme accepte plus aisément et, en
général, s'épanouit dans sa vieillesse
: c'est plutôt la régression qu'elle utilisera en
tant que mode réactionnel.
La mort reste pleine de questions sans réponse
pour les soignants en gérontologie : certains vieillards
meurent-ils de maladie ou d'un «
acquiescement à la mort ? » C. Herfray
Ce qui est le plus difficile à vivre pour
les équipes soignantes (dont les médecins font
partie) qui s'occupent des vieillards, c'est qu'elles sont
interpellées par des problèmes pronostiques et
éthiques.
C'est espérer au-delà de toute espérance, c'est lier le présent du malade, qui est d'accepter l'inéluctable.
Le Ministère des Affaires sociales et de l'Emploi a publié " Soigner et accompagner jusqu'au bout, l'aide aux mourants ". On peut y lire :
« Les soignants doivent donc être guidés par les besoins et désirs qu'exprime le malade. Ceux-ci peuvent se manifester dans le domaine somatique. Mais alors toute prescription de traitement ne doit plus seulement s'interroger sur son opportunité technique, mais aussi sur sa capacité à répondre aux besoins des patients mourants. Les prescriptions qui, bien que justifiées sur le plan technique, n'ont pas les effets escomptés ou ont au contraire des effets secondaires qui aggravent la situation, sont généralement celles qui n'ont pas pris en compte les besoins non strictement médicaux des patients. A cet égard elles sont inadéquates et peuvent conduire, sans bénéfice, à l'escalade thérapeutique. A l'inverse, de faibles doses de médicaments prescrits dans le contexte relationnel adéquat conduisent à des effets thérapeutiques souvent inespérés. .../... Accompagner veut dire qu'il y a toujours "quelque chose à faire" pour aider un malade à vivre jusqu'au bout » Bulletin officiel n° 86-32 bis, 96
« À la douane de la mort, ils ne déclarent même plus la guerre, ils la passent en fraude. » Jacques Prévert
Par contre, en permanence, le « travail du trépas » est caractérisé par :
La personne se sent menacée dans son intégrité bio-psycho-socio-spirituelle. Cet événement engendre des besoins sur le plan de l'organisme, de la sécurité, de l'appartenance, de la considération et de la spiritualité.
- Même si nous ne pouvons répondre à l'attente du malade, nous pouvons essayer d'aider le mourant à faire son propre décodage.
- Pour cela quelques conditions sont a remplir, sujet des chapitres suivants :
- II - Savoir maîtriser la douleur
- III - Savoir être et savoir faire
- IV - Savoir percevoir la détresse de la famille
- I - Savoir pour mieux aider