Evaluation gerontologique RAI

Dr Lucien Mias

Présentation du R.A.I 8 pages
"Résident Assessment Instrument" traduit en "Méthode d'évaluation du résident"

Le RAI dans sa version 1 a retenu notre attention en 1995 (depuis, la version 2 est sortie en février 2003) parce qu'il propose non seulement une description de l'état du résident (en tenant compte des déficits et des ressources de la personne), mais également des pistes de réflexion et d'action qui guident la démarche de soins, de telle sorte que les soignants sont directement intéressés par la qualité des données récoltées. Le RAI se présente comme un instrument explicitement conçu pour les soignants, favorisant une approche interdisciplinaire et une démarche de soins structurée, dans le but d'inciter à une amélioration de la qualité des soins.

La méthode RAI est autre chose qu'un jeu de formulaires à remplir. C'est un outil qui apporte une évaluation complète, sérieuse, standardisée et reproductible de l'état fonctionnel du résident.

Développée par des personnes expertes en soins, avec la participation de nombreuses équipes du terrain, la méthode a pour objectif principal d'améliorer la capacité des membres de l'équipe à permettre au résident d'atteindre le plus haut niveau de performance physique, mentale et psychosociale. Soit une approche holistique du résident, personne unique avec ses forces, ses faiblesses et ses besoins d'aide.

Nous avions auparavant testé d'année en année, différents outils d'évaluation sans qu'ils nous donnent satisfaction en pratique sur le terrain. Nous les décrirons en donnant leurs manques, en annexe.

Description du RAI

Cette méthode d'évaluation de l'état de santé d'une personne est composée de trois parties interdépendantes.
- 1 - Le recueil de données minimum (Minimum Data Set ou MDS).
  - Il contient des rubriques avec définitions et codage.
- 2 - Le tableau d'alarme.
  - Il représente le chaînon principal pour relier l'évaluation à l'élaboration des objectifs du plan de soins.
  - Les définitions des signaux d'alarme font référence à des rubriques particulières du recueil de données ou à des combinaisons de ces rubriques.
  - Le tableau d'alarme permet d'identifier les signaux d'alarme (facteurs de risque) qui justifient une intervention . Ils indiquent soit que le résident a un problème actuellement, soit qu'il existe un risque important qu'un nouveau problème apparaisse en l'absence d'une intervention préventive, soit que ce résident pourrait bénéficier de mesures de réadaptation qui permettraient d'améliorer ses performances. La présence de ces signaux d'alarme suggère la nécessité de prévoir une intervention dont on peut préciser la nature en consultant les protocoles.
- 3 - Les protocoles d'évaluation.
  - Ils proposent aussi bien la définition de situations problématiques mises en évidence qu'un cadre pour classer l'information recueillie.
  - Les directives du protocole offrent un cadre structuré pour décider si la situation mise en évidence implique la mise en place d'un plan de soins, et, si oui, quelles sont les causes du problème.
    - Ces directives sont la structure incitant à renforcer la recherche d'information sur le problème qui a été identifié. Ce lien systématique entre les données recueillies et le plan de soins est un outil efficace pour permettre au résident de bénéficier des meilleurs résultats possibles.
  - Les protocoles d'évaluation du résident concernent les 18 domaines cités ci-dessous. Ils recouvrent la plupart des problèmes qui affectent fréquemment les résidents des établissements de soins, même si d'autres situations aiguës ou chroniques peuvent exister et nécessiter l'intervention du personnel de l'établissement.
  - À la lumière de l'expérience des établissements qui utilisent le RAI, il apparaît qu'en moyenne, environ huit de ces domaines sont mis en évidence par résident.
    1. - État confusionnel aigu (delirium)
    2. - Perte cognitive/démence
    3. - Fonction visuelle
    4. - Communication
    5. - AVQ/Potentiel de réadaptation fonctionnelle
    6. - Incontinence urinaire et sonde à demeure
    7. - Bien-être psychosocial
    8. - Humeur
    9. - Problèmes de comportement
    10. - Occupations
    11. - Chutes
    12. - Etat nutritionnel
    13. - Alimentation par sonde
    14. - Déshydratation/équilibre liquidien
    15. - Soins dentaires
    16. - Escarres (ulcères de décubitus)
    17. - Usage de médicaments psychotropes
    18. - Contention physique

