Le besoin des soignants de s'intéresser aux locaux vient du fait que le Service de Soins de Longue Durée héberge une proportion de plus en plus élevée de personnes âgées ayant des troubles de comportement, orientant une prise en charge psychique.
- Ces services occupent habituellement, les locaux laissés vacants par un service de "court séjour" lorsque celui-ci a été transféré dans des structures neuves : on a légèrement réaménagé des locaux qu'on a affecté au Service de Soins de Longue Durée, lequel a dû adapter son fonctionnement aux locaux et non l'inverse. Ce qui est une hérésie de gestion, puisque c'est le service où les soins de nursing étant les plus importants il est nécessaire de diminuer le "temps-agent" dépensé à cause des " pas perdus ". Un coût de fonctionnement est variable, alors qu'un coût d'investissement est fixe.
Leur dilemme était de réussir à concevoir un environnement ordonné et stable, sans qu'il soit monotone et impersonnel, sécurisant sans être sécuritaire.
Leur stratégie avait comme objectif de compenser si possible par des mesures d'ordre environnemental les problèmes de désorientation, de perte de mémoire, de perte de capacités au niveau social et de détérioration de l'estime de soi, typiquement associés à cette population.
La réflexion sur l'ensemble du projet a été guidée par la volonté de privilégier la lumière naturelle, les stimuli sensoriels, la communauté, de permettre la déambulation externe.
Elle est atteinte dans ses fonctions intellectuelles, est âgée et désorientée, présente un déficit cognitif, une démence par multi infarctus ou du type Alzheimer... autant de mots différents qui tentent de masquer nos ignorances devant des manifestations de désorientation, d'erreurs dans la réalisation des actes de la vie quotidienne, de comportements perturbateurs, d'errance...
Les malades porteurs de ces syndromes ne sont pas semblables et n'ont pas les mêmes besoins. Mais on ne peut pas strictement classer cette population car la polypathologie, constante en gériatrie, vient rendre les limites bien imprécises.
Il faut donc se contenter de définir cette population comme «posant essentiellement un problème de comportement" », associé à des déficiences additionnelles qui contribuent à accélérer la détérioration de l'estime de soi.
Problèmes,
- de santé et handicaps physiques.
- Ce qui rend la personne plus vulnérable à son environnement et accentue la nécessité d'un milieu de vie sain, sécurisant et facilitant la mobilité ;
- de perception sensorielle.
- Qui se traduit par des pertes d'acuité auditive et visuelle (réduction du champ de vision, sensibilité à l'éblouissement, réduction de la capacité de discriminer les couleurs, de localiser les objets, de reconnaître les personnes.)
- de la capacité à accomplir les actes la vie quotidienne.
- L'incapacité peut être aggravée par le milieu institutionnel lui-même selon le choix du concept de soins : aider ou faire à la place. Se substituer à l'autre est parfois responsable de la naissance d'une maladie.
- de comportements perturbateurs sociaux et territoriaux. Ils représentent une source de désagrément importante pour les personnes lucides qui cohabitent et une souffrance pour les soignants.
Il s'ensuit,
1 - Proposition de l'équipe soignante - après 2 ans de réunions, réflexions, compte rendus successifs
Voir le schéma du plan retenu . Architectes : Defos du Rau, Patrick Vellas - Toulouse.
Nous avons prêté attention au livre «L'architecture du grand âge», relevé des idées dans des publications canadiennes, dans «Architecture, urbanisme et vieillissement» (P.Vellas), mais aussi et surtout engrangé des données en fonction du vécu quotidien de ceux qui sont sur le front de l'action, les soignants. Parmi les idées recueillies, nous transcrivons ci dessous quelques options retenues en fonction du projet de soins.
HALL D'ENTRÉE (40 m2)
On y accède par des portes automatiques. On y trouve le bureau administratif (10 m2, vitré, le personnel devant s'intégrer dans la vie quotidienne des résidents comme intervenant, actif par sa chaleur humaine), des sanitaires pour les visiteurs (8 m2), le vestiaire du personnel soignant (25 m2, avec sanitaire et douche). Son équipement qui comporte des sièges confortables, un poste téléphonique à carte et une sonorisation douce, le rend accueillant. Du hall, une porte à commande numérique permet l'accès à un couloir orientant vers les unités de soins.
COULOIRS
SALLE D'ACTIVITÉS COMMUNAUTAIRES
CHAMBRES
LINGERIE
SALLE A MANGER
Avec le temps, la personne âgée qui subit un diminution des papilles gustatives et des corpuscules olfactifs, perd l'appétit par mauvaise identification des saveurs et des odeurs (pensez à vous quand vous avez un rhume!). Elle a tendance à ne pas goûter les aliments. Il faut attirer son attention sur la table, favorisant ainsi une meilleure communication dans une salle attrayante où l'on a envie de rester un moment. Vraie salle à manger personnalisée, chaleureuse, accueillante.
