Intentionnellement, le terme de malade est exclu de notre vocabulaire quand les personnes ne présentent pas une pathologie aiguë. La vieillesse avec son cortège de troubles n'est pas une maladie précise, mais un état.
Nous commençons à affirmer notre différence en sortant de l'espace sonore où évoluent des personnes âgées, le poids des mots "malade" et "vieux". Résident utilisé depuis 1990 ne véhicule pas de concept de perte de valeur et, pour montrer qu'à travers le mot nous voyons une personne, il est toujours écrit avec une majuscule.
- La commission du dictionnaire de l'Académie Française nous a donné raison en 1997. Elle indique que le participe présent « résidant » ne doit s'employer que comme adjectif et qu'il est le plus souvent suivi d'un complément. Au terme « résidant » employé substantivement, on doit lui préférer « résident », pour désigner une personne qui demeure dans un pays, une ville, une résidence... etc. Il est recommandé de dire : « un résident, une résidente de maison de retraite ». Bulletin du Coderpa du Tarn n° 50,1997.
Parmi les Résidents qui nous sont confiés, nombreux sont ceux qui ont perdu l'envie de se laver, de s'occuper de leur corps.
- Il faut tenir compte que la toilette quotidienne ne concernait que la frimousse, les mains et les pieds, dans leurs apprentissages d'enfance de la France des années 1910 et savoir que certains soignants sont choisis par le Résident comme seuls autorisés à s'immiscer dans leur distance intime. HALL, définit dans "La dimension cachée" trois distances (intime, personnelle, sociale) qui sont autant de bulles entourant le Moi.
Certains ont perdu leur conjoint, et les amis de leur tranche d'âge sont peu nombreux.
D'autres présentent à un moment ou à un autre de la journée des troubles du comportement.
Pour tous les Résidents, notre optique est la même : solliciter par notre comportement l'adhésion à la vie et donner le maximum d'informations sensorielles.
- La joie de vivre des soignants a un effet d'entraînement, insoupçonné en première analyse, car le résultat ne se mesure qu'au fil des jours et des mois. Le rire, le chant, le coup de gueule qui n'est qu'un coup de coeur, résonne dans les couloirs ... et le chef de service n'oublie pas d'aller souhaiter bon appétit à la cantonade, au restaurant à chaque repas.
Les Résidents sont invités à participer aux activités d'éveil.
- Ceux qui refusent prouvent qu'ils ont gardé une capacité d'autonomie de décision et notre rôle est de créer chez eux le désir-besoin de participer. C'est le soignant qui est rentré dans la "distance intime", lors des soins corporels qui, le plus souvent, amène le Résident dans le cercle des activités car il est intégré dans sa bulle intime, décrite par Hall dans "La dimension cachée" et exposée dans les fondamentaux.
- On relève parmi les Résidents ayant conservé une certaine logique de raisonnement, que ceux qui ne prenaient aucune décision lors de leur vie professionnelle (impossibilité due au poste ou incapacité personnelle) sont les moins enclins à participer.
- D'autres ne choisissent pas de ne rien faire, ce qui serait encore un vouloir, ils semblent attendre la distribution du ticket pour ailleurs. Or, tant qu'ils sont parmi nous, il faut stimuler leurs neurones pour multiplier les interconnexions dendritiques (les dendrites sont des prolongements fins des neurones qui réalisent les échanges d'informations entre les neurones) et ne pas accepter la démission précoce de la vie.
Nous devons être la locomotive de leur vouloir, si celui-ci est défaillant. En tuteurant ainsi, nous avons l'agréable surprise de voir refleurir d'étonnants comportements d'autonomie.
Nous utilisons des procédés directifs, mais modulés en fonction des réactions des Résidents recueillies par tous les soignants. Ces réactions permettent de nous adapter à la perception des choses par la personne, tributaire de son vécu.
Si nous donnons une place de choix à la chaleur humaine et la convivialité, répondre à la demande pour "tout faire à la place" n'est pas inclus dans notre projet, car cela aggrave la perte d'autonomie.
Pour nous, la condition humaine depuis les origines, c'est de vivre debout et, si possible, redressé.
À partir d'un projet de lieu de vie, par petits pas, nous avons défini pour les Résidents une prise en charge basée sur le relationnel et le sensoriel. Avons-nous raison ? Ce projet n'a pas été choisi par eux et un certain degré de tutelle décisionnelle existe de notre part.
Les résultats sur la qualité de leur vie, dans la vie quotidienne, confirment le bien fondé des choix. Mais nous sommes toujours en recherche et prêts à échanger "notre vérité" si nous trouvons mieux ailleurs.
- Insensibles aux critiques de ceux qui se cachent derrière de grands principes, pour ne rien faire, nous sommes convaincus, en constatant le vieillissement différentiel des personnes en fonction du milieu et de l'activité professionnelle, que la prise en charge devrait surtout être réalisée en amont du EHPAD..
Nous ne sommes pas
un service de soins palliatifs (lieu où on sait, du fait du
diagnostic, que la mort sera au rendez-vous, tel jour) mais un service
où nous essayons d'apporter des raisons de vivre. La mort
sera au rendez-vous certes, mais... dans un jour ? dans dix ans ?
Dès la
naissance, la mort est dans le contrat de vie. L'inclure au quotidien
dans la définition du style de vie inhibe toute action, pour
vous, pour moi, pour lui.
Nos actions pour les
Résidents ont la même valeur que
l'éducation donnée à un adolescent ...
qui se tue sur la route en sortant d'une boîte de nuit : ils
emportent dans la tombe tout ce qu'ils nous ont donné en
échange de nos actions ; une plus grande dimension
spirituelle.