Genèse du RAI

Alors qu'en France la préoccupation sur la qualité des soins dans les établissements pour personnes âgées prend de l'ampleur dans les années 95... l'Amérique avait pris de l'avance puisque, en 1986, l'Institut de Médecine de l'Académie Nationale des Sciences américain, remit un rapport au Congrès qui retint une bonne partie des recommandations de ce rapport et en fit la loi OBRA-B7.
- Cette loi fixait de nouvelles exigences pour la formation du personnel et la dotation en personnel qualifié, en vue d'assurer la qualité des soins, la qualité de la vie et de garantir les droits des résidents.
  - Toutefois, tout en exigeant de l'établissement qu'il aide le résident à atteindre le meilleur niveau de performance possible, le gouvernement fédéral américain n'a pas imposé une approche spécifique des soins : il appartient aux soignants de déterminer les interventions à l'intérieur du plan de soins.
Une des principales réformes induites par OBRA-B7 fut la création d'une méthode uniforme d'évaluation des capacités du résident à accomplir les actes de la vie quotidienne et d'identification des détériorations significatives de ces capacités.
Les consignes étaient les suivantes :

- Les établissements participant aux programmes Medicaid ou Medicare, (organismes publics assurant le financement ; sorte de "sécurité sociale" pour certaines catégories de citoyens) sont tenus de réaliser une évaluation complète, précise, standardisée et reproductible de la capacité de chaque résident à effectuer les actes de la vie quotidienne.
- L'évaluation doit être conduite à l'admission, puis annuellement et chaque fois qu'intervient un "changement significatif" de l'état du résident.
- Chaque résident doit être examiné au moins tous les trois mois pour garantir l'exactitude et la réactualisation de l'évaluation.
- Une évaluation précise et complète est considérée comme primordiale pour l'identification des ressources et des problèmes du résident et pour le développement d'un plan de soins, ce qui garantit que chaque résident atteindra le plus haut niveau possible de performance physique, mentale ou psychosociale.
- Et le fait de ne pas réaliser cette évaluation... supprimait le financement.

Qui a défini la méthodologie de l'évaluation ?

Suite la loi OBRA B7, en 1988 le processus de conception d'une méthode d'évaluation a commencé. Elle a été financée par l'administration de la santé (Health Care Financing Administration). Le résultat fut un instrument qui répondait aux exigences de la loi votée.
Pour développer la méthode d'évaluation du résident, on a eu recours à une démarche basée sur la collaboration, en faisant appel à l'expertise de personnes représentant les disciplines professionnelles, les personnes âgées hébergées et l'administration des établissements.
La méthodologie a consisté à analyser les recommandations concernant les éléments essentiels à retenir pour l'évaluation, organiser ces éléments dans un cadre conceptuel, exécuter des tests de fiabilité des différentes rubriques dans les établissements de soins, produire du matériel de formation.
- La première tâche fut de déterminer quels étaient les domaines de l'état de santé ou de l'état fonctionnel d'une personne qu'il convenait de retenir pour le recueil de données et pour les protocoles d'évaluation du résident.
- La deuxième étape fut de passer en revue les rubriques et les définitions de plus de 60 instruments utilisés par des établissements pour l'évaluation de leurs résidents.
- La troisième étape consista, à partir des résultats de cette compilation, à développer le recueil de données (MDS) : délibérations cliniques pour décider des rubriques et des définitions qui le constitueraient.
  - Pendant cette étape, un groupe de consultants des professions soignantes et un comité consultatif national ont été formés pour assister l'équipe du projet dans la construction du recueil de données et des protocoles. Des professionnels de diverses disciplines y étaient associés : infirmières, travailleurs sociaux, médecins, psychiatres, ophtalmologistes, kinésithérapeutes, animateurs, orthophonistes, spécialistes de la communication, dentistes et diététiciens.
  - Le groupe de travail clinique comprenait aussi des représentants des organisations de consommateurs, des associations professionnelles, des avocats des résidents, des soignants, du personnel administratif, des représentants du secteur public et des spécialistes de l'évaluation.
  - Lors du développement et des tests, des résidents et des membres du personnel des établissements furent aussi associés. Ces professionnels des soins et autres spécialistes participèrent à chaque étape du processus de développement, aidant l'équipe du projet à affiner, en tout, plus de 50 versions.
  - Des groupes de travail formés d'experts ont également participé à la construction des protocoles. Chaque groupe s'est penché sur un seul domaine (par exemple, les escarres), les membres en étaient choisis pour leur compétence dans ce domaine.
- Le MDS et les protocoles ont été testés plusieurs fois avec les résidents et le personnel de quelques 30 établissements dans 6 états différents de USA, et chaque fois remaniés. Des efforts considérables ont été consentis pour garantir que les rubriques du MDS étaient utiles aux soins, qu'elles pouvaient être codifiées de manière sûre et interprétées logiquement par le personnel chargé des évaluations dans les établissements.
  - Lors de sessions qui duraient des journées entières, un compte rendu était demandé aux infirmières, aux travailleurs sociaux et aux médecins qui avaient participé aux tests sur le terrain, à propos de l'application du RAI dans leur institution.
    - Les sujets abordés comprenaient : le temps nécessaire à l'évaluation, les rubriques jugées utiles ou difficiles, la pertinence de chaque rubrique et les réactions des résidents et des prestataires de soins.
- Le MDS né de ce processus offre les moyens de recueillir une information spécifique dans les domaines suivants : santé physique, état fonctionnel, continence, bien-être psychosocial, état d'humeur, problèmes de comportement, état nutritionnel, capacités cognitives, vision, ouïe, capacité de communiquer, état dentaire, activités préférées, utilisation de médicaments et de moyens de contention, potentiel d'amélioration de l'indépendance et indicateurs de la qualité de la vie.
- En somme, le RAI aide les soignants à identifier des problèmes qui devraient être pris en compte dans le plan de soin, mettant en évidence la nature des ressources et des besoins du résident qui influenceront la décision d'intervenir ou non, et, si oui, comment.