OFFICE
CABINET DE TOILETTES
SALLE DE BAIN
La salle de bains ne doit pas être situé près du hall d'entrée car dans la génération actuelle, certains Résidents crient lorsqu'on les baigne (non habitués à se baigner ou démence et peur de l'eau). Une situation près de la lingerie et de la salle de soins est souhaitable.
BUREAU ADMINISTRATIF
PORTES
FENÊTRES
MOBILIER
JARDIN (conception et deux exemples)
LITS D'HOSPITALISATION TEMPORAIRE
Il est avantageux tant du point de vue thérapeutique qu'économique de maintenir à domicile, aussi longtemps que possible, les patients qui présentent un affaiblissement de leurs facultés intellectuelles. Mais on est confronté à des difficultés.
Ces difficultés peuvent provenir de l'entourage du patient qui joue un rôle prépondérant dans la réussite ou l'échec du maintien à domicile.
Qu'il s'agisse d'ailleurs d'un entourage naturel, membres de la famille, ami voisins, ou d'un entourage créé de toute pièce, c'est-a-dire, de soignants tels que médecins, infirmières, aides ménagères, etc. Dans la plupart des cas, cet entourage est mixte.
C'est le niveau de tolérance de cet entourage qui est essentiel.
S'il est élevé, il va être souvent possible de prolonger considérablement et dans de bonnes conditions, le séjour du patient dans cet entourage habituel. Si au contraire, ce niveau est bas, il est probable que des pressions de plus en plus insistantes seront exercées sur le médecin, de manière à ce qu'ils place sans délai la personne ayant des déficits cognitifs certains.
Le niveau de tolérance de l'entourage dépend lui-même de nombreux facteurs:
Cette anxiété prend ses racines aussi bien au niveau émotif qu'au niveau de la réalité de la situation. Il est facile d'imaginer que se trouver confronté à un membre de sa famille dont la démence progresse est une épreuve émotionnellement très difficile à tolérer. L'anxiété qui peut en découler active généralement des mécanismes de défense qui peuvent parfois déséquilibrer et même compromettre le maintien à domicile.
L'anxiété des soignants existe également. Elle est apparemment plus rationnelle : risques des chutes répétées ou d'incendie. Mais, à ce risque réel s'ajoute la crainte du soignant d'être responsable des dommages tant physiques que matériels que pourrait occasionner le patient. Au sentiment valorisant d'être un bon soignant qui contribue à permettre au dément de rester chez lui, peuvent donc succéder brusquement des sentiments de culpabilité et d'agressivité. Le soigné devient alors dangereux pour le soignant qui se trouve en proie à un conflit intérieur ou l'estime qu'il a de lui-même peut être remise en question.
Avant que la famille n'atteigne l'épuisement, (entraînant un rejet qui aura une incidence au niveau du malade lui-même car, tout détérioré qu'il soit, il sentira ces conflits familiaux et percevra qu'on le rejette), il faut permettre à la famille de «souffler» durant des périodes plus ou moins longues.
Accueillir le malade en hospitalisation de jour, de nuit ou en séjour temporaire sont des solutions qui permettent à la famille de «recharger les accus».
Elles permettent parfois aussi aux patients en «isolement sensoriel» à domicile, d'établir de nouvelles relations au travers desquelles de nombreux affects peuvent circuler.
Cette hospitalisation doit s'accompagner d'une intégration de la famille comme partenaire de l'équipe de soin afin de créer un climat de confiance, de coresponsabilité qui lui permet de retirer une certaine satisfaction. La démarche de confier son parent à des tiers éveille chez elle un sentiment de culpabilité, une souffrance devant la séparation malgré le dévouement sans bornes démontré pendant plusieurs mois ou années et la promesse de ne jamais le «placer».
2 - Réalisation effective : audit soignant après trois ans de vie dans les lieux.
- Il y a toujours une différence entre ce que l'on prévoit et ce qu'on réalise en fait car des contraintes architecturales et législatives de sécurité modifient les données.
- Dans le cadre de la gestion une architecture adaptée diminue les coûts ; au point de vue thérapeutique une architecture "prothétique" (Lindsey,1968) accroît les performances.
- L'écueil à éviter est d'avoir des locaux sécuritaires alors qu'ils ne doivent être que sécurisants. Adaptés au handicap ils ne doivent pas être une source de création de handicap en étant sans relief, sans problème à résoudre : les dendrites cérébraux restent fonctionnels s'ils sont obligés de se butiner entre eux.
Ce qui donne envie d'exister, de progresser, ce qui propulse vers l'avenir, se loge dans les projets à édifier, dans de nouvelles perceptions à intégrer. Il faut toujours du grain à moudre, sinon on broie du noir...