Avantages du RAI

L'utilisation du RAI comme base d'une méthode d'évaluation uniformisée permet d'atteindre les objectifs suivants :

- Il procure une évaluation complète et circonstanciée pour chaque résident d'un établissement d'hébergement et de soins de longue durée.
- Il donne l'assurance que les membres de l'équipe prennent en considération l'ensemble de la personne, se concentrant sur la manière dont les ressources et les besoins du résident dans un domaine peuvent être mis en relation avec ses forces et ses faiblesses dans un autre domaine.
- Il apporte une aide pour identifier les problèmes du résident, signalant ses besoins en ce qui concerne non seulement son état fonctionnel actuel, mais également ses capacités potentielles de faire des progrès.
- Lorsqu'il est rempli correctement, il donne l'assurance que le plan de soins est bâti sur une information précise et fiable.
- Il favorise l'implication de l'équipe interdisciplinaire dans l'évaluation et la planification des soins.
- Son but est de promouvoir la participation de tous les membres des professions de la santé au processus de soins et d'éviter les actions isolées qui sont trop souvent propres à une seule discipline.
- Il améliore la qualité des soins et leur planification
- Il permet au résident de trouver une meilleure qualité de vie et d'atteindre le plus grand bien-être possible.

Inconvénient

La réalisation du RAI demande du temps...(1 h 30 à 2 h).
- Mais si nous n'avons pas 2 h à consacrer à une personne qui rentre dans nos services et va y rester de 1 à 5 ans ou plus, nous devons nous poser (et les décideurs aussi) des questions sur la qualité de notre professionalisation.
  - Serait-ce que les équipes ne sont pas encore mentalement prêtes à la "professionalisation" de leur exercice et reproduisent le passé mentalisé par la culture ?

En Europe, où en est-on ?

Dans tous les pays occidentaux, les soins aux personnes dépendantes représentent une part toujours plus importante du budget de la santé. L'évaluation des besoins de cette population est indispensable pour assurer à la fois des soins appropriés et une répartition équitable des ressources.
Or les instruments nécessaires à cette évaluation se limitent le plus souvent à une description du degré de dépendance de la personne (cas de la grille AGGIR). En cela, ces instruments peuvent satisfaire les besoins des gestionnaires, pour leurs calculs de dotation en personnel ou de budget, mais pas ceux du personnel soignant.
Certes une démarche de soins peut être réalisée en renseignant les items des 14 besoins de Virginia Henderson, mais cet exercice synthétique sans analyse fine des composantes de l'état du résident, ne débouche pas - sur le terrain - sur un plan de soins argumenté d'une part, et varie selon la compétence de la personne qui réalise la démarche, d'autre part.
L'implantation du RAI initiée en Allemagne, Danemark, Espagne, Grande-Bretagne, Italie, Pays-Bas, Portugal, Suisse, Suède, Australie et au Japon prouve que le problème de l'évaluation se pose partout et que la méthodologie employée ici, recueille l'aval de soignants de cultures différentes.
Le référent en France est le Pr J. C. Henrard, Centre de gérontologie, Hôpital Sainte Périne, Laboratoire Santé-Vieillissement, EA 25.06, Université René Descartes, 49 rue Mirabeau, 75016 Paris. - Courrier électronique : henrard@idf.inserm.fr
Vous pouvez écrire pour les demandes d'information à : Mme Evelyne MARCHON, Consultation de Gérontologie, 49 rue Mirabeau, 75016 PARIS
- Courrier électronique : evelyne.marchon@spr.ap-hop-paris.fr
Où se procurer le manuel ?
RAI INSTITUTION version 2.0 Manuel de formation et guide d'utilisation - 376 pages - 54 ¤
Éditions ENSP - avenue du Professeur Léon-Bernard - 35043 Rennes cedex
Commander au Tél. 02 99 54 90 98

Prospective

Des outils d'évaluation divers sont utilisés dans les établissements en fonction de paramètres et motivations variés. Et dans certains on n'en utilise aucun, le diagnostic médical seul étant la référence ; or celui-ci n'englobe pas les problèmes de santé et de la vie quotidienne de la personne dans sa globalité...
- Il est logique de penser que le "régleur", à terme, ne se contentera pas de cette situation, sous la pression de ses "financeurs" que sont les citoyens qui votent...
  - Et ce d'autant plus que la diminution de ressources des Conseils généraux (suppression des rentrées de la vignette automobile en 2000) va retentir sur les modalités du système de paiement de la Prestation spécifique Dépendance.
    - Si le système est national il débouchera sur une obligation de qualité... et une loi de type OBRA américaine.
      - Le RAI est dans les tiroirs des bureaux du ministère, qui a suivi le test de cet outil par la Fondation Nationale de Gérontologie (Pr Henrard)
La grille AGGIR est sans intérêt pour une démarche de soins et, au contraire, induit une pensée négative dans le comportement des soignants. Elle en fait des "fragmenteurs" (et je ne suis même pas sûr que "frag" soit approprié !)
- En effet, par son, approche même (mesure des pertes et déficits de la personne), cet instrument propose une vision réductrice des soins.
  - Par ailleurs, elle incite les soignants à exagérer la gravité des états de dépendance observés, dans la mesure où la dotation en personnel et financière de l'établissement sera liée à la "lourdeur des cas".
    - Enfin, cet instruments ne s'intéresse pas à la qualité de l'action des professionnels et ne permet pas de l'évaluer.

Notre expérience des outils d'évaluation ...

Ils s'intègrent tous dans le PIAF (Projet Individualisé d'Autonomie Fonctionnelle)
- 1988 : Géronte (schéma à colorier).
- Visualise les pertes. Cartographie qui ne procède pas d'une philosophie humaniste des soins. Ne débouche pas sur des propositions. Ne tient pas compte de la formation en IFSI et école d'Aide Soignante.
  - Dans le même ordre d'idée (évaluation de la dépendance/autonomie) mais sous une présentation par items citons la grille de Kutzmann, et celle de Katz/Lawton (IADL)
- 1989 : La grille des 14 besoins de Virginia Henderson - items du Ministère avec report des résultats sur des diagrammes qui visualisaient l'aire d'autonomie et son évolution.
- Comme dit plus, haut variabilité importante suivant la compétence de l'observateur et ne débouche pas sur un plan de soins suffisamment pragmatique et argumenté.Fait "plus joli qu'efficace" dans le dossier de soins.
- Dans le cadre de nos recherche-action, nous avons conçu et réalisé ...
- 1992 : Constat d'Autonomie Fonctionnelle ou CAFIM (pictogrammes et items SMAF-IADL).
- Sur une seule page des cases à cocher appréciait la dépendance. Avantage : rapidité de réalisation. Inconvénient : pas de démarche de résolution de problème
- 1993 : Recueil minimal de données d'observation (cases à cocher)
- Répertoriant l'observation des symptômes (classés selon les 14 besoins), il nous orientait déjà vers un recueil de données s'éloignant de l'évaluation de la dépendance et recherchant des points forts et faibles, pour préciser le soin.
  - Nous n'avons pas poursuivi le raisonnement jusqu'au bout..
    - Il nous aurait conduit (si nous en avions eu les capacités !) au RAI, mais celui-ci étant apparu nous l'avons adopté.
    - Le réaliser dans le quotidien est une autre histoire culturelle...qui devrait commencer en IFSI !
- En rappelant qu'il vaut mieux faire une des observations ci-dessus plutôt que de ne rien faire...
- 1994 : RAI
- La grille AGGIR, outil de gestion, qui est sans intérêt pour une démarche de soins peut automatiquement découler du recueil de données RAI informatisé (nous l'avons réalisé).
Pour être complet :
- - Guide d'observation UNASSAD (Dr Guillet) Construit pour le domicile orienté SIAD, mais adaptable
  
  20/02/2003- actualisé en juin 2009
  Dr Lucien Mias